Empoisonnement Archives - GénéProvence https://www.geneprovence.com/category/empoisonnement/ 500 ans de faits divers en Provence Thu, 25 Sep 2025 17:30:48 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://www.geneprovence.com/wp-content/uploads/2024/04/cropped-434541497_912630390609581_141579584347965292_n-32x32.png Empoisonnement Archives - GénéProvence https://www.geneprovence.com/category/empoisonnement/ 32 32 Un empoisonnement pour un motif futile (Marseille, 10 juin 1868) https://www.geneprovence.com/un-empoisonnement-pour-un-motif-futile-marseille-10-juin-1868/ https://www.geneprovence.com/un-empoisonnement-pour-un-motif-futile-marseille-10-juin-1868/#respond Thu, 25 Sep 2025 17:30:48 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=26428 Un cas d’empoisonnement, heureusement très rare, défraya la chronique dans les environs de Marseille au début de l’été 1868. Une jeune fille, âgée de seulement onze ans, tenta de commettre…

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Un cas d’empoisonnement, heureusement très rare, défraya la chronique dans les environs de Marseille au début de l’été 1868. Une jeune fille, âgée de seulement onze ans, tenta de commettre l’irréparable. Elle voulait causer la mort de sa propre mère. Pour ce faire, elle eut recours à une méthode insidieuse. Elle infusa des allumettes chimiques. Puis, elle les mélangea discrètement à une tasse de lait d’ânesse destinée à sa mère.
Selon les récits rapportés, le mobile de cet acte était sidérant. L’enfant souhaitait se venger d’une banale privation de dessert. Cela, apparemment, justifiait à ses yeux une telle extrémité. De plus, cette jeune personne manifestait déjà, par le passé, des preuves d’une profonde dépravation.
  • Source : Le Petit Marseillais, 15 juin 1868, p. 3.

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Le créancier empoisonné (Aix-en-Provence, 3 octobre 1839) https://www.geneprovence.com/le-creancier-empoisonne-aix-en-provence-3-octobre-1839/ https://www.geneprovence.com/le-creancier-empoisonne-aix-en-provence-3-octobre-1839/#respond Tue, 22 Apr 2025 05:30:01 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=25135 Dans la journée du 3 octobre 1839, toutes les rues d’Aix-en-Provence parlaient d’une tentative d’empoisonnement qui avait eu lieu sur la personne d’un nommé M., qui avait vendu sa campagne…

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Dans la journée du 3 octobre 1839, toutes les rues d’Aix-en-Provence parlaient d’une tentative d’empoisonnement qui avait eu lieu sur la personne d’un nommé M., qui avait vendu sa campagne à fonds perdu à un boulanger de la ville.
On racontait que ce dernier envoyait à ce dernier, outre la rente annuelle, des présents consistant en pains. Charmante attention, sauf que M., après avoir reçu un jour un pain plus gros et plus beau qu’à l’accoutumée, se sentit tout à coup pris de fortes coliques et de vomissements.
Son médecin accourut et les prompts secours qui lui furent prodigués parvinrent à le soigner.
Nous ne savons pas si l’histoire est vraie, mais cela semble être le cas. Elle a en tout cas défrayé la chronique aixoise en ce mois d’octobre 1839.
  • Sources : Le Mémorial d’Aix, 5 octobre 1839, p. 2.

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Aimez-vous manger les choux ? (Rosans, novembre 1864) https://www.geneprovence.com/aimez-vous-manger-les-choux-rosans-novembre-1864/ https://www.geneprovence.com/aimez-vous-manger-les-choux-rosans-novembre-1864/#respond Thu, 17 Apr 2025 05:30:16 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=25075 Tout le monde n’aime pas le chou mais il faut bien reconnaître que ce produit du jardin était particulièrement apprécié en Provence et dans les Hautes-Alpes autrefois. À tel point…

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Tout le monde n’aime pas le chou mais il faut bien reconnaître que ce produit du jardin était particulièrement apprécié en Provence et dans les Hautes-Alpes autrefois.
À tel point qu’un homme originaire de Rosans, ayant une envie subite de chou, se rendit au marché du village et s’en procura une telle quantité qu’elle lui revint au prix effarant de 40 francs.
Et le pire fut qu’il en mangea la totalité en quelques heures. Évidemment il fut rapidement pris de violentes douleurs des intestins et le médecin fut appelé en toute urgence. Un instant, on crut que le chou allait être fatal au gourmand, mais celui-ci survécut.
On ne sait s’il retint la leçon et s’il s’abstint ensuite de ces repas gargantuesques de choux.
  • Sources : L’Annonciateur, 12 novembre 1864, p. 2.

