Le matin du 10 mai 1895, vers 10 heures, une jeune femme accompagnée d’une nourrice portant une fillette de six mois se présentait à la gare de la petite vitesse de la Compagnie PLM et demandait à parler à un entrepreneur de camionnage du nom d’Étienne Tardo.
Immédiatement prévenu, celui-ci arriva et éprouva une véritable surprise en se trouvant face à une personne qui n’était autre que sa maîtresse, une femme nommée Brigitte Ocronte.
Il avait vécu pendant plusieurs années avec elle et avait eu trois enfants. Il venait de la quitter, à peine un mois plus tôt.
Mlle Ocronte lui dit qu’elle avait besoin de lui parler mais que, vu que le lieu était bondé de monde, elle préférait s’entretenir avec lui dans un endroit plus calme. À proximité, en face de la porte de sortie de la gare de la petite vitesse se trouvait une remise-hangar et la jeune femme lui indiqua qu’ils pouvaient se rendre là pour discuter plus calmement.
Mais à peine étaient-ils entrés dans cette remise qu’elle sortit un revolver et, le braquant sur Étienne Tardo, elle tira successivement deux coups.
Instinctivement, celui-ci s’était baissé pour éviter les projectiles. Prenant des poignées de gravier, il les jeta à la figure de sa maîtresse pour l’empêcher de l’ajuster à nouveau. Mais celle-ci, abaissant de nouveau son arme sur lui, tira un troisième coup.
Évidemment, les détonations avaient attiré des employés de la gare et un préposé d’octroi qui accoururent. Ce dernier se jeta sur la jeune femme pour lui arracher son revolver.
Désarmée, celle-ci sortit tranquillement de la remise et dit à un agent qui se trouvait là : « Je viens de tirer des coups de revolver sur M. Étienne. Conduisez-moi au poste. »
L’agent l’accompagna au bureau de police du 4e arrondissement.
Là, elle déclara que, depuis sept ans, elle était la maîtresse de Tardo et qu’elle habitait au quatrième étage de la maison que lui-même occupait jusqu’il y a peu, au numéro 4 du quai Lunel.
Il y a un mois, dit-elle, son amant lui fit enlever le mobilier avec lequel il avait ensuite meublé son appartement, ne lui laissant qu’un lit et une commode. Il lui avait alors déclaré qu’il voulait rompre leur relation. Elle lui demanda de l’argent pour subvenir aux dépenses de leur petite fille mais celui-ci refusa.
Or, dans la matinée, la nourrice était venue réclamer à la mère 50 francs que celle-ci lui devait. Mlle Ocronte s’habilla alors, prit un revolver et alla trouver Tardo à la gare. Celui-ci ayant refusé de payer les 50 francs, elle avait tiré sur lui.
Par chance, Étienne Tardo n’était pas mort. Il n’était même blessé. Lorsqu’il s’était baissé aux deux premiers coups, ses réflexes lui avaient sauvé la vie et lorsque Mlle Ocronte lui avait tiré un troisième coup alors qu’il était au sol, la balle ne l’avait qu’effleuré.
Le crime était constitué, la femme ayant avoué. Elle fut donc immédiatement écrouée à la prison de Nice.
- Source : La République du Var, 12 mai 1895, p. 2.