Assassinat de deux citoyens
(Gémenos, 6 février 1800)

Caricature de sans-culotte, par James Gillray, Londres, 1797. DP.

Caricature de sans-culotte,
par James Gillray, Londres, 1797. DP.

« L’an huit de la République française une et indivisible, le 18 pluviose [1], à 10 heures du matin, nous François Tremellat, juge de paix, officier de police judiciaire du canton de Roquevaire, sur l’avis qui nous a été donné par le citoyen Barthélemy, agent municipal de la commune de Gémenos, par sa lettre en date du jour d’hier, reçu ce matin, qu’il s’était commis deux assassinats sur la personne des citoyens Gilbert Bourlet et Quérel de Marseille, ledit jour d’hier devant la porte de la maison de campagne (ci-devant château de Clapier), que ledit Bourlet habitait, sise dans le terroir de Gémenos, quartier de Saint-Jean-de-Garguier.Ayant requis une escorte militaire, nous nous sommes transporté sous ladite escorte et de celle de gendarmes de la résidence dudit Roquevaire, en ladite maison de campagne, sise au susdit quartier, terroir de Gémenos, où, étant, nous avons trouvé ladite maison gardée par des militaires en cantonnement audit Gémenos, et deux cadavres masculins gisant par terre, l’un étant à la distance d’environ 40 pas du mur de clôture de la basse-cour de ladite maison, entre deux oliviers dont ayant trois pieds, couché d’échine dans une allée ou oulière [2], la tête au nord à un pas du petit viol [3], couvert d’une casaque calmour vert [4], habit national, culotte velours olive, gilet rouge, bas de laine, sans soulier, un mouchoir blanc sur son visage et les deux mains teintes de sang avec un blessure à chaque ;
L’autre cadavre se trouvant à six pans dudit mur du côté gauche du grand chemin, conduisant à icelui, couché d’échine, la tête au couchant, un chapeau couvert de toile cirée noire sur son visage, habits bleus, boutons de l’étoffe culotte drap jaune, les bas de fil ris, mauvais souliers, les mains ensanglantés et un mouchoir blanc sur sa tête, ayant une chemise blanche ainsi que l’autre.
Nous avons vu arriver à l’instant les citoyens agent et adjoint municipaux de Gémenos, le citoyen Jayne, officier de santé dudit lieu, et le citoyen commandant de la place d’Aubagne, suivis d’une escorte de militaires et, après leur arrivée et en présence, nous avons requis les officiers de faire à l’instant la visite desdits cadavres, à quoi procédant il a été remarqué que le premier cadavre a été percé d’un coup de bâle [5] qui a traversé son corps, à la partie supérieure des côtes, que son bras droit avait reçu un coup d’arme à feu qui lui a fracassé la carpe [6], qu’un autre coup d’arme à feu a fracassé la métacarpe [7] en entier et le doigt index de la main gauche ;
Que le second cadavre a eu le bras droit fracassé par un coup d’arme à feu qui a passé à la partie gauche d’icelui, cinq coups de stilet [8] à la partie inférieure de la clavicule, cinq coups d’instruments tranchants au côté droit et un coup de bâle qui a passé à la partie inférieure de l’omoplate à la partie gauche et à la partie intérieure des côtes et un coup de bâle qui a passé en long des fausses côtes, desquelles déclarations il résulte que lesdits Gilbert Bou[r]let et Quérel, dont le prénom est Pierre, le premier de l’âge d’environ 45 ans, originaire d’Auvergne, fermier de la susdite maison et domaine, y demeurant, et le second de l’âge d’environ 46 ans, exerçant la profession de doreur, domicilié dans la commune de Marseille, rue Cinsignatus [9], ayant été reconnu pour tel, sont morts de mort violente et qu’ils ont été tués par des armes à feu et des fers tranchants.
En conséquence, et attendu que la cause de leur mort est connue et que toute autre recherche à cet égard serait inutile, nous avons déclaré que rien ne s’opposait à ce que lesdits corps ne fussent inhumés suivant les formes ordinaires, et nous sommes soussignés avec notre greffier. »


[1] 7 février 1800.
[2] Provençal ouliero, « allée d’oliviers ».
[3] Provençal viòu, « sentier ».
[4] Calmour : étoffe de laine.
[5] Une balle d’arme à feu.
[6] Le poignet.
[7] Le dessus de la main.
[8] Poignard à lame fine laissant des blessures quasi invisibles hormis le sang qui s’en échappe.
[9] Rue Cincinnatus : nom révolutionnaire donné à la rue Paradis.

  • Registre d’état-civil de Gémenos
  • Texte signalé par Géraldine Surian