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Un homme mort près d’un réchaud (Arles, 20 janvier 1881) https://www.geneprovence.com/un-homme-mort-pres-dun-rechaud-arles-20-janvier-1881/ https://www.geneprovence.com/un-homme-mort-pres-dun-rechaud-arles-20-janvier-1881/#respond Sat, 01 Feb 2025 05:30:32 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=24309 Les habitants de la rue Neuve, à Arles (Bouches-du-Rhône) furent avertis le matin du 20 janvier 1881 d’une bien triste nouvelle. Pierre Reynaud, un homme de 66 ans, célibataire et…

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Les habitants de la rue Neuve, à Arles (Bouches-du-Rhône) furent avertis le matin du 20 janvier 1881 d’une bien triste nouvelle. Pierre Reynaud, un homme de 66 ans, célibataire et domicilié au numéro 43 de la rue, avait été retrouvé sans vie dans sa chambre. Son corps était allongé près d’un réchaud fumant, rempli de braises incandescentes.
Les premiers éléments de l’enquête semblaient indiquer une mort accidentelle. Rien ne laissait penser en effet que Pierre Reynaud avait souhaité mettre fin à ses jours. Selon les policiers Théophile Crouzeau et Eugène Loison, il avait succombé à une intoxication à l’acide carbonique, en réalité le monoxyde de carbone. Saisi par le froid qui régnait dans la ville depuis plusieurs jours, l’homme s’était approché du réchaud pour se réchauffer, s’y était endormi et avait involontairement inhalé les gaz toxiques dégagés par la combustion du charbon.
Pierre Reynaud était originaire de Saint-Prix, en Ardèche. Il était le fils de Joseph Reynaud et Marguerite Gerbaud, tous deux décédés.
  • Sources : L’Homme de bronze, 23 janvier 1881, p. 3.
  • Registre d’état civil de la ville d’Arles, année 1881, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 203 E 1411, acte no 31.

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Un tonneau de vin empoisonné (La Motte-en-Champsaur, mars 1864) https://www.geneprovence.com/un-tonneau-de-vin-empoisonne-la-motte-en-champsaur-mars-1864/ https://www.geneprovence.com/un-tonneau-de-vin-empoisonne-la-motte-en-champsaur-mars-1864/#respond Sun, 26 Jan 2025 05:30:16 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=24251 Début mars 1864, une nouvelle jeta un froid dans le cœur des habitants de la Motte-en-Champsaur (Hautes-Alpes). Un événement des plus étranges troublait l’ordre paisible de la commune. Quelque chose…

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Début mars 1864, une nouvelle jeta un froid dans le cœur des habitants de la Motte-en-Champsaur (Hautes-Alpes). Un événement des plus étranges troublait l’ordre paisible de la commune. Quelque chose d’ignoble s’était produit.
Un poison violent avait été versé dans un tonneau de vin, précieusement gardé dans la cave d’un vigneron. Tous les animaux qui avaient eu le malheur d’ingérer quelques gouttes de ce breuvage moururent dans d’atroces souffrances, secoués de convulsions.
Les autorités furent immédiatement alertées et une enquête ouverte, mais les autorités se heurtaient à un mur. Qui avait pu commettre un acte aussi cruel ? Quel était le mobile d’un tel crime ? Les rumeurs allaient bon train dans le village. Certains évoquaient une vengeance, d’autres un acte de folie.
Le vigneron, accablé par la stupeur, ne parvenait pas à expliquer ce qui s’était passé. Il affirmait n’avoir aucun ennemi et ne comprenait pas pourquoi quelqu’un aurait voulu lui nuire de la sorte.
  • L’Annonciateur, 5 mars 1864, p. 1.

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Le suicide des deux amants (Aix-en-Provence, 2 mai 1838) https://www.geneprovence.com/suicide-deux-amants-aix-provence-2-mai-1838/ https://www.geneprovence.com/suicide-deux-amants-aix-provence-2-mai-1838/#respond Mon, 25 Dec 2023 20:26:11 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=19066 Dans la journée du mercredi 2 mai 1838, deux jeunes personnes se présentèrent à une petite auberge d’Aix-en-Provence, au numéro 10 de la rue de la Masse, tenue par Marius…

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Dans la journée du mercredi 2 mai 1838, deux jeunes personnes se présentèrent à une petite auberge d’Aix-en-Provence, au numéro 10 de la rue de la Masse, tenue par Marius Couton.
Le jeune homme qui entrait ainsi dans l’établissement se nommait Noël Roux, 24 ans, et était né à Marseille, où il était domicilié rue Sourbières de Petits-Carmes, près le Cheval marin. Il était accompagné d’une jeune femme de 19 ans, portant le patronyme Mion, mais dont le prénom et les origines resteront inconnus. Les deux se disaient mari et femme.
Une fois entrés, ils demandèrent une chambre, s’y installèrent et partirent en ville un moment. Ils revinrent en soirée, portant un panier recouvert d’un chiffon qui n’avait rien pour éveiller les soupçons de l’aubergiste. Après être retournés dans leur chambre, ils redescendirent au bout d’un moment, sans leur panier, et prirent un repas copieux.
Puis, après avoir mangé, ils remontèrent dans leur chambre et en fermèrent la porte à clé.
Le lendemain matin, on commença à s’inquiéter de ne pas les voir sortir de leur chambre. Vers 9 ou 10 heures, l’aubergiste monta à l’étage et toqua à la porte qui était fermée. Personne ne répondit. En fin de compte, on décida d’enfoncer la porte qui finit par céder. Des chaises avaient été disposées pour empêcher d’entrer et l’espace entre le sol et le bas de la porte avait été bouché par du linge.
On retrouva les deux jeunes gens allongés l’un contre l’autre mais il était trop tard. Ils étaient morts. Ils avaient été complètement asphyxiés par la vapeur du charbon qu’ils avaient allumé aux pieds même du lit.
Enfin, une lettre laissée sur la table faisait savoir qu’ils avaient eux-mêmes mis fin à leurs jours.

