Un Saint-Chamassien hystérique (Aix-en-Provence, 28 mai 1873)

aix-vue-generale

L’an mil huit cent, etc.

Nous, Étienne Delignac, commissaire central, etc.
Ayant été informé par la rumeur publique que des menaces de mort et des violences avaient été opérées par le nommé Bonnard Pierre-Dominique, âgé de 39 ans, commis de M. Leydet, liquoriste rue Beauvezet, né à Saint-Chamas, marié, père de deux enfants, demeurant à Aix, rue Boulegon n°11, nous avons immédiatement procédé à une enquête qui nous a fait connaître les faits ci-après relatés, ressortant de la déclaration des personnes dénommées dans le présent procès-verbal.
Le mardi 27 mai, à cinq heures et demie du soir, dans le bureau d’octroi de la Grille, MM. Robert Jean, contrôleur, et Coquillat Étienne, commis des contributions indirectes, Cresp Jean Baptiste, Alain Victor, Darbon Louis et Fassaty Marius, préposés d’octroi, venaient de constater une contravention commise par les sieurs Gilly et Bonnard, commis du sieur Leydet, en transportant en fraude pour son compte de l’alcool, lorsque Bonnard, s’adressant à M. le contrôleur Robert, lui demanda ce qu’il avait l’intention de faire. Celui-ci ayant répondu que procès-verbal serait dressé, Bonnard saisit des deux mains à la gorge M. le contrôleur et l’aurait étranglé si tous les employés présents n’avaient immédiatement fait lâcher prise à l’agresseur. M. Robert dit alors à cet homme que si un gendarme se trouvait là, il le ferait arrêter, ce à quoi Bonnard répondit : « Si vous me faites arrêter, vous serez mort demain. »
M. le contrôleur se rendit ensuite à la Direction des contributions indirectes, rue du Pont-Moreau, n°21, pour y faire son rapport à M Vacher Joseph Eugène, sous-directeur de cette administration.
Bonnard, après avoir été à son domicile et s’être armé d’un revolver, se rendit également à la Direction à six heures et demie du soir et demanda impérieusement à M. le directeur que le procès-verbal dressé contre lui fut annulé ; mais on lui répondit que cela était impossible et M. le directeur chercha, avec modération, à le calmer.
Bonnard sortit mais revint brusquement deux minutes plus tard et somma M. le contrôleur Robert de lui remettre les expéditions devant servir à la rédaction du procès-verbal puis, tirant le revolver de sa poche, en visa cet employé. MM. Vacher, Marfan, Germain-Marie, commis de la sous-Direction, et Coquillat étaient présents. On alla chercher la garde et demander secours aux voisins qui accoururent, notamment les Moirond, négociant en nouveautés, rue pont-Moreau, n°18, l’un de ses commis, Jouve et Rayon, marchand chapelier, même rue, n°19.
À leur arrivée, MM. Vacher et Robert maintenaient encore Bonnard, lequel avait mordu au bras droit M. Vacher et, en se débattant, écorché la main droite et le front de M. Robert. Les personnes effrayées par l’arme de Bonnard l’ont laissé se retirer et, depuis, il a été recherché sans succès à son domicile et dans la ville d’Aix. La baguette du revolver, tombée dans la lutte, a été remise à M. le procureur de la République, auquel nous adressons le présent procès-verbal.
  • Sources : Archives communales d’Aix-en-Provence, I1-15, n°292.