Une histoire d’Aureille

Les étymologistes ne sont pas tous du même avis quant à la signification du nom « Aureille ». Trois tendances se dégagent : La première veut que ce nom soit rattaché à la voie Aurélienne. Cette voie, pourtant, ne passe pas dans le village, mais bien plus au sud. Une deuxième hypothèse renvoie à une racine provençale auro, liée au vent. La troisième, qui est la plus probable, a été émise par Charles Rostaing dans son dictionnaire de toponymie. Il voit dans Aureille le nom d’un propriétaire romain, Aurelius1. Or, il se trouve qu’une vieille famille arlésienne portait ce nom, ce qui tendrait à confirmer cette hypothèse.
Aureille, vue générale. © Jean Marie Desbois, 2001.
Si le site d’Aureille fut habité depuis la plus haute Antiquité, les invasions germaniques l’ont totalement désertifiée à partir du Ve siècle. Dès le XIIe siècle, le peuplement reprend. L’église du village, Sancta Maria de Auricula, appartient au diocèse d’Arles. En 1224, un citoyen d’Arles, Bertrand Ybilion, propriétaire du castrum, le cède à la communauté d’Arles. Mais la ville d’Arles ne peut s’occuper d’un territoire aussi éloigné. Aureille est déserté.
Il faudra attendre le 31 mai 1604, pour voir le village reprendre vie. Louise d’Ancézune, dame de Saint-Chaumont, achète aux consuls d’Arles les trois quarts de la terre d’Aureille pour la somme de 23.820 écus. Cette femme, veuve de Christophe de Saint-Chaumont, premier baron du Lyonnais, possède une fortune considérable. « Parce que le terroir a été laissé il y a plus de deux cents ans inculte et désert, ladite dame de Saint-Chaumont desireroit y faire construire quelques maisons et le rendre fertile et bien cultivé2. »
Et c’est ainsi que le village revient à la vie. Des colons viennent s’y établir, encouragés par les avantages fiscaux qui leur sont proposés. Entre 1608 et 1620, une vingtaine de familles s’implante à Aureille, à la tête desquels se trouvent Antoine Payan et Antoine Escarioly, habitants d’Eyguières. Ces familles habitent Eyguières mais sont originaires des Alpes (Gap, Sisteron, Barcelonnette, le Dauphiné, ou, plus près, la région d’Apt). Les terres incultes sont défrichées, on pratique l’élevage de chèvres et de brebis, le seigneur entretient des troupeaux de juments et de bœufs.
Une vie totalement accaparée par les travaux des champs en somme. En 1792, lorsque le Comité de Salut Public fait des reproches à la communauté d’Aureille pour ne pas lui avoir signalé de suspects, mettant en doute le civisme des habitants, la réponse faite par les Aureillois ne manque pas de faire sourire, montrant une population peu encline à faire le jeu des politiciens : « Notre communauté est d’une petite population, composée de gens uniquement occupés des travaux de la campagne. Toujours fermes dans les principes républicains, nous sommes prêts à les soutenir jusqu’au dernier soupir. N’ayant jamais eu de suspect parmi nous, nous ne sommes pas dans le cas d’envoyer aucun tableau relatif à ce sujet3. »

Notes

1. On trouve la forme « de Aurella » (provençal médiéval) dans des chartes du Moyen Age (Abbaye Saint-Victor de Marseille, XIIe siècle).
2. Archives départementales du Vaucluse, E-191, chartrier des familles : Caderousse.
3. Archives municipales d’Aureille.

Bibliographie

« Aureille », Françoise Arlot, coll. Le Temps Retrouvé, éd. Équinoxe, 1994.
« Renaissance et croissance d’un village entre Crau et Alpilles – Aureille au XVIIe siècle », Françoise Arlot, in Crau, Alpilles, Camargue, histoire et archéologie, Groupe Archéologique Arlésien, p. 175, Arles, 1997.

Photographie : Vue du village d’Aureille. © 2001 Jean Marie Desbois