Un charivari qui tourne à l’absurde (Aix-en-Provence, avril 1839)

Monsieur B. se mariait, et suivant les joyeuses traditions du lieu, on faisait un charivari autour de sa maison, dans la rue des Cordeliers, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). C’est la règle.
La police était cependant en émoi ; chefs et sous-chefs étaient en campagne. Un de ces derniers repéra une maison où tintait une cloche, comme celles qui annonce les arrivants.
Il verbalisa le cas, sans toutefois avertir le propriétaire de cette maison, le maître-boulanger Marius Porte.

Marius Porte au violon

Monsieur Porte fut dès le lendemain matin appelé par la police, et ignorant ce dont il s’agissait, il s’y rendit tenant par la main sa fillette de 5 ans.
Monsieur le commissaire Beaulieu attendait en grand appareil l’arrivée du délinquant, soupçonné d’être le redoutable instigateur du charivari de la veille, sans aucune preuve ni flagrant délit.
Après quelques explications convenablement proposées par Monsieur Porte, « foutez-moi cet homme-là en prison », dit le commissaire, et sur ce, la justice expéditive de quatre hommes et un caporal jeta dans un bouge infect que l’on appelait le violon, un honnête homme et père de famille.
Monsieur Porte ne perdit pas son calme devant cette injustice et demanda au commissaire l’autorisation de ramener au moins chez lui la fillette qui se mourait de frayeur. Ultérieurement, d’ailleurs, le commissaire justifiera que si la fillette avait été enfermée quelques instants, c’était « sous [la] demande expresse » de Marius Porte. En fait de quelques instants, elle y était restée une heure.
Pendant ce temps, Madame Porte était venue à la prison et se trouvait réduite à consoler sa fille qu’elle entendait pleurer à travers les barreaux. Elle fit d’énergiques réclamations pour récupérer sa fille mais on les lui refusa.
Un agent vint même la trouver, visiblement embarrassé, et lui dit que tant qu’elle persisterait à demander sa fille, on la lui refuserait. Il y avait sans doute une question d’amour propre chez ces fonctionnaires.
« Emmenez-les tous deux », fit le commissaire et ce fut sous bonne garde que les deux délinquants se rendirent chez eux et que la mère retrouvait enfin sa fillette.
Le père, lui, fut jeté une nouvelle fois au violon et y resta jusqu’à 10 heures du soir, y étant entré à 9 heures le matin.

Et François Queirel aussi

Mais la police était sûre de son fait et arrêta aussi un autre délinquant, François Queirel, maître-maçon. Celui-ci avait eu le tort grave de protéger par quelques paroles inoffensives, une petite fille, actrice ou non du charivari, et sur laquelle des agents de police embusqués s’étaient jetés la veille.
Mandé aussi le lendemain, il fut enfermé dans le bouge et y resta douze heures environ. Inutile de préciser que tout ceci se termina sans condamnation, mais sans excuse non plus du commissaire.
  • Le Mémorial d’Aix, 4 mai 1839, p. 2 ; ibid., 11 mai 1839, p. 2.

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