Honorée ne veut pas d’un mari qu’on lui a choisi (Aix-en-Provence, 27 janvier 1457)

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L’an comme dessus et le vendredi 27 janvier, tous doivent savoir que […] au temps du contrat de mariage entre le noble Jacques Isoard, décédé, seigneur d’Esparron, d’une part, et noble et honnête dame Constance Hugolene, veuve de Monachi, comme on le sait, le dit Jacques, décédé, a promis de donner en époux et mari Louis Isoard, son fils, à noble Honorata Monache, sa belle-fille et fille du noble Monachi et de la dite Constance, et à son tour la susdite Constance a aussi promis de donner Honorata, sa fille, à ce même Louis Isoard.
Il se produisit que, se présentant personnellement (en présence du noble et sage seigneur Jean Vincent, juriste et régent général de tout l’archevêché d’Aix, siégeant sur un banc de bois dans le lieu précisé plus bas, lieu qu’il a choisi comme tribunal à cause du rang de l’intéressée), Honorata Monache a dit et proclamé d’une voix claire, sans contrainte de violence ou de peur, sans tromperie, sans être poussée par quiconque, dit-elle, de son propre mouvement et de propos délibéré, qu’en aucun cas elle ne voulait du dit Louis pour mari.
Après cette déclaration et ce refus, aussitôt moi, notaire cité plus bas, je l’ai interrogée et j’ai posé les questions suivantes ; d’abord je lui ai demandé pourquoi elle ne voulait pas du dit Louis, et le refusait ainsi. Elle a répondu par ces mots :
« C’est qu’ils m’ont opprimée et ils m’oppriment. »
J’ai continué à l’interroger, et je lui ai posé les questions suivantes :
« Votre mère vous a-t-elle battue, ou a-t-elle menacé de vous battre pour vous faire dire que vous ne le vouliez pas ? »
Laquelle Honorata, à cette question posée, a répondu par ces mots :
« Sauve votre grâce qu’elle ne m’a point battue, mais je ne le veux pas. »
J’ai continué à l’interroger avec la question suivante :
« D’aventure, d’ici à un an, ne le voudriez-vous pas ? »
Cette question une fois posée, elle a répondu :
« Je ne le ferai pas et je ne le veux pas. »
Et bien que plusieurs fois, toujours en l’absence de Constance, sa mère, j’aie refait et renouvelé les mêmes questions, persistant dans une seule et même affirmation, elle m’a dit et répondu qu’elle ne le voulait pas, et ne le veut pas pour homme et mari.
C’est pourquoi le seigneur régent général, après avoir entendu les refus qui suivaient mes questions, et pris en considération l’affirmation d’Honorata, dont elle ne s’est jamais écartée, mais qu’elle a toujours maintenue en disant : « Je ne le veux point pour mari », a imposé la prise en considération, dans la présente affaire, d’un accord, d’un consensus, et de son autorité judiciaire (dans la mesure où elle a pu et peut jouer), ainsi que de sa décision.
De tout cela, la noble Honorata a demandé pour elle et voulu pour tous ceux que cela concerne, que je dresse un ou plusieurs actes officiels, moi notaire sous-cité.
Fait à Aix, dans la chambre d’apparat de la demeure d’habitation du noble Jean Le Rouge, conseiller royal et maître des comptes.
Les témoins sont : Maître Jean Le Rouge lui-même, le noble Raymond l’Évêque, secrétaire du roi, le seigneur Antoine Marrot, vicaire de Sainte-Marie-Madeleine, le seigneur Jean Tenci, diacre de l’église Saint-Sauveur, et moi Honoré de Mari, notaire, etc.
  • Archives départementales des Bouches-du-Rhône, cit. in Vivre au pays d’Aix aux temps de la reine Jeanne et du roi René, J. Fabre & L. Martin, Avignon, 1984.

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