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Quouro ma rèire-grand jardinejavo e qu’uno pissagno la prenié, se boutavo à sibla e tout en regardant en l’èr… Escartavo simplamen li cambo afin de se souleja ! Meravihous coutihoun fendu d’aquéu tèms. Pèr contro, li que noun poudien reciéucla d’esperéli, fisavon soun quèli à l’óubliganço d’un agènt-menaire de « tourpiho », lou paire Marsiho que couneissié ansin tóuti li secrèt intime de la pratico : lou qu’avié agu la cagagno ; la que venié d’enfanta ; li que manjavon de caulet o d’espinarc…. Fasié la virado emé soun ase que tiravo l’atalage e cargavo ges de gant pèr maneja tóuti aquéli quèli. Quouro venié l’ouro de crousteja, s’assetavo d’aiso sus la banqueto de la tourpiho e manjavo soun tros de pan em’un taioun de saucissot.
Un jour, quàuqui cambarado de couscricioun, es à dire li qu’avien fa li tres jour que decidavon s’èron lèst pèr l’armado, après la bevendarié que seguissié lou counsèu de revisioun, faguèron Miquèu l’ardit. Faguèron coulèito de tóuti li quèli qu’esperavon soun prouprietàri sus lou lindau de la porto e li descarguèron à bourro-bourro sus la plaço Jourdan !
Soulamen, fau saupre qu’à Miramas, i’avié que dous poun de vèndo d’aquéu famous quèli : adounc, i’avié soulamen dous moudèle diferènt ! Li mai finocho recaupeguèron un quèli nòu o tout coume ; d’enterin que lis autre se retroubèron em’ uno vièio besougno.
Quouro countère moun istòri à-n-uno de mis amigo, apoundeguè d’aigo au moulin en acabant lou raconte ansin : « Ma vesino Marìo avié lèu-lèu sourti pèr recoubra soun bèn faguènt : “Veirés… veirés. La radurrai ! La recouneirai ! ié manco un tros d’esmaut just à l’orle !” »
Ansi dounc li pàti priva an apriva lou ramassadou de soun travai e lou founs tradicounau n’a pres un cop !
Martino Bautista
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Lorsque mon arrière-grand-mère jardinait et qu’une envie pressente la tenaillait, elle se mettait à siffler, tout en regardant en l’air et… écartait simplement les jambes pour se soulager ! Merveilleux jupons fendus de l’époque ! Par contre, ceux qui ne pouvaient recycler eux-mêmes, confiaient leur pot de chambre aux bons soins d’un préposé conducteur de « torpille », le père Marseille qui connaissait ainsi tous les secrets intimes de ses clients : celui qui avait été dérangé, celle qui avait accouché, ceux qui avaient mangé du chou, des épinards… Il faisait la tournée avec son âne qui tirait l’attelage et ne portait pas de gants pour manier tous ces pots de chambre. Quand arrivait l’heure de manger un morceau, il s’asseyait à son aise sur la banquette de la torpille et avalait son bout de pain avec une tranche de saucisson.
Un jour quelques copains de conscription – c’est-à-dire ceux qui avaient passé les trois jours qui décidaient s’ils étaient aptes à partir ou non à l’armée, après la beuverie qui suivait le conseil de révision – firent les malins. Ils collectèrent alors toutes les tinettes qui attendaient leur propriétaire sur le pas des portes et les déchargèrent en vrac sur la place Jourdan !
Seulement, il faut savoir qu’il n’y avait à Miramas que deux points de vente de ces fameux pots de chambre : aussi n’y avait-il que deux modèles différents ! Les plus futés récupérèrent des tinettes « neuves » ou tout comme, tandis que les autres se retrouvaient avec de vieux machins.
Quand j’ai raconté mon histoire à une amie, elle a ajouté de l’eau au moulin en terminant le récit ainsi : « Ma voisine Marie était sortie dare-dare pour récupérer son bien, en affirmant : “Vous verrez ! Vous verrez ! Je le ramènerai ! Je le reconnaîtrai ! Elle a un morceau d’émail qui manque juste au bord !” »
Ainsi donc, les aisances privées ont privé le ramasseur de son travail et le folklore urbain en a pris un coup !
Martine Bautista