Un logement pour le curé

Memoire sur le proces
du logement de Laurade

Comme Jean Derbez curé de cette paroisse navoit
aucun logement en demanda souvent un au plus riches
de Tarascon qui ont ici des metairies ils luy firent
touiours des belles promesses sans aucun effet venant
a considerer les suites facheuses des proces resta en repos
l’an mil sept cent quinze etant deia possesseur de ce
bénéfice ie leva une requette a Arles contre quatre des
plus aparens apres quelques frais ils dirent que ie devois
attaquer la communauté de tarascon je consulta un
avocat en parlement qui fut du meme sentiment suivant
cette consultation je poursuivis la communauté qui fut
dechargee ie fus condamné aux depens qui monterent
quarante livres que ie paya au trésorier.
Je continua les poursuites contre les habitans : le juge
d’Arles nomma des arbitres pour regler les loyers dune maison
par trop de facilité ie me contenta dune petite somme pendant plusieurs
années voyant la faute que iavois faite ie demanda une augmentation
dun loyer ils maccorderent quarante livres par une convention
annuellement, ils apellerent en parlement de cette affaire le saint
prelat d’Avignon etant alors en visite a Tarascon les habitans luy en
parlerent. J’eus l’avantage de le voir promirent de construire le
logement au plustot. Je ceda environ quatre vingt livres quils me
devoient rien ne coule qua tenir sa parole les choses ne furent pas
plus avancees. ie me determina a faire des saisies
L’an mil sept cens vingt trois je me servis d’un huissier de Tarascon pour
saisir les deux recoltes des religieuses de Sainte Ursule etant sollicite des
habitans il ne fit pas controller les copies j’eus avec eux deux entretiens
lun au parloir des memes religieuses, lautre dans la maison dun des plus
aparens il fut convenu que nous ferions une seconde convention
pour la prorogation du logement.
L’an mil sept cens vingt six voyant quon negligeoit cette affaire ie madressa
au meme huissier pour faire une seconde saisie par respet humain il ne
volut faire cette commission dans cette extremité ie fus a Beaucaire
pour apeller un huissier qui vint ici accompagné de deux cavaliers de la
marechaussee pour saisir les recoltes des dames recurent environ vingt
quatre livres. Cet huissier ne sachant pas les formalités de Provence fit
un exploit faux on me somma dabort de me départir de la saisie etant
nulle selon les regles du palais, ie fus dabort a Arles pour en conferer
avec Monsieur CHAPUS procureur et avec un avocat ils me dirent que
ie pouvois apeller en garentie cet huissier, mais que ie m’exposois a soutenir
un proces avec luy, j’abandonna cette affaire.
L’an mil sept cens vingt huit dans le moment que ie ne pensois qua
vivre en repos un huissier d’Aix allant a Tarascon vint troubler ma
tranquillité me fit commandement de luy paier cinquante livres pour
quelques droits dus au roy a loccasion des saisies faites par cet
huissier de Beaucaire lexploit etant faux cetoit a moy a paier cet
argent et non pas a ma partie, il est vray de dire quun malheur en attire
un autre, je fus a Tarascon dans le mois de juin, pour eviter de
nouveaux frais ie le paya me fit un aquit. J’eus un long entretien avec
luy. Il etoit habile apres plusieurs reflexions sur cette affaire il
fut resolu quil falloit faire une troisieme saisie qui fut un peu
misterieuse on trouve touiours quelque ressource.
Dans la meme annee mil sept cens vingt huit dans le mois de juin
cet huissier fut ici acompagné de deux temoins de la meme ville
reçut quinze livres fit la saisie des recoltes des religieuses en
bonne forme, les habitans en furent surpris consulterent Mr
lavocat Fassin pour se pourvoir en cassation de la saisie me firent
signifier une requette soutenant que la sentence d’Arles netoit que
comminatoire que ie navois pu faire des saisies sans la permission
du juge bien que jeusse obtenu un judicat.
Cette difficulté a laquelle ie me mattendois pas mobligea daller a Arles
pour en conferer avec mon procureur et Mr Franconi mon avocat qui
dit que cette affaire etoit serieuse que ie risquois de perdre cent ecus
ie le pria pourtant de faire un consultation pour la communiquer
au plus tot aux habitans qui firent une assemblee a lhotel de ville je
soutins mes interets le mieux quil me fut possible ie demanda
de prendre des arbitres a Arles, ils voulurent un jugement nous ne
pumes rien conclurre. Il fallut se resoudre a faire des voyages
ils ne manquerent pas denvoyer a Arles deux des plus aparens
pour solliciter les juges et employer leurs amis Mr Franconi nallant
plus au palais a cause de son age monsieur lavocat Bagne se prepara a plaider
cette affaire. ialla aussy a Arles pour voir les magistrats.
Laudience fut le vendredy iy assista les avocats plaiderent avec eloge
lavocat du roy donna les conclusions fit main levee de la saisie avec
cautionnemment en sortant de laudience, je ne savois si iavois gagne ou perdu
dans le meme moment les Mrs de Tarascon ma parlerent de prendre
quelque arrengement alors ma tristesse se changea en ioye. Je repondis
que iavois touiours fait les premieres demarches que iavois demande larbitra-
ge quon avoit refusé un des plus aparens homme desprit parla en ces
termes en presence de plusieurs personnes : puisque Mr le curé
demandoit larbitrage a Tarascon il falloit le luy accorder que venions
nous faire ici il fut resolu que nous choisirions un iour favorable
pour finir toutes choses par la voye de la douceur.
Lan mil sept cens vingt huit et le quinzieme iour du mois de juillet
les syndics furent a Arles avec une deliberation des plus riches de la
paroisse dans cette assemblee nous eumes quelques contertation pour
regler les frais les deux procureurs dresserent une convention par
laquelle iaccorda quatre annees pour la construction du logement qui fut
ensuite autorizee ne pouvant recevoir largent qui metoit dû ie fus a
Beaucaire apeller un huissier qui fit bien cette commission.

  • Ville de Tarascon, paroisse Saint-Thomas-de-Laurade, registre BMS 1702-1747, non coté et non folioté. Archives communales.
  • Texte retranscrit par Sébastien Avy