  • Le Mémorial d’Aix, no du 6 mai 1838, pp. 3,4.

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Le pain empoisonné (Varages, 26 avril 1686) https://www.geneprovence.com/pain-empoisonne-varages-26-avril-1686/ https://www.geneprovence.com/pain-empoisonne-varages-26-avril-1686/#respond Sun, 19 Nov 2023 18:01:06 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=18817 Nous apprenons à la lecture du registre des sépultures de Varages (Var), pour l’année 1686, qu’une famille du nom de Granier — père, mère et fille (20 ans) — a…

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Nous apprenons à la lecture du registre des sépultures de Varages (Var), pour l’année 1686, qu’une famille du nom de Granier — père, mère et fille (20 ans) — a été décimée en raison de l’absorption d’une légumineuse du nom d’ers qui, bien préparée, peut se manger sans problème mais qui peut autrement être hautement toxique pour l’homme, provoquant de graves troubles neurologiques pouvant aller jusqu’à la mort. Même si la médecine en 1686 ne connaissait pas les mécanismes neurologiques en jeu, la consommation d’ers est réputée dangereuse depuis l’Antiquité. C’est sans doute une préparation mal réalisée (probablement par la mère ou la fille) qui est à l’origine de la mort de ces trois personnes.

jeune-fille-pain-ers-varages-1686« Le 26 dud[it] mois [d’avril], a esté ensevelie Anne Graniere, fille dud[it] Balthezard, âgée d’environ vingt années, étant morts père et mère et fille après avoir mis des erres au pain et mangé.
En présence de M[essir]e Sicard, prêtre, M[essir]e Jean Pélissier, notaire, Jean Garcin, soussignés. »
  • Source : Archives départementales du Var, 1MIEC0329.
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L’affaire du paquet de grives (Pertuis, 17 janvier 1885) [1/3] https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-13/ https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-13/#respond Mon, 13 Jan 2020 09:23:14 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=17406 Le 17 janvier 1885, la femme du docteur Gustave Tour­na­toire qui exerçait à Pertuis, petite ville du département de Vaucluse, devint subitement folle. Elle s’était couchée de bonne heure, pensant…

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Le 17 janvier 1885, la femme du docteur Gustave Tour­na­toire qui exerçait à Pertuis, petite ville du département de Vaucluse, devint subitement folle. Elle s’était couchée de bonne heure, pensant apaiser les lourdeurs de tête et les maux de cœur dont elle avait été prise après le repas du soir, mais elle n’avait fait que souffrir davantage. Elle avait essayé de lire, comme c’était son habitude, mais les lettres ne lui étaient apparues que dans un brouillard. Elle avait alors, dans une gesticulation désordonnée, renversé la lampe qui éclairait la table de nuit. Et comme son mari était venu s’étendre à ses côtés, elle lui avait étreint le bras et jeté ces mots : « Tu vas te battre en duel, mais je te le défends. Ne nie pas. Je le sais. J’entends déjà tes témoins qui montent. »
Pertuis (Vaucluse), vue générale. DR.
Pertuis (Vaucluse), vue générale. DR.
Dressée sur son séant, très rouge, elle lançait dans tous les sens des regards affolés. Et ce drame avait duré jusqu’au jour.
Vers 9 heures du matin, cette jeune femme s’était montrée un peu moins délirante, mais elle y voyait encore si trouble, qu’elle habilla sa fille d’une façon absurde. Elle lui mit sa robe à l’envers et lui passa ses bas aux mains comme elle eût fait de longs gants. Il lui semblait alors qu’une pluie de lentilles tombait devant ses yeux et que l’air était obscurci par des nuées de mouches volantes. Elle ne redevint lucide que dans la soirée.

Une autre…

Mais, dans la même maison, une autre personne allait le lendemain 19 janvier, se livrer à des manifestations encore plus graves. C’était la bonne, Claire Sajio, âgée de 19 ans. Aussitôt après son petit-déjeuner elle s’était employée, sans qu’on sût pourquoi, à briser la vaisselle. Puis elle avait accumulé dans le salon tout un amas de débris de faïence, de haricots, de pommes de terre, de navets et de plumes d’oiseau. Enfin, elle avait saisi par son collier le chien de la maison et si on ne lui eût arraché des mains, elle l’aurait mis à la broche. A toutes les questions, elle n’avait répondu que par des incohérences et s’était comportée comme une telle énergumène qu’il avait fallu l’attacher avec des cordes sur un canapé. N’était-elle pas folle à lier ?

