La domestique voleuse (Aix-en-Provence, 18 septembre 1873)

L’an mil huit cent, etc.
Nous, Hivert Pierre-Antoine, commissaire de police de la ville d’Aix,
Procédant en vertu de la plainte de Mme Segond qui fait l’objet du procès-verbal ci-joint du garde-champêtre Sauze, avons fait rechercher et amener en notre présence la nommée Marie Astic, âgée de 17 ans, née à Cadenet (Vaucluse), fille de Baptistin et de Philippine Jallus, domestique depuis le 20 septembre courant chez le sieur Blanc, camionneur, cours des Minimes, à Aix, laquelle nous a répondu ce qui suit :

“Je suis sortie du couvent d’Arles il y a quatorze mois. Depuis, j’ai fait beaucoup de places où je ne suis restée que peu de temps, notamment chez M. Escoffier, professeur, rue Matheron n°13, et chez Mme Segond, à sa campagne près des Milles. Je reconnais avoir volé les deux draps de lit de Mme Segond le jour de l’entrée de l’Archevêque à Aix, mais, mon père s’en étant aperçu, j’ai rapporté le lendemain les deux draps à la campagne de cette dame et je les y ai laissés.”

naiade-waterhouse

Madame Segond, interrogée par nous en présence de l’inculpée, affirme que les draps volés ne lui ont pas été rapportés. Elle ajoute que la fille Astic est entrée chez elle le 29 août dernier et qu’elle l’a renvoyée le 16 septembre courant à la suite de soustractions de sucre et autres friandises. Les deux draps lui ont été volés devant son habitation le 18 courant, sa bonne étant sortie de chez elle le 16 courant.
Le sieur Astic Jean Baptiste, âgé de 48 ans, vannier, demeurant rue de la Verrerie n°8, à Aix, père de l’inculpée, s’étant présenté sur notre invitation, nous a répondu que depuis longtemps de nombreuses plaintes lui avaient été portées contre sa fille, mais que ses corrections n’avaient produit aucun résultat et que, ayant appris que sa fille avait déposé deux draps de lit chez le sieur Négrel, aubergiste à la gare, et s’en étant emparé et les avait apportés chez lui pour les faire restituer, mais qu’elle s’en était emparé de nouveau en son absence et qu’il ne savait ce qu’elle en avait fait. Il est aussi à sa connaissance qu’elle avait volé un billet de 20 francs au préjudice du sieur Fortuné, méger de M. Martin, au quartier de Saint-Jean de la Pinette, où il travaillait lui-même en ce moment.
Nos renseignements ayant fait connaître que d’autres vols avaient été commis par l’inculpée, nous avons entendu les personnes ci-après qui nous ont répondu comme suit :
1) Salin Jean-Louis, âgé de 32 ans, boulanger, rue Vanloo n° 15, à Aix :

“Il y a environ huit mois, la jeune Astic était entrée chez moi en qualité de domestique. Au bout d’un mois, ma femme a trouvé dans sa malle deux ou trois mouchoirs de poche qu’elle nous avait volés et nous l’avons mise de suite à la porte après lui avoir fait avouer sa faute.”

2) Madame Rose Baron, femme Burgarel, restaurateur, rue des Quatre-Dauphins, à Aix :

“La jeune Astic était chez elle en qualité de bonne depuis peu de jours lorsqu’une autre domestique, Angeline Décome, se plaignit qu’on lui avait volé son porte-monnaie contenant vingt sous et une paire de boucles d’oreilles en or valant 15 francs. Les soupçons s’étant portés sur la jeune Astic, elle fut fouillée pendant la nuit et le porte-monnaie fut trouvé dans l’une de ses poches. Après avoir reconnu sa faute, elle fut mise de suite à la porte. Ce vol avait été commis quelques jours après le 1er janvier dernier. »

La jeune Marie Astic, interrogée sur les trois derniers vols, reconnaît les avoir commis, mais elle ne témoigne aucun repentir.
Nous l’avons fait conduire devant Monsieur le Procureur de la République pour y être laissée à sa disposition.
Fait à Aix, etc.

 

  • Archives communales d’Aix-en-Provence, I1-15, n°395.
  • Illustration : Étude pour lady Clare, par John William Waterhouse, 1900.

Faits divers d’Aix-en-Provence