III. La ville comtale d’Aix-en-Provence

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On trouve au bout de la place des Cardeurs, une autre place, dénommée place des Fontêtes, sur les murs de laquelle se lisent toujours de vieilles publicités centenaires.
On lit dans un registre une description bucolique du lieu en 1676 :

« Là est à présent le puits de ce nom, de petites sources ou fontaines qui y rejaillissoient naturellement et en grande abondance, dans lesquelles on descendoit par des degrés ; et depuis, le pavé ayant été élevé plus haut pour la commodité publique et l’ornement du quartier, on y a fait et laissé le puits qu’on y voit à présent presque à rèz de terre, qui a retenu le nom de ces sources et petites fontaines. »

Sur cette place vivait le célèbre Foulques Sobolis, procureur au siège d’Aix. Les historiens aixois le connaissent bien puisqu’il a laissé un journal de son temps à Aix, de 1562 à 1607 [1].

Louis II d'Anjou, comte de Provence. Bibl. nat. de Paris.
Louis II d’Anjou, comte de Provence. Bibl. nat. de Paris.

Le nom de la rue du Cancel provient du latin cancellatus (« limité, borné, barré ») et se disait lou Canceou en provençal (« l’impasse »). Il s’agissait en effet d’une impasse. C’est vers les années 1820 que la rue fut prolongée et cessa d’être un cul-de-sac, nom qu’elle a pourtant gardé jusqu’à aujourd’hui. C’est dans cette rue que se trouvent les Archives Municipales de la ville d’Aix.
Dans l’impasse se trouvait autrefois la maison de Jean Louvet, seigneur d’Eygalières, viguier de Marseille en 1413, président de la Chambre Rigoureuse l’année suivante. Après s’être attaché au comte de Provence, Louis II d’Anjou, il monta à Paris et devint ministre de Charles VII. Une des ses fidèles séduisit, dit-on, le roi, tandis que l’autre devint la femme du comte de Dunois, compagnon de Jeanne d’Arc. Mis en cause dans le meurtre de Jean-Sans-Peur, il fut finalement écarté du pouvoir par le roi lui-même et finit sa vie dans l’exécration publique. Certes, la vie de cet homme à Aix se résume à une année à peine (1414), mais elle méritait d’être signalée. Sa maison passa ensuite aux Chaussegros, seigneurs de Mimet.
La rue Mérindol portait autrefois le nom de rue Baussenque, ou rue des Baux, car le terrain sur lequel elle fut élevée était la possession de Guillen des Baux (fin du XIVe siècle).
Il s’agissait au XIXe siècle de la rue Saint-Sébastien, qui devait son nom à l’église Saint-Sébastien du couvent des Ursulines qui y était situé. Tous les 20 janvier avait lieu une procession dans les rues d’Aix et qui se terminait dans cette église. À la Révolution, les Ursulines furent expulsées et le club des anti-politiques républicains (Sans-Culottes), fondé en 1790, y tint alors ses réunions. Roux-Alphéran rappelle que  » c’est de là que pendant le règne de la Terreur, sortaient journellement les motions les plus délirantes, les plus affreuses dénonciations, les proscriptions de tout genre contre les ci-devant nobles, les prêtres, les aristocrates et, des uns aux autres, contre tout ce qui possédait quelque fortune « . Début 1795, le club fut fermé mais combien de victimes avait-il envoyées à la pendaison sur le Cours Mirabeau !
Dans la rue des Muletiers et dans la rue Nouestré-Seigné (« Notre-Seigneur ») furent logés en 1236 les ambassadeurs d’Henri III d’Angleterre, envoyés auprès du comte Raymond Béranger IV pour lui demander la main de sa fille puînée, Eléonore de Provence. Le mariage fut célébré à Aix en janvier de l’année suivante. Le quartier en garda pendant plus d’un siècle, et peut-être plus, le nom de  » faubourg des Anglais « . Plus récemment logeaient dans ces rues les voyageurs et les commerçants de Haute-Provence qui se rendaient à Marseille, d’où le nom de rue des Muletiers.
En haut du cours Sextius se trouve la rue de la Treille. La petite histoire dit que ce nom fut donné à la rue car un de ses habitants planta il y a fort longtemps une treille devant sa maison. Nous nous contenterons de cette explication.
La rue des Étuves (das Estubos) tire son nom des sources thermales. A l’époque de l’historien Roux-Alphéran (milieu du XIXe siècle), cette rue était constituée de vieilles maisons dont les caves abritaient des restes de bains antiques romains. On organisait dans ces maisons des bains publics, comme aux temps anciens, jusqu’à la construction d’un véritable établissement thermal en 1705.
Au nord de la rue des Etuves se trouvait l’église de l’Observance, bâtie en 1466 et détruite lors de la Révolution. Le principal intérêt de cette église vient du fait qu’elle abritait une multitude de tombeaux de vieilles familles aixoises. Faire une liste exhaustive des personnes qui y trouvèrent une sépulture serait impossible [2], nous nous contenterons donc de citer quelques-uns des grands noms de la ville qui y firent leur dernière demeure : Palamède de Forbin, chargé par Louis XI de l’union de la Provence au royaume de France (mort en 1508), Jean Maynier d’Oppède (le célèbre exécuteur de Vaudois à Mérindol, mort en 1558), François de Clapiers, seigneur de Vauvenargues et du Sambuc [3] (mort en 1588).