La venue de Basnier

J. Williamson, Femme atteinte de manie hilarante. Credit: Wellcome Library, London. Wellcome Images images@wellcome.ac.uk http://wellcomeimages.org. Creative Commons Attribution only licence CC BY 4.0 http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/
J. Williamson, Femme atteinte de manie hilarante.
Credit: Wellcome Library, London. Wellcome Images
CC BY 4.0.
Ne comprenant rien à ces événements étranges, le docteur Tournatoire alla demander conseil à un sien confrère âgé de 77 ans, le docteur Basnier. Cet homme de l’art lui demanda :
« Vos deux malades n’auraient-elles pas absorbé sans s’en douter quelque substance vénéneuse ? Au fait, qu’ont-elles donc mangé depuis le 17, c’est-à-dire depuis samedi ?
— De suspect, je ne vois guère qu’une omelette aux épinards.
— Nous brûlons. Il se peut que cette herbe ait avoisiné, dans votre jardin, quelque plant de ciguë. »
Et, pour en avoir le cœur net, Basnier se rendit chez Tournatoire. Claire Sajio, toujours liée de cordes, penchait la tête en avant. Le vieux médecin la lui releva. Il vit des yeux hagards et les pupilles extraordinairement dilatées. Et tout aussitôt, la bonne fut agitée de mouvements convulsifs. Malgré ses entraves, elle dansait la danse de Saint-Guy. Elle lançait ses mains en avant comme si elle voulait saisir quelque chose sur la redingote du docteur Basnier. Détachée sur l’ordre de celui-ci, elle s’avança en titubant. Elle ne commandait plus à ses jambes et il semblait qu’elle fût devenue aveugle.
Basnier se pencha vers son jeune confrère et lui dit tout bas :
« Je crois de plus en plus à un empoisonnement et, vu l’état des pupilles, j’opinerais pour l’atropine. N’est-ce pas votre avis ? »
Le docteur Tournatoire demeura un instant songeur. Puis il pensa tout haut :
« Je cherche si ma femme et ma bonne n’auraient pas absorbé quelque aliment auquel je n’aurais pas touché moi-même. Mais, au fait, je me rappelle : samedi, à dîner, la première a mangé une grive froide et j’ai appris, d’autre part, que Claire en a mangé une autre ce matin.

Les grives coupables

— Des grives ! Des grives ! Ce serait bien extraordinaires Il faudrait alors que ces oiseaux eussent englouti une substance vénéneuse en assez grande quantité pour que leur chair ait pu provoquer des symptômes d’empoisonnement aussi nets, sans qu’ils en soient morts eux-mêmes. À moins que…
— À moins que ?
— À moins que le toxique leur ait été inoculé après coup. Avec une seringue par exemple. Creusez cette idée, Tournatoire. »
Et Tournatoire réfléchit.
Il venait de se souvenir que le vendredi 16 janvier, vers midi et demi, un employé de l’hôtel Dauphin lui avait apporté un paquet découvert la veille au soir dans l’omnibus, à la gare de Pertuis, au moment où le cocher avait ouvert sa voiture pour y prendre trois petits bagages.
Ce paquet, enveloppé dans un fragment du journal Le Petit Aixois, était clos au moyen d’une ficelle à laquelle pendait une carte de visite portant au verso ces mots au crayon : « Pour remettre à M. Tournatoire, médecin à Pertuis (Vaucluse). » Au recto de la même carte, le nom propre avait été gratté, mais l’adresse imprimée se lisait encore, et c’était : « Pertuis (Vaucluse) ».
Le docteur Tournatoire déplia le journal et aperçut quatre grives. Il crut à un cadeau du buffetier de la gare, dont il était l’ami.
Et le même jour un cultivateur des environs, Joseph-André Escoffier, chez lequel il avait mis en nourrice son plus jeune enfant, lui avait apporté une perdrix, huit petits oiseaux et douze alouettes, ces dernières gagnées quelques instants auparavant à une loterie.
Il l’avait retenu à dîner. On avait mis à la broche les alouettes et deux des grives. Un poisson et des herbes complétaient le menu.
« Chacun la nôtre, avait proposé le médecin à son convive. Aujourd’hui, c’est vendredi et ma femme fait maigre. »
Mais Escoffier, ayant déclaré n’avoir plus faim, les grives étaient demeurées dans le plat.
Or, c’était une de ces grives que, le lendemain soir, Mme Tournatoire avait mangée froide. Et aussitôt après, elle avait manifesté tous les symptômes d’une intoxication : dilatation pupillaire, congestion de la face, troubles de la vue, délire – surtout délire. Et tel avait été également le cas de Claire Sajio après que, le lundi matin, cette jeune bonne eût, à son petit-déjeuner, goûté à la seconde grive froide. Goûté seulement, car l’amertume de la chair ne lui avait pas permis d’aller jusqu’au bout et, circonstance singulière, le chien, auquel elle avait tendu le reste de l’oiseau, s’en était éloigné avec répulsion.

Qui alors ?

Une conclusion s’imposait. Seules, deux personnes de la maison avaient mangé des grives : la maîtresse et la servante. Seules, deux personnes – les mêmes – avaient donné des signes non équivoques d’empoisonnement. Les grives renfermaient donc un toxique. Alors, se rappelant les phénomènes observés, Tournatoire fit sienne l’hypothèse du vieux docteur Basnier : introduction post-mortem dans le corps des oiseaux d’un alcaloïde extrait de la belladone, tel que l’atropine.
Mais alors, qui avait pu ourdir une aussi diabolique machination ? Un nom lui vint aussitôt à l’esprit : le nom d’un de ses confrères.

