Le café, le cho­co­lat et nos an­cê­tres de Pro­vence

Marchand de café ambulant (XVIIIe siècle).Anonyme, XIXe siècle.

Marchand de café ambulant (XVIIIe siècle).
Anonyme, XIXe siècle.

Les premiers « cafés » de Provence, ces débits de boissons où l’on sert entre autres du café, se sont installés à Marseille à la fin du XVIIe siècle. Lorsque Serre peint la peste de 1720 sur le Vieux-Port, on voit nettement ces établissements, ce qui atteste de leur ancienneté.

Le témoignage le plus ancien d’un Provençal au sujet du café semble être celui de l’historien aixois Scholastique Pitton en 1678 qui se demande si les eaux d’Aix conviennent à la consommation du café (qu’il appelle aussi cahué). À la question : cette drogue est-elle propre pour les Provençaux ? il répond :

« Je dis que l’usage du café nuit à ceux qui sont d’un tempérament bilieux, mélancolique, sec et qui sont sujets aux insomnies ou qui ne dorment pas facilement. »
En revanche,
les « personnes grosses et grasses, les tempéraments humides peuvent user du café qui est fort propre pour les femmes sujettes aux vapeurs et aux maux de tête ou migraine, elles n’ont pas un meilleur remède contre les suffocations. »
(Les Eaux chaudes de la ville d’Aix, S. Pitton, Aix, 1678.)

Le café va rapidement s’imposer dans l’alimentation européenne, et les Provençaux n’y échapperont pas, à tel point qu’au XIXe siècle toutes les franges de la population en consomment de façon régulière. Marseille devient d’ailleurs un port d’où l’on exporte de grandes quantités de café, dès avant la Révolution. Les établissements en proposant la consommation rivalisent de luxe : de grands miroirs pouvant valoir jusqu’à 40 000 francs, des lustres, des dorures, des tentures. Tout est fait pour inciter le client à fréquenter l’établissement. Mais on n’y consomme pas que du café : chocolat, boissons rafraîchissantes et glaces sont aussi sur la carte. Le vendeur est appelé « cafetier » ou, plus fréquemment, « limonadier ».
Voici un état des cafés dans les années 1820 dans les Bouches-du-Rhône :
CommuneÉtablissementsLimonadiers employés
Total95120
Marseille4380
Autres communes de l’arrondissement40
Aix-en-Provence1320
Autres communes de l’arrondissement70
Arles1010
Tarascon77
Autres communes de l’arrondissement113

Les limonadiers sont nourris et logés sur place. Ils reçoivent 144 francs annuellement, mais, en raison de leurs étrennes (comme on nomme alors le pourboire) et les avantages en nature, c’est un salaire de 800 à 1000 francs par an qu’ils reçoivent, ce qui fait de la profession de limonadier une activité considérée comme plutôt bien rémunérée.

Puisque l’on parlait de chocolat, il se trouve qu’il existait quelques fabriques de chocolats dans le département : 25 à Marseille et 4 à Aix, employant un total de 50 ouvriers. Leurs clients principaux étaient bien évidemment au premier chef les cafetiers, mais aussi les droguistes (le chocolat est bon pour la santé !) et même des particuliers.
Pour faire du chocolat au XIXe siècle, on réduisait le cacao en pâte et on lui ajoutait du sucre et une substance aromatique : cannelle, vanille ou autre.

Les habitudes ont finalement peu changé deux siècles plus tard : café et chocolat demeurent des éléments incontournables des habitudes alimentaires des Provençaux d’aujourd’hui.