Crime dans le vallon du Riou (Aubignosc, 9 août 1828)

Mauduech, 51 ans, était un négociant qui vivait à Aubignosc, dans les Basses-Alpes. Issu d’une famille établie de longue date dans le pays et réputée pour sa probité, il commit pourtant un acte passionnel qui vint jeter le trouble dans ce village paisible.
Le 9 août 1828, on avait vu, cet homme, peu avant le coucher du soleil, sortir de son habitation avec sous le bras sa carnassière et un fusil à deux coups.
Un moment plus tard, il était en compagnie d’un homme encore jeune, Joseph Imbert, 40 ans et toujours célibataire, et qui, comme Mauduech, était négociant et habitant du village.
Ils causaient paisiblement ensemble et tous deux, au fil de la discussion, marchaient à pas lents vers un vallon appelé le Riou*.
Mais quelques minutes s’étaient écoulées qu’on entendit retentir deux coups de feu avec assez de distance l’un de l’autre.
Des hommes travaillant dans les champs interrompirent leur labeur et allèrent à grandes enjambées en direction de l’endroit d’où l’on avait tiré. En peu de temps, ils aperçurent un homme courir en remontant le vallon, chanceler et tomber pour de bon.
On se porta à son niveau et l’on trouva le malheureux Imbert percé de deux coups de feu dont il expira rapidement, sans avoir désigné son assassin.
La justice fut appelée et se rendit dès le lendemain matin sur les lieux pour constater un crime dont on devinait pourtant déjà l’auteur.
Mauduech fut amené devant le juge instructeur qui procéda à son interrogatoire.
Dans un calme parfait, il affirma ne pas avoir vu Imbert la veille et encore moins être sorti avec son fusil.
Mais au moment où on allait appeler des témoins pour les confronter et assurer du contraire, il retira de ses pieds les lourdes chaussures qu’il portait et, vif comme l’éclair, disparut du milieu des gendarmes qui devaient le garder.
Ceux-ci se mirent au pas de course pour le rattraper mais Mauduech courait vite. Par chance, un gendarme, redoublant d’effort, parvint à mettre la main sur le fuyard et tous deux tombèrent lourdement.
Ramené devant le magistrat, Mauduech n’était plus le même. Il déroula toutes les circonstances de son crime, s’appliquant à n’omettre aucun détail et fit l’aveu suivant :
« Je suis marié depuis environ quinze années. Je fus toujours très attaché à ma femme. Si vous saviez combien je l’aime encore ! Cependant, depuis dix ans, elle entretenait de coupables liaisons avec Joseph Imbert. Je n’en avais pas la certitude mais, depuis un moment, elle s’était décidée à m’en faire l’aveu.
« Ce qui a pu m’engager à commettre un pareil crime, c’est qu’hier, en revenant de la ville de Sisteron, une fille nommée Suzanne Mollet m’assura qu’Imbert disait hautement partout qu’il ne se mariait pas parce qu’il avait ma femme.
« Ce n’est que depuis ce moment que ma tête s’est égarée. J’étais hors de moi. J’ai pris mon fusil, je l’ai chargé avec une balle d’un côté et du plomb numéro quatre de l’autre et je me suis rendu sur le grand chemin pour attendre Imbert.
« Je l’ai bientôt vu qui revenait de la foire de Sisteron. Le voyant se diriger vers sa vigne, du côté d’un petit vallon, je le suivis et engageai la conversation avec lui.
« Parvenu dans le vallon, je lui ai tiré un coup de fusil à la distance de quatre ou cinq pas. Il tomba sous la force du coup mais il se releva presque aussitôt et voulut s’enfuir en remontant le vallon.
« Je me mis alors à sa poursuite et lui lâchai un second coup par derrière, qui le traversa de part en part. Cependant il lui resta assez de force pour courir encore cent cinquante pas. Je ne l’ai pas vu tomber et, loin de le suivre, je retournai chez moi.
« La justice, je pense, aura égard à ma malheureuse position. »

Le vallon du Riou, à Aubignosc, en 1908. Photographie : Bedel / Bibl. nat. de France.

Note

* Le chemin pris par les deux hommes pourrait être l’actuel GR 653D.
  • Source : Gazette des Tribunaux, numéro 975, 22-23 sept. 1828.

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