épisode 1 / épisode 2 / épisode 3

  • Le Journal, 23 mars 1942
  • Le Petit Journal, 30 octobre 1885
  • Le Français, 30 octobre 1885
  • Le Gaulois, 29 octobre 1885

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L’affaire du paquet de grives (Pertuis, 17 janvier 1885) [2/3] https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-23/ https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-23/#respond Tue, 07 Jan 2020 12:51:56 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=17422 Le docteur Estachy Louis-Philippe Estachy était né à Gap le 1er mai 1845. Pendant la guerre de 1870 il avait rendu, dans une ambulance, des services qui lui avaient mérité…

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Le docteur Estachy

Louis-Philippe Estachy était né à Gap le 1er mai 1845. Pendant la guerre de 1870 il avait rendu, dans une ambulance, des services qui lui avaient mérité la croix de la Légion d’honneur.
Titulaire des di­plô­mes de licencié en droit et de docteur en médecine, il avait opté pour la médecine. Il avait exercé d’abord à Meyrargues, dans les Bouches-du-Rhône, de 1872 à 1879. Puis il avait transporté son cabinet à Pertuis. Il avait laissé dans sa première résidence la réputation d’un praticien habile, mais d’un homme violent, vindicatif, peu scrupuleux et d’une moralité douteuse. Marié en 1872 à une jeune fille de Marseille, il s’était comporté à son égard de telle sorte qu’elle avait dû abandonner le domicile conjugal. Elle avait obtenu sans peine, en 1875, la séparation de corps, puis était morte.
Médecin et son patient au XIXe siècle. H. Daumier. DR.
Médecin et son patient au XIXe siècle. H. Daumier. DR.
À Pertuis, l’opinion publique n’avait guère tardé à porter sur le compte de ce singulier personnage le même jugement qu’à Meyrargues. Singulier personnage en vérité ! Ainsi, le docteur Estachy voyageait en chemin de fer sans payer sa place, ou bien il montait en seconde classe, en première même, avec un billet de troisième. Et quand il se voyait guetté au contrôle, il passait par le buffet dont il connaissait le propriétaire.
Ce fut à la fin de l’année 1881 que le docteur Tournatoire entra en scène. Originaire de La Tour-d’Aigues, grosse commune de Vaucluse, ce jeune médecin vint s’établir à Pertuis et le docteur Estachy en prit ombrage.
Il en conçut même un ressentiment d’autant plus redoutable qu’il sut bien le dissimuler.
Pourtant, à La Tour-d’Aigues où il avait exercé tout d’abord, Tournatoire avait plusieurs fois appelé en consultation Estachy et il lui avait fait part un jour de son intention de se transporter dans une localité plus importante.
« Je ne vois, pour ma part, avait répondu l’autre, aucun inconvénient à ce que vous vous installiez à Pertuis. J’y possède une fort belle clientèle qui s’étend sur les trois quarts de la ville et me demeurera fidèle quoiqu’il arrive. Mais vous pourrez parfaitement mordre sur les autres médecins dont la situation est plutôt mal assise. »
Et au début, Tournatoire et Estachy s’étaient fait bonne mine. Ils se serraient la main dans la rue et échangeaient alors des propos sur le ton d’une parfaite confraternité.
La guerre s’alluma quand une place de suppléant de juge de paix devint vacante à Pertuis. Tournatoire la demanda et l’obtint au mois de mars 1882, l’emportant sur Estachy qui était aussi candidat. Ce dernier alors émit, sur le compte de son confrère, des appréciations méprisantes. Il en vint même à l’attaquer, d’une façon anonyme encore, dans les journaux.
Déjà, Estachy avait cessé tous rapports médicaux avec Tournatoire. Il refusait même de se rencontrer avec lui au chevet des malades.
La politique s’en mêla même, Tournatoire étant devenu en effet délégué cantonal et conseiller d’arrondissement. L’un et l’autre avaient mis du reste la main à la plume et dans les journaux de Vaucluse ils avaient échangé les plus discourtoises attaques. Cette polémique eut son dénouement le 13 novembre 1884, devant le tribunal correctionnel d’Apt, Tournatoire ayant assigné son adversaire en injures et diffamation. Les juges ne retinrent qu’un article et, comme la provocation ne pouvait légalement couvrir que les injures, ils condamnèrent le prévenu pour le second délit. Mais ils ne le firent que très bénignement, se contentant de lui infliger vingt-cinq francs d’amende et vingt-cinq francs de dommages-intérêts.
Nicolas Huet, Grive, 1814.
Nicolas Huet, Grive, 1814.
La campagne de presse cessa, mais où la situation ne fit que s’aggraver, ce fut quand plusieurs familles, dont jusqu’alors Estachy avait eu la confiante, se privèrent de ses soins et firent appeler Tournatoire. Des lettres et des cartes postales injurieuses leur furent aussitôt envoyées, dont il n’était que trop facile de percer l’anonymat.
Vis-à-vis d’un confrère détesté qui, après lui avoir été préféré coup sur coup comme suppléant de juge de paix, délégué cantonal et conseiller d’arrondissement, le supplantait encore auprès de sa meilleure clientèle, Estachy passa-t-il à l’acte ? La suite de l’histoire le dira.

