Éclair de folie au crépuscule (Marseille, 29 mai 1848)

Le 29 mai 1848, le quartier de la plaine Saint-Michel, à Marseille, fut le théâtre d’un terrible événement. Celui-ci débuta pourtant de la façon la plus banale qui soit.
Jean-Baptiste Bertrand, un maçon et marchand de plâtre de 37 ans, était assis sur une chaise devant la porte de sa maison et profitait de l’air agréable en cette soirée de printemps. Tout en regardant la place qui peu à peu devenait sombre du fait de la nuit qui tombait, il fumait tranquillement, pendant que sa femme, Rose-Marie Durbec, était restée dans la maison, au numéro 30 de la plaine Saint-Michel.
À proximité de sa maison se trouvait un débit de liqueur dont sortit un certain L., ancien chef du bureau militaire à la Préfecture. S’approchant de lui par derrière, un pistolet à la main, il lui dit :
« Ah ! tu fumes ! »
Bertrand, semble-t-il, n’avait pas entendu et continuait à regarder devant lui.
Soudain, une explosion fit tressaillir tous les habitants de la maison. Bertrand était tombé de sa chaise, raide mort.
Aussitôt, L. courut vers le débit de liqueur, y entra à nouveau et s’y fit sauter la cervelle.
Un meurtre, ou peut-être un accident stupide, qui avait ôté la vie d’un homme qui n’avait rien vu arriver. Jean-Baptiste Bertrand était connu pour sa douceur et sa tranquillité. Il était apprécié dans le quartier.
L., en revanche, était d’une nature nerveuse et depuis quelques temps, il se laissait aller à des plaisanteries intempestives et à des taquineries qui le mettaient hors de lui. Il était allé jusqu’à provoquer en dual et amener de force sur le terrain une personne étrangère à ces altercations. Mais les témoins l’avaient empêché de se battre.
L. en était arrivé à croire et à dire que les ouvriers de l’Atelier national, dont pas un seul probablement le connaissait, avaient résolu de l’assassiner.
Pour cette raison, il était toujours armé et était souvent victime de crises de folie, dont cette dernière qui avait tué Bertrand.
Madame Bertrand était enceinte au moment des faits et avait quatre enfants en bas-âge qui se retrouvèrent orphelins.

Il n’a pas été possible d’identifier « L. » Ce 29 mai est aussi mort un certain Étienne Marius Reynaud, « capitaine de l’octroi en retraite », âgé de 41 ans, mort à l’hospice Saint-Pierre. Serait-ce le fameux « L. » ?

  • Sources : La Gazette du Midi, 31 mai 1848, p. 3.
  • État civil de Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, acte 387, 201 E 3001.

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