Legende Archives - GénéProvence https://www.geneprovence.com/category/legende/ 500 ans de faits divers en Provence Wed, 20 Aug 2025 20:33:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://www.geneprovence.com/wp-content/uploads/2024/04/cropped-434541497_912630390609581_141579584347965292_n-32x32.png Legende Archives - GénéProvence https://www.geneprovence.com/category/legende/ 32 32 Le berger sorcier (Arles, 1867) https://www.geneprovence.com/le-berger-sorcier-arles-1867/ https://www.geneprovence.com/le-berger-sorcier-arles-1867/#respond Wed, 20 Aug 2025 11:53:17 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=26166 La Provence, terre d’histoire et de mystères, a toujours été le berceau de récits singuliers. Parmi eux, celui du « berger sorcier » de Trébon, rôdant dans les terres marécageuses du pays…

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La Provence, terre d’histoire et de mystères, a toujours été le berceau de récits singuliers. Parmi eux, celui du « berger sorcier » de Trébon, rôdant dans les terres marécageuses du pays d’Arles. Cette histoire, empreinte de superstitions et de peurs ancestrales, nous plonge dans un passé où la frontière entre le rationnel et l’inexplicable semblait floue.
Depuis longtemps déjà, un berger fantôme hantait les esprits de la région. Ses apparitions, souvent accompagnées de moutons spectraux, alimentaient les récits les plus extravagants. On racontait qu’il était le fléau des bergers, un être capable de métamorphoses, changeant son apparence à volonté, et même de se rendre invisible. Ses pouvoirs, disait-on, lui permettaient de dérober le bétail sans laisser de traces, semant la terreur parmi les habitants et leurs troupeaux. Chaque disparition inexpliquée renforçait la légende du berger sorcier, le transformant en une menace omniprésente. On disait même que lorsqu’il était surpris, il avait le pouvoir de changer ses moutons en pierres ou en mottes de terre.

Le défi d’un gendarme audacieux

Cependant, un gendarme, homme de bon sens et de courage, ne l’entendait pas de cette oreille. Il ne croyait guère à ces superstitions et décida de mettre fin à ce qui n’était pour lui qu’une supercherie. Son objectif était clair : démasquer ce fantôme. Pendant plus d’un an, il surveilla assidûment les environs de Trébon, veillant sur les troupeaux avec une détermination inébranlable. Les nuits étaient longues et froides, mais le gendarme persistait dans sa quête de vérité. Finalement, sa persévérance fut récompensée.
Alors qu’il était en faction une nuit glaciale, il entendit le son familier d’un troupeau en marche. Le silence fut brisé par des bêlements et des bruits de pas. Soudain, une silhouette se découpa dans l’obscurité. Le gendarme s’approcha discrètement. Il vit alors un homme et un troupeau de moutons, avançant avec une rapidité étonnante. Il s’agissait du fameux berger. Ce dernier, armé d’une longue gaule, fouettait ses bêtes avec une fureur inhabituelle. Il proférait des menaces et des injures, incitant les bêtes à marcher plus vite. Son visage, éclairé par la lueur des étoiles, révélait une détermination féroce.

La vérité révélée

Le gendarme, sans hésitation, interpella l’individu : « Halte-là ! lui crie-t-il, qui es-tu ? » Le berger, pris au dépourvu, tenta de se dérober. Il chercha à se défendre par des mots, mais l’officier insista, répétant sa question. « Dis-moi qui tu es, ou sinon… »
Face à l’insistance du gendarme, l’homme finit par avouer sa véritable identité et ses stratagèmes. Il s’agissait bien d’un berger et affirmait se nommer C. J., mais il était loin d’être un sorcier, bien qu’il se présentât ainsi. Il avoua avoir manipulé la crédulité des habitants, utilisant des subterfuges pour dérober le bétail. Il profitait de la nuit pour faire paître ses bêtes sur les terres d’autrui, puis les revendait au marché.
Aussi le gendarme lui fit-il : « Eh bien ! C. J., le sorcier, au nom de la loi, je te dresse procès-verbal. »
Ce « fantôme » n’était en réalité qu’un habile voleur de bétail. Ainsi, la perspicacité d’un homme de loi démasqua une légende, ramenant les faits à leur simple réalité. Forcé de redescendre à l’état de simple mortel, il dut évacuer au plus tôt les champs qu’il avait usurpés, en attendant de répondre de ses méfaits devant la justice, ayant trop longtemps fait manger à son troupeau les blés en herbe et les luzernes naissantes, au préjudice des grands comme des petites propriétaires du coin.
  • Source : Le Petit Marseillais, 8 avril 1868, p. 3.

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Saint Gens (1104-1127), un saint pas très catholique https://www.geneprovence.com/saint-gens-de-vaucluse-biographie/ https://www.geneprovence.com/saint-gens-de-vaucluse-biographie/#respond Thu, 07 Aug 2014 00:13:12 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=13483 Gens Bounareau est né à Monteux, près de Carpentras, au début du XIIe siècle, et très certainement en 1104. Il se fit remarquer tout jeune par la haine qu’il portait…

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"Saint-Gens et la Vierge", tableau de l'église Saint-Didier de Monteux.
« Saint-Gens et la Vierge », tableau de l’église Saint-Didier de Monteux.

