Fuveau, 1873 : Une incroyable affaire de bigamie

Fuveau-2Ferdinand Barthélemy est en âge de se marier. Il a trois frères plus jeunes.
Mais au regard de la loi, il ne peut se marier, et ses frères ne le pourront non plus… Leur mère, Marie Rose Suzanne est « sensée avoir deux maris », ce qui « porte obstacle à la célébration du mariage des enfants ».
En effet, en 1873, elle serait l’épouse de Jean Barthélemy, mais AUSSI de Jean Baptiste Jourdan.
L’affaire est invraisemblable pour Ferdinand : il sait bien que ni lui ni ses frères ne sont les fils de Marie Rose Suzanne, ni de Jean Baptiste Jourdan… ni de Jean Barthélemy !
Ses parents sont Joseph Barthélemy et Henriette Suzanne. Tout le monde sait cela à Fuveau
Pourquoi Jean au lieu de Joseph pour son père ? Pourquoi Marie Rose au lieu de Henriette pour sa mère ?
L’erreur concernant le prénom de son père est vite trouvée grâce à l’acte de naissance de Ferdinand, fils de Joseph et non de Jean.
Mais il reste le problème de sa mère.
Ferdinand est bien convaincu qu’il y a erreur car Marie-Rose Suzanne existe ; c’est sa tante, d’ailleurs mariée à Jean Baptiste Jourdan. L’officier d’état civil a dû confondre les deux sœurs ?
1873-bigamie-1Il faut sortir au plus vite les actes de naissance des quatre frères Barthélemy : 1848, 1854, 1857, 1862.
Stupeur pour la fratrie : dans les quatre actes, les garçons sont bien notés fils de Joseph, mais aussi fils de Marie Rose Suzanne (et non d’Henriette).
Bien. Il faut sortir l’acte de mariage de Joseph et Henriette, et puisqu’on y est, leur contrat de mariage, tous deux datés du 1er décembre 1847.
Nouvelle stupeur : L’acte de mariage et le contrat datés du jour où se sont mariés Henriette et Joseph concernent Marie-Rose Suzanne et Jean Barthélemy.
Ferdinand est désemparé.
« Maman ?
— Mais enfin, Ferdinand, nous savons quand même, ton père et moi, quand nous nous sommes mariés !! Nous savons bien que vous êtes nos quatre enfants !!!

— Et tatie Marie-Rose ?

— Elle s’est mariée en 1842 ! L’acte existe !

— Mais quand est-elle née ?

— En 1823. Tu as raison. Faisons vérifier les dates de naissance dans mon acte de mariage et celui de ma sœur. Moi je suis née en 1825, ma sœur en 1823. »
C’est la consternation : dans les acte qui devraient être les siens, on affirme à Henriette qu’il est bien écrit Marie Rose Suzanne née en 1823…
Henriette n’existe pas, et ses enfants seraient fils de sa sœur Marie-Rose, elle-même bigame…
Cette incroyable histoire sera portée devant la justice. Henriette, son époux Joseph et leurs quatre enfants comparaissent, s’expliquent…

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Les autorités, après avoir scrupuleusement étudié les différents actes, accepteront et feront corriger par jugement les erreurs dans l’acte de mariage, le contrat de mariage et les quatre actes de naissance des enfants. Elles accepteront comme vrai l’acte de naissance d’Henriette qui put ainsi prouver son existence.
La vérité est rétablie le 27 octobre 1873 au palais de justice d’Aix, vingt-six ans après le mariage d’Henriette…
[Il sera dit que] — Le présent [jugement] sera transcrit sur les registres de l’état civil de la commune de Fuveau tenu pour l’année courante, et que mention des rectifications qu’il prescrit sera faite en marge des actes de mariage et de naissance précités, tant sur les registres déposés aux archives de la mairie que sur les doubles registres déposés au greffe du tribunal de céans.
— […] En conséquence, le président de la république française mande et ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la république.

Leur mère étant reconnue et n’étant plus considérée comme bigame, Ferdinand et ses frères seront autorisés à se marier… ouf !

© Françoise Suzanne, 2009

Sources : État civil de Fuveau

Photographies :
1. Vue de Fuveau. © Françoise Suzanne, 2009.
2. Extrait de source. DR
3. Le palais de justice d’Aix au début du siècle dernier.

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