Un meurtre effroyable (Puyloubier, 19 avril 1801)

« Acte de décès du citoyen Michel Robert, décédé hier au soir, le 29 du courant à six heures du soir, âgé de 41 ans, né en cette commune, département des Bouches-du-Rhône, profession de ménager, demeurant à Puyloubier, célibataire, fils à feu François et de Marie Anne Arnaud, vivante, de cette commune, et y demeurant.
Sur la déclaration à moi faite par le citoyen Christophle Rey, demeurant à Puyloubier, profession de cultivateur, qui a dit être ami du défunt, et par le citoyen Augustin Coullon, qui a dit être aussi ami dudit défunt, dont sa mort provient d’un assassinat, fait par un coup de feu et par des instruments tranchants partout son corps, lui ayant coupé la tête que nous avons trouvée pendue à un arbre, lui ayant coupé les deux jambes que nous avons trouvé dans un guéret1 plantées par les genoux dans la terre et son cadavre que nous avons trouvé au chemin allant à Pourrières, au quartier dit des Craux, dont le procès-verbal en est relaté ci-dessous, et de la manière qu’il suit, les témoins ont déclaré ne savoir signer de ce enquis.
Puyloubier. Vue générale côté est. Avenue des Pourrières. DR.
Puyloubier. Vue générale côté est. Avenue des Pourrières. DR.
Nous Joseph François Bonnard, juge, et Claude Ignace François Minuty, notre greffier sommes partis de Vauvenargues à 1 heure après midi, accompagné de six chasseurs et d’un caporal de la 24e demi-brigade stationnée audit Vauvenargues, pour nous rendre audit Puyloubier où, étant arrivés sur les 4 heures du soir, j’ai requis les officiers municipaux de ladite commune, et les citoyens Joseph Rimbaud et Alexis Roubin, nos assesseurs en icelle, et le citoyen Joseph Blanc, garçon du citoyen Félix Capelle, officier de santé de la même commune, qui est actuellement absent d’icelle et, de là, tous ensemble accompagnés du citoyen Mangin, sergent major, commandant le détachement stationné audit Puyloubier, ainsi qu’une partie de ses soldats et, nous étant acheminés à l’endroit où le cadavre a été trouvé qui est au quartier dit les Craux, allant à Pourrières où, étant arrivés, nous avons trouvé ledit cadavre, étendu à plat sur ledit chemin qui mène à Pourrières, le ventre visant vers le ciel, sauf tête ni jambes, ouvert depuis la poitrine jusqu’au bas-ventre, vêtu d’une veste couleur grise, velours de coton, corset de molleton blanc, boutons à clochette à la veste en métail et bouton de la même étoffe au corset, n’ayant qu’un caleçon de toile blanche, sans culotte.
Puyloubier. Vue générale. DR.
Puyloubier. Vue générale. DR.
Ayant examiné conjointement avec ledit Blanc, garçon chirurgien dudit Capelle, avons trouvé en premier lieu que ledit cadavre avait reçu un coup de feu sous le téton gauche, à carreaux2, qui lui traversait le coeur, plus cinq coups de stylet ou autre instrument tranchant de cette espèce, sur la partie droite de son corps, et vingt-quatre autres coups d’un même instrument tranchant sur la partie gauche d’icelui, plus un coup de sabre du côté gauche en dessous le téton.
Ayant fait fouiller dans l’estomac dudit cadavre qui était ouvert, on y a trouvé cinq pièces de plomb formant de portes et carreaux.
À la distance de vingt pas dudit cadavre, nous avons trouvé les jambes d’icelui, éloignées l’une de l’autre d’environ trois pans dans la terre et les pieds en l’air, sans souliers, vêtues de bas de coton blanc et chaussettes par-dessous, aussi en coton, la droite ayant été coupée un peu au-dessus de la jointure du genou et la gauche coupée même à la jointure du genou ; et, ayant fait déchausser lesdites jambes et les ayant visitées toujours avec ledit Blanc et en présence de tous les assistants, avons trouvé que la jambe droite avait reçu neuf coups de sabre et la gauche trois coups.
Puyloubier. Côté du Levant. DR.
Puyloubier. Côté du Levant. DR.
Ensuite, à l’éloignement de six cannes3 des jambes de ce cadavre, nous avons trouvé sa tête sur un mûrier, qui avait été coupée dudit cadavre vers la nuque, ayant un coup de sabre à la joue droite, laquelle tête a été reconnue par les présents être du citoyen Michel Robert, propriétaire de la commune de Puyloubier, qui avait été hier au matin à Pourrières et qui en était reparti hier au soir environ sur les 6 heures du soir pour revenir dans sa commune.
En conséquence et attendu que la cause de sa mort est connue et que toute autre recherche à cet égard serait inutile, nous avons déclaré que rien ne s’opposait à ce que ledit corps ne fut inhumé suivant les formes ordinaires.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal sur le lieu où le cadavre était et sur le chemin qui mène à Pourrières, quartier des Craux, éloigné d’environ une bonne demi-lieue de Puyloubier, l’an et jour que dessus. »

Sources

  • Sources : Registre d’État-civil de Puyloubier,année 1801.
  • Évoqué par Christian Jannet, in Puyloubier, aspects des siècles passés, Marseille, CGMP, 1998.

Notes

1 Labour profond.
2 Plombs carrés.
3 Douze mètres.

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