L’enquête

Informé par un télégramme du juge de paix de Pertuis des événements étranges qui s’étaient accomplis sous le toit du docteur Tournatoire, le procureur de la République d’Apt, Sébastien Savelli, requit information le 21 janvier, contre inconnu, du chef d’empoisonnement.
Le premier acte du magistrat instructeur, Henri de Cabissole, fut d’ordonner l’examen des deux victimes. Chargé de cette mission, le docteur de Ferry de La Belonne, exerçant à Apt, constata, chez l’une et chez l’autre, la persistance des troubles visuels.
Après les avoir minutieusement questionnées, ainsi que tous les témoins de leurs extravagances, il put écrire dans son rapport : 1° que les phénomènes présentés par ces deux femmes ne répondaient à aucune maladie naturelle ; 2° que l’ingestion des solanées véreuses, telles que l’atropine, déterminait des phénomènes en tout semblables à ceux observés dans le cas particulier.
De telles conclusions nécessitaient l’examen des deux grives encore intactes, que, de sa propre initiative, le juge de paix avait, envoyées an procureur de la République. Le médecin légiste procéda donc, si l’on peut écrire, à leur autopsie.
Dans un nouveau rapport, il affirma que ces grives renfermaient une substance véreuse, le sulfate neutre d’atropine, dont la dose était de nature à entrainer la mort.
On connaissait le genre d’attentat. On connaissait le poison. Restait à découvrir et à confondre le criminel.
La clameur publique le désignait déjà. C’était Estachy, le seul ennemi déclaré et agissant de son confrère Tournatoire.
Les 27 et 29 janvier, M. de Cabissole ne l’entendit encore qu’en la qualité de témoin, mais ce fut pour en obtenir des réponses si peu satisfaisantes, que, ce même 29 janvier, le parquet d’Apt n’hésita pas à délivrer, contre l’auteur soupçonné, un réquisitoire aux fins d’information et le juge d’instruction à le placer sous mandat de dépôt.
Et voici le faisceau de charges que les premières recherches mirent au jour.
Le samedi 10 janvier, vers neuf heures du soir, Estachy, au Café de l’Univers, s’était fait remettre trois grives pour un lot de gibier qu’il avait gagné quelques jours auparavant. Et la modestie de ce choix n’avait pas été sans surprendre, car, en pareille occurrence, il réclamait généralement un lièvre ou un perdreau. Il avait acheté, en même temps, six grives de montagne, à soixante centimes pièce.
À la même époque, il avait chargé son pharmacien ordinaire, Jean-Louis Turcan, de lui préparer une pommade à base d’atropine pour se frictionner l’épaule, où il ressentait, prétendait-il, une vive douleur.
Pharmacie pertuisienne. DR.
Pharmacie pertuisienne. DR.
L’apothicaire avait composé le produit dans la proportion de vingt-cinq centigrammes de sulfate neutre d’atropine contre vingt-cinq grammes d’atropine. C’était, à son avis, un remède bien énergique pour un simple mal d’épaule, et il n’eût jamais consenti, connaissant les effets d’un toxique aussi violent, à délivrer une telle préparation à tout autre qu’un médecin.
Estachy, d’ailleurs, était un familier de l’atropine. Le registre de Turcan démontrait que, par le moyen d’ordonnances, il s’était fait délivrer, le 30 octobre 1884, vingt centigrammes de sulfate d’atropine et cinquante centigrammes le 4 novembre.
Et l’inculpé ne put faire indiquer à quel usage il avait employé cette substance dangereuse.
D’autre part, les perquisitions, effectuées à son domicile les 30 et 31 janvier 1885, avaient révélé l’existence d’un placard, construit dans l’épaisseur du mur, dissimulé derrière une tapisserie et contenant des toxiques. Mais la pommade indiquée plus haut ne s’y trouvait pas. Estachy fut dans l’impossibilité d’en représenter la moindre parcelle et les magistrats d’Apt ne la découvrirent pas davantage.
Dans le cabinet de consultation, ces mêmes magistrats saisirent, sur un rayon de la bibliothèque, une seringue de Pravaz, en parfait état de fonctionnement.
Une véritable rafle de grives au Café de l’Univers, deux femmes empoisonnées par ce gibier, une pommade saturée d’atropine, une seringue de Pravaz, singulier et sinistre rapprochement !
Seringue de Pravaz. DR.
Seringue de Pravaz. DR.
Quelle était exactement la dose d’atropine contenue dans les deux grives inemployées ?
M. Félix Boyer, professeur de chimie à Nîmes, put l’évaluer à quarante-six milligrammes par oiseau, quantité suffisante pour déterminer la mort et pas seulement une maladie passagère. Il affirma d’autre part que le principe toxique ne provenait pas de l’alimentation de ces bestioles, mais qu’il avait été introduit après coup dans une intention criminelle.
L’inculpé avait à expliquer ce qu’étaient devenues les grives qu’il avait rapportées du Café de l’Univers le 10 janvier. Il prétendit, d’accord sur ce point avec Rosine Lombard, qui lui était dévouée corps et âme, qu’il se les était fait remettre en prévision d’un dîner qu’il devait offrir le lendemain à un très vieux confrère de Villelaure, le docteur Casimir Michel, et a un sieur Jean-Baptiste Picard, mécanicien au dépôt de Pertuis, mais que, ses convives ayant fait défaut, ils avaient, sa servante et lui, mangé chacun une grive ce jour-là et les deux autres le lendemain.
Or, contrairement à ses affirmations persistantes, Estachy n’avait invité, ni Michel, ni Picard.
Tout l’accablait. Une expertise en écritures aboutit à cette conclusion sans réserve que les mots « Pour remettre à M. Tournatoire, médecin à Pertuis (Vaucluse) », écrits sur la carte de visite qui accompagnait le paquet de grives étaient de sa main.