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1. Le texte fut édité par le libraire Makaire en 1894 sous le titre  » Histoire en forme de journal de ce qui s’est passé en Provence depuis l’an 1562 jusqu’à l’an 1607 « , 304 pages. Il est consultable à la bibliothèque Méjanes, à Aix, cote In 8 00519.
2. L’historien Roux-Alphéran évoque les noms de famille suivants : les Aquillenqui, les Aimar, barons de Châteaurenard, les Albertas seigneurs de Gémenos, marquis de Bouc, etc., les Albi, seigneurs de Bresc, les Albinot et les Alpheran ; les Anglès ou Anglesy, les Arbaud, seigneurs de Jouques, de Gardanne, etc., et les Audiffredi; les Baldoni, les Ballon, seigneurs de Saint-Julien, les Barcillon, seigneurs de Mauvans, les Barthélemi, seigneurs de Sainte-Croix , et les Beaufort; les Beauregard, les Becarris, les Benault-Lubières, marquis de Roquemartine, les Bezieux, les Billon, les Bougerel et les Broglia; les Cadenet, seigneurs de Charleval , etc. , les Caissan et les Cipières ; les Clapiers, seigneurs de Vauvenargues, etc. , les Colla, les Constans, les Dubourg et les Estienne, seigneurs du Bourguet ; les Feraporte , les Forbin ( Janson , la Barben d’Oppède, Sainte-Croix et Soliès), les Foresta, seigneurs de Rougiers, marquis de la Roquette, etc.; les Gaillard-d’Agoult et de Longjumeau , les Garçonnet et les Garidel ; les Gueidan seigneurs de Valabre, marquis de Gueidan, etc., les Guerre, les Hélie et les d’Hupaïs; les Jujardi, les Issaurat et les Julianis; les Malespine, les Manosque, les Mazargues, les Mimata, les Mine et les Montaud ; les Ollioules, les Paule, les Pellicot, seigneurs de Saint-Paul, et les Rascas, seigneurs de Châteauredon et du Canet ; les Redortier, les Rians, les Roboli et les Roquebrune ; les Simon, les Trest, les Tributiis, seigneurs de Sainte-Marguerite, les Vinaud et les Vivaut.
3. À ne pas confondre avec le Sambuc en Camargue. Le village ici évoqué n’existe plus. Il se trouvait près de Vauvenargues (à l’est d’Aix-en-Provence).

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