Le 2 janvier 1841, deux prévenus comparaissaient sur la sellette de la police correctionnelle, à Apt (Vaucluse). C’était d’une part un nommé Charles Petit, et de l’autre Rose Masse, dite Chauchon de Viens.
Charles Petit était venu du nord de la France et, de ville en ville, jusqu’à Apt, où il s’était présenté à divers titres chez plusieurs personnes, réclamant des secours, alléguant tantôt qu’il était victime des inondations, tantôt qu’il manquait de travail comme ouvrier imprimeur.
C’est en cette qualité, et bien qu’il se fût déjà donné ailleurs comme boucher, comme taillandier, comme maréchal de logis, comme verrier, qu’il s’était adressé à un imprimeur d’Apt, M. Cartier, où il déclara être venu de Bourg-de-Péage (Drôme), après avoir été imprimeur en titre à Dijon.
Ses papiers n’étant pas en règle et le sous-préfet le soupçonnant sur la véracité de ses dires et sur sa conduite, il fut arrêté et appelé à s’expliquer sur ses antécédents.
Les témoins entendus, il avoua que le certificat qui le désignait comme ancien maréchal des logis d’artillerie était faux et qu’il lui avait été donné dans une auberge de Valence par des jeunes gens qui avaient voulu s’amuser, qu’il s’en était servi comme enveloppe de ses autres papiers.
Les juges lui ayant demandé pourquoi il s’était présenté chez les deux imprimeurs de la ville puisqu’il ne savait ni lire ni écrire, il répondit qu’il avait cru s’adresser à des imprimeurs en indienne.
Après quelques mots présentés en sa faveur par Maître Anastay, qui avait accepté sa défense par un sentiment d’humanité, Charles Petit fut condamné à un mois de prison, à l’amende et aux frais, le tribunal ayant admis des circonstances atténuantes.
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On s’occupa ensuite du cas de la fille Chauchon de Viens qui avait à répondre à la prévention qui pesait sur elle pour avoir outragé un des fonctionnaires publics, Barthélemy, greffier du tribunal. Cette fille, dont les propos grossiers et l’étrange conduite étaient bien connus des habitants d’Apt, avait publiquement apostrophé le greffier, l’avait traité de coquin, d’échappé de galères, lui avait reproché de l’avoir précédemment fait condamner à trois mois de prison.
Malgré ses dénégations et les bizarres explications qu’elle donna à l’audience du 2 janvier, elle se vit condamner à quatre mois de prison, à cent francs d’amende et aux dépens, les témoins entendus ayant tous raconté la scène scandaleuse qui s’était passée sous leurs yeux, à la porte des demoiselles Clément, buralistes, à la grand-rue d’Apt.
En sortant de l’audience, cette mendiante n’épargna pas ses invectives ni aux juges, ni aux huissiers, ni aux gendarmes, ni aux assistants.
- Sources : Le Mercure aptésien, 10 janvier 1841, p. 4.