épisode 1 / épisode 2 / épisode 3

  • Le Journal, 23 mars 1942
  • Le Petit Journal, 30 octobre 1885
  • Le Français, 30 octobre 1885
  • Le Gaulois, 29 octobre 1885
[À SUIVRE…]

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L’article L’affaire du paquet de grives (Pertuis, 17 janvier 1885) [3/3] est apparu en premier sur GénéProvence.

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À la prison d’Apt, l’inculpé s’agitait beaucoup. Son esprit de ruse, sa facilité de plume, l’instinct de sa défense étaient sans cesse en éveil.
Il demandait qu’on fît des démarches en sa faveur auprès du procureur général de Nîmes et qu’on vît individuellement chacun des membres de la Chambre d’accusation. Les juges populaires lui faisaient peur. « Les jurys, écrivait-il, sont mal composés ; ils condamnent presque toujours. » Il pensait à se faire assister d’un avocat en renom. « Il me faut un nom célèbre. J’ai entendu parler de G. L. Peut-être y a-t-il mieux que lui ! »
Georges Laguerre. DR.
Georges Laguerre. DR.
Ce G. L. dont parlait Estachy était peut-être le célèbre avocat Georges Laguerre.
En tout cas, certains travaillaient pour lui, qu’ils eussent agi de leur propre mouvement ou qu’il les eût sollicités.
Ainsi, le procureur d’Apt recevait de Marseille une lettre partie de Marseille le 1er février, signée Delphine Beaujet, et conçue en ces termes :
« Moi seule suis coupable. Le docteur T. m’a déshonorée. C’est moi-même qui ai porté les grives empoisonnées au messager de Pertuis avec la ferme conviction qu’il mourrait avant moi. Quand ma lettre vous parviendra, les poissons auront dévoré les débris de mon pauvre corps. Que le docteur E. soit mis en liberté ; c’est le dernier désir d’une mourante. » Il va sans dire qu’il n’existait aucune Delphine Beaujet. D’autre part, une personne, habillée comme une dame, se rendait, le 12 mars, à La Tour-d’Aigues, chez les parents de Claire Sajio et tenait à la sœur de l’empoisonnée ce langage :
« M. Tournatoire est un véritable gueux d’avoir laissé Claire rentrer chez vous toute seule, dans l’état lamentable où elle se trouvait après son accident. Pauvre M. Estachy ! Ce n’est certainement pas lui qui a fait le coup. Il est bien trop civilisé pour se permettre un tel acte. Il a, d’ailleurs, à Pertuis, la meilleure réputation. »
Quelle était cette pseudo-dame ? Tout simplement la bonne d’Estachy, la fidèle Rosine Lombard. Et l’affaire continuait à passionner l’opinion. Dès le premier jour, elle avait débordé le département de Vaucluse. Mais, sur place, à Pertuis, à Meyrargues surtout, Estachy avait conservé quelques partisans. Comme, par bonheur, le dénouement n’en avait pas été tragique, certains ne voulaient retenir de l’attentat que sa stupéfiante ingéniosité. Et puis, les noms mêmes des personnages eussent fait la fortune d’un romancier. Ils auraient trouvé place dans un nouveau Tartarin de Tarascon : Tournatoire, Estachy, de Cabissole, de Ferry de La Bellone !

Le procès du 20 avril 1885

Palais de justice de Carpentras. DR.
Palais de justice de Carpentras. DR.
Le juge d’instruction avait achevé son œuvre et se disposait à transmettre sa procédure au procureur général, afin que la Chambre d’Accusation fût saisie, quand le plus inattendu des coups de théâtre éclata.
L’inculpé écrivit à la fois au procureur général et au garde des Sceaux. Après avoir nié obstinément jusqu’alors, il entrait dans la voie des aveux. Il reconnaissait l’envoi des quatre grives, mais il le présentait sous la forme d’une « farce », d’une « plaisanterie » quelque peu « lugubre ».
La cause semblait donc entendue. Aussi, le 20 avril 1885, la Chambre d’Accusation renvoyait-elle Estachy devant la Cour d’Assises de Vaucluse, séant à Carpentras, pour tentative d’empoisonnement à l’égard du docteur Tournatoire et empoisonnement à l’égard de Mme Tournatoire, ainsi que de Claire Sajio.
Le 29 juillet s’ouvrirent les débats de cette étrange affaire. Le conseiller Cord présidait et le procureur général Caudellé-Bayle, payant de sa personne, s’était transporté à Carpentras pour soutenir , l’accusation. M » Barcelon père, de ce barreau, et M* Martial Bouteille, du barreau d’Aix, étaient au banc de la défense.
Le procès avait fait salle comble et cependant l’enceinte réservée n’avait été accessible qu’aux personnes munies de cartes.
Salles des Assises où s'est déroulé le procès de Carpentras. DR.
Salles des Assises où s’est déroulé le procès de Carpentras. DR.
Estachy était un petit homme trapu, aux traits accentués, dans toute la force de l’âge. Il avait l’œil vif, le verbe haut, le geste énergique. Il portait toute la barbe, une barbe noire. Il s’exprimait avec assurance. Signe particulier, il était dur d’oreille.
À peine l’interrogatoire commencé, il prit l’offensive. Abstraction faite des autres charges, ses lettres au procureur général et au garde des Sceaux l’accablaient. Audacieusement, il les jeta par-dessus bord et revint sur ses récents aveux.
« J’avais des hallucinations. Je ne savais plus ce que je faisais, ce que j’écrivais. La pensée de comparaître devant les Assises me mettait à la torture. Alors, sous la pression, je dis bien “sous la pression”, de M. le Procureur d’Apt, je me suis décidé à écrire ces lettres, ce magistrat m’ayant laissé entrevoir, au cas d’aveux, une simple comparution en police correctionnelle. Il faut dire les choses comme elles sont. Il m’a circonvenu. »
Ces paroles ne furent pas sans créer dans la salle ce qu’on est convenu d’appeler des mouvements divers, mais M. Caudellé-Bayle les voulut relever sur l’heure.
« Je proteste de toutes mes forces contre le rôle qu’on entend faire jouer à mon substitut d’Apt. On profite sans aucun doute de ce que ce magistrat est actuellement en congé dans son pays natal, la Corse, pour le mettre en cause. Eh bien, soit ! Qu’il vienne donc à cette barre ! C’est Estachy qui l’aura voulu. Je demande le renvoi de l’affaire à la prochaine session. »
Il en fut ainsi décidé.

