La disparition de Chaudun (Hautes-Alpes)

© Marcel Sarrazin, 2011, webmaster du site Montmaur et ses hameaux.

chaudun
Le journal Le Gaulois en date du 25 novembre 1891 signale à la France entière la disparition programmée de la commune de Chaudun :

« GAP. La commune de Chaudun, composée de 120 habitants, va disparaître. L’administration forestière vient de l’exproprier en entier, maisons, terres et pâturages, pour la somme de 180 000 francs. »
Après plusieurs siècles d’occupation, les habitants de Chaudun, l’une des communes les plus pauvres du département des Hautes-Alpes, ont jeté l’éponge.
Leur curé, l’abbé Robert est témoin de leur misère extrême. Lui même est logé dans un presbytère absolument inhabitable. La toiture en chaume, en grande partie détruite, laisse passer la pluie et la neige, et l’humidité a rongé les murs [1]. Il conseille à ses ouailles de s’expatrier tous ensemble et d’aller fonder un autre Chaudun sous un climat moins rigoureux, sur un sol moins ingrat.
Le 28 octobre 1888, les 41 propriétaires adressent au gouvernement une pétition dans laquelle ils déclarent : « Vaincus par l’indigence nous avons l’honneur de proposer au gouvernement l’achat du territoire de notre commune [2] ». Et pour favoriser leur demande auprès d’un État qui facilite les départs pour l’Algérie, ils promettent : « Nous n’hésiterons pas, M. le Ministre à émigrer vers le sol si fertile de l’Afrique française. »
L’affaire va durer quelques années [3].
L’année suivante, des négociations sont engagées avec l’Administration forestière et l’État pour que celui-ci acquière le territoire de la commune de Chaudun et le soumette au reboisement. L’abbé Robert sert d’intermédiaire entre les habitants et l’Administration des forêts.
Une décision du Ministre de l’Agriculture en date du 10 mai 1892, reconnaît l’utilité et la convenance du territoire de Chaudun pour le reboisement.
Le Conseil d’État ayant émis l’avis qu’il y avait lieu de réunir la commune à une commune voisine, le Préfet fait procéder à l’instruction réglementaire. Le Conseil municipal de Chaudun, par délibération du 19 mars 1895, demande à ce que son territoire soit uni à la commune de Gap, ce que le Conseil municipal de Gap accepte dans sa délibération du 31 mars.
Les deux Conseils municipaux intéressés, les 13 juillet et du 14 août, règlent les conditions auxquelles la réunion doit s’effectuer. Le Conseil d’arrondissement de Gap émet un avis favorable au projet.
La délibération du Conseil général est rendue exécutoire par arrêté préfectoral du 22 octobre, puis approuvé par décision du ministre de l’intérieur : la remise du service communal sera faite le 23 décembre.
Le lendemain, les journaux nationaux Le Gaulois et Le Matin font état de la disparition de la commune de Chaudun :

Une commune qui s’exile

Cette commune qui, il y a deux ou trois ans, quittait son pierreux sol natal des Hautes-Alpes, ruiné par les avalanches et les débordements de torrents, pour la terre promise africaine, c’était la commune de Chaudun. Un acte officiel vient de consacrer la disparition de ce centre communal haut-alpin.
Une décision du conseil général du département, approuvée par le ministère de l’intérieur, a réuni le territoire de Chaudun à celui de la ville de Gap. »
Entre temps, la vente des biens communaux et des propriétés privées a été réalisée le 6 août 1895. Les 41 propriétaires se partagent la somme de 180 000 F. La somme la plus importante, 12534 f, est touchée par le cardeur Chabre qui possède 17,69 hectares, alors que le plus petit propriétaire Jean Pierre Aubert reçoit seulement 100 f. Le maire Joseph Taix, pour sa part, obtient 8 227 f.
Les habitants quittent leur village le 1er avril 1896. Les auteurs signalent que certains partiront effectivement en Algérie, d’autres aux États-Unis, mais il semble qu’un grand nombre resteront dans la région ou émigreront dans des départements voisins [4].

[1] – Rapports et délibérations – Conseil général des Hautes-Alpes, Gap, 1885.
[2] – Site : http://glaizil.over-blog.com/categorie-11496166.html
[3] – Le déroulement de la disparition de Chaudun est rapporté dans le Bulletin de la société d’études des Hautes-Alpes, n° 16, Gap, 1895.
[4] – La majorité des annotations en marge des actes de naissance des années 1880, donc rédigés bien plus tard, signalent des mariages et des décès dans les départements français. D’autres part nous n’avons pas trouvé trace des propriétaires cités dans le Bulletin de la société d’études des Hautes-Alpes sur le site des archives d’Algérie (http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/caomec2/).

2 commentaires sur « La disparition de Chaudun (Hautes-Alpes) »

  1. Bonjour,
    Bien que pas du tout de cette région,je m’intéresse à cette histoire de Chaudun que je voudrais prendre pour cadre d’un roman.Mon objectif est d’essayer de traduire les sentiments contradictoires qui ont dû animer les habitants dans cette période.
    Avez-vous une copie des délibérations du conseil municipal du 13 juillet?
    Que sait-on de ce curé initiateur de cet exil?

    Merci de votre aide

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