Manques de soins au vieil hospice (Pourrières, mars 1881)

Dans son édition du 3 avril 1881, le journal Courrier du Var évoquait l’hospice de Pourrières (Var) qui venait de changer d’administrateurs, passant des religieuses à des responsables laïques. Visiblement, cela ne convenait pas au journal qui s’en était ému et faisait part de manquements graves aux soins prodigués aux malades.

« Depuis que les malades ont été confiés à des laïques, trois personnes sont mortes faute de soins.
La première, nommée Marie Pelet, était entrée à l’hospice atteinte de la petite vérole.
Une femme du pays venue pour la soigner dut quitter son service à la suite d’une altercation avec la directrice.
La malade, abandonnée dans sa chambre, ayant voulu se lever, le froid la saisit et elle en mourut.
Deux jours après, un second malade, Joseph Lions, vieillard de 80 ans, mourut à peu près de la même manière, faute de soins : s’étant laissé tomber de son lit, ce vieillard fut trouvé gisant sur le sol.

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Un troisième décès vient d’avoir lieu dimanche dernier.
C’est celui du nommé Laurent Reyffort, âgé de 48 ans. Ce malade n’ayant pas paru au souper, Espérit, vieillard de l’hospice, monta dans sa chambre et le vit agenouillé à terre, sans connaissance, la tête appuyée contre le lit.
Au lieu d’appeler du secours, Espérit prit Laurent, l’étendit à terre sans prendre la peine de lui boutonner son pantalon, de sorte que la chair du malade touchait le sol.
Il se contenta de placer un coussin sous sa tête et descendit tranquillement souper.
La directrice et son aide soupèrent aussi fort paisiblement, sans s’occuper du pauvre homme.
Après le repas, comme Laurent Reyffort ne descendait pas, on se décida à monter chez lui : il était mort.
Un prêtre, appelé par un de ses parents, arriva bientôt à l’hospice ; il entra dans la chambre de Laurent. Celui-ci était encore gisant sur le carreau. On n’avait même pas pris la peine de le coucher sur son lit.
Le vieillard Espérit raconta lui-même naïvement qu’avant le souper il avait vu le sieur Reyffort évanoui. Il l’avait étendu à terre et après le souper, Reyffort était mort.
Pendant que le malade trépassait, la directrice prenait le frais sur la porte de l’hospice ; elle n’avait même pas daigné avertir l’administrateur de service. […] »
  • Source : Le Courrier du Var, troisième année, no 245, 3 avril 1881, Archives départementales du Var
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