La deuxième session

Les débats recommencèrent le 27 octobre 1885. Mais, cette fois, c’était un autre conseiller de la Cour de Nîmes, M. Moulin, qui remplissait les fonctions de président. Par contre, Ministère publie et défenseurs n’avaient pas changé.
On attendait avec impatience la confrontation qui allait mettre aux prises le procureur Savelli et l’accusé.
Dans son interrogatoire, Estachy soutint qu’il était victime d’une machination infâme, ourdie tant par des confrères jaloux que par des adversaires politiques. Ce système de défense, il le développa sous toutes les formes et à propos de tout. Attitude maladroite, qui lui aliéna la salle.
Une fois à la barre des témoins, le procureur d’Apt fournit des explications dignes, mesurées et catégoriques. Et, dans son duel avec celui qui l’avait mis en cause, il remporta incontestablement l’avantage.
« Je n’ai, dit-il, inspiré, ni de près, ni de loin, les lettres écrites par Estachy au procureur général et au garde des Sceaux. Ces lettres, d’ailleurs, je ne les ai connues que lorsque mon chef hiérarchique me les a transmises, pour qu’elles fussent versées au dossier de la procédure.
— Est-il vrai, demanda le président, que vous ayez signalé vous-même à l’accusé le paragraphe de l’article 317 du Code pénal qui punit de simples peines correctionnelles quiconque a occasionné à autrui une maladie ou incapacité de travail en lui administrant des substances nuisibles ?
— À trois reprise, Estachy me fit prier, par le gardien-chef, de mettre un code pénal à sa disposition. J’avais d’autant moins de raison de lui opposer un refus, que, le sachant licencié en droit, je devais supposer qu’il entendait préparer lui-même sa défense. Mais je ne suis pas autrement intervenu. »
Et les témoins déposèrent des faits qu’on connaît déjà.
À l’audience de l’après-midi du 30 octobre, M. Caudellé-Bayle prit la parole. Il la garda durant cinq heures. Puis, Me Bouteille plaida jusqu’à minuit et, le lendemain, Me BarceIon père présenta, à son tour, la défense de l’accusé.
Il y eut, comme c’était alors l’usage, de copieuses répliques.
Le président Moulin fut beau joueur. Afin de donner au jury toute latitude et lui permettre de rapporter, s’il le jugeait à propos, un verdict atténué, très libéralement il posa, comme résultant des débats, trois questions qui visaient la maladie occasionnée par l’administration de substances nuisibles. C’était ouvrir la porte à une décision modérée, mais les juges populaires, que l’attitude arrogante d’Estachy avait indisposés, n’étaient pas en veine d’indulgence. Ils retinrent les crimes et n’accordèrent à l’accusé que le bénéfice des circonstances atténuantes, auxquelles ne s’était pas opposé le procureur général.
La Cour condamna aussitôt Estachy à huit ans de travaux forcés.
Nouméa (Nouvelle-Calédonie) en 1883. Album de la Société de géographie de l'Est, 1883. Bibl. nat.
Nouméa (Nouvelle-Calédonie) en 1883. Album de la Société de géographie de l’Est, 1883. Bibl. nat.
Ce dernier demeura impassible. Il ne tressaillit même pas quand le président, ajoutant à l’arrêt la flétrissure qu’imposait la loi, prononça ces paroles :
« Vous avez manqué à l’honneur. Je déclare, au nom de la Légion, que vous avez cessé d’en être membre. »
Estachy se pourvut cependant et, ce qui peut sembler paradoxal, c’est qu’il se fit un moyen de cassation de l’audition du procureur Savelli, alors qu’il avait lui-même provoqué cette comparution à la barre.
Le 3 décembre, son pourvoi était rejeté et il prenait le chemin du bagne de Nouméa.
C’était l’irréparable, car la condamnation à huit ans de travaux forcés entraînait l’obligation de résidence perpétuelle à la colonie.
Mais le Président de la République ne lui fut pas impitoyable. Il lui accorda, en 1891, remise du reste de sa peine et, en 1893, il lui permit de revenir en France.

épisode 1 / épisode 2 / épisode 3

  • Le Journal, 23 mars 1942
  • Le Petit Journal, 30 octobre 1885
  • Le Français, 30 octobre 1885
  • Le Gaulois, 29 octobre 1885

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