Gens Bounareau est né à Monteux, près de Carpentras, au début du XIIe siècle, et très certainement en 1104. Il se fit remarquer tout jeune par la haine qu’il portait à saint Raphaël. Les populations lui vouaient alors un culte et l’imploraient pour faire venir la pluie. Gens se posa en concurrent efficace de l’archange et se mit à faire pleuvoir, à la demande, en plantant un bâton dans un champ souffrant de la sécheresse ou du manque d’eau. Il y gagna la considération de ses concitoyens qui s’est même transcrite dans la topographie puisque de nos jours, à Monteux, il est à signaler que le chemin de saint Raphaël s’arrête où commence celui de saint Gens.

À l’adolescence, terrifié par le mariage, il partit vivre en ermite dans un vallon aux environs du Beaucet. Sa mère ayant voulu le retenir, son membre lui resta entre les mains, mais il ne tarda pas à repousser. Gens s’installa dans les ruines d’un antique lieu de culte vaguement christianisé par la présence d’un oratoire. Ce lieu était encore approvisionné en eau par une fissure vaginée et moussue qui est depuis connue sous le nom de source de Saint-Gens. Ce filet d’eau, sur lequel avait sans doute régné une ancienne déesse-mère, parut très insuffisant au nouvel ermite qui planta ses deux doigts dans la paroi rocheuse faisant immédiatement jaillir deux sources, l’une d’eau, l’autre de vin. Malheureusement, de nos jours, l’une des deux est tarie.
Tryptique de saint Gens, par Paul Vayson (1841-1911), mairie de Murs.
Tryptique de saint Gens, par Paul Vayson (1841-1911), mairie de Murs.
Pour subsister, il entreprit de cultiver une parcelle de terre grâce aux deux vaches que son père lui avait données à son départ. Ses hagiographes le décrivent vivant dans le renoncement, travaillant et faisant pénitence, ils affirment qu’il s’abîmait sans cesse en prières pour obtenir le pardon de tous les pécheurs. Un jour, profondément absorbé par ses oraisons, il ne vit pas qu’un loup rôdait autour de ses vaches et se précipita pour égorger l’une d’elles. Gens appela le loup, le sermonna, puis l’apprivoisa. Il devint si docile qu’il le mit sous le joug et l’obligea à labourer ses terres avec sa dernière vache.
Quelques saints ont été qualifiés de « bergers des loups » : saint Pierre (Würtemberg), saint Georges (Russie), saint Nicolas (Pologne), les saints archanges Gabriel et Michel. Un peu à l’exemple de saint Gens, deux d’entre eux s’étaient fait dévorer leur animal de trait. Il s’agit de saint Remacle, dont l’âne fut tué par un loup lors d’un voyage à Stavelot, il le contraignit à lui servir de monture jusqu’à cette ville, et de sainte Austreberthe, abbesse de Savilly, près de Jumièges, dont l’âne qui transportait du linge fut étranglé par un loup. L’abbesse lui ordonna de se charger du fardeau, et le loup continua jusqu’à sa mort cette tâche.
Il ne faut pas oublier que les gens qui vivaient dans les bois étaient nombreux au Moyen Âge : sorciers, ermites, bergers, scieurs de long, charbonniers, moines défricheurs, etc. C’est parmi eux que se trouvaient ces meneurs de loup ou loutiers. Ils étaient censés avoir des pouvoirs magiques sur le loup et de le faire obéir soit en sifflant ou en jouant d’un instrument de musique d’une manière qui n’était pas « chrétienne ». Respectés et craints pour leurs pouvoirs mystérieux, ils passaient pour sorciers et étaient censés avoir passé un pacte avec le diable pour charmer les loups.
Statue de saint Gens à Monteux. © Marie-Laure Boestch.
Statue de saint Gens à Monteux. © Marie-Laure Boestch.
Imberte, la mère de Gens, pressée par les Montiliens, vint le chercher à la Valsainte du Beaucet pour le faire revenir dans son village natal où sévissait une grande sécheresse. Elle arriva assoiffée et implora un peu d’eau auprès de son fils. Aussitôt, celui-ci fit couler une source de sa main. Ayant écouté les arguments qui nécessitaient son retour, il se dirigea vers Monteux. Là, le jeune homme demanda au clergé d’organiser dans le village une procession en l’honneur de la Mère de Dieu afin d’obtenir que leur vœu soit exaucé. La procession s’organisa et elle n’avait pas encore parcouru la moitié des rues qu’une pluie drue se mit à tomber.
À sa mort, le 16 mai 1127, sa dépouille fut déposée près d’un rocher au cœur de la Valsainte. Ce fut là qu’une chapelle romane fut élevée vers le milieu du XIIe siècle. Il fut dès lors invoqué pour obtenir la pluie en toute période de sécheresse. Il fit de nombreux autres miracles, en particulier des guérisons, et son culte, sous la pression populaire, dut être approuvé par l’Église. Son catholicisme n’était pourtant pas clair. Il est montré statufié à Monteux en train de découvrir son genou.
Le genou découvert est le symbole de l’initiation. Assez présent dans l’ésotérisme, on le retrouve dans certains rites maçonniques, dans l’iconographie ou sur certaines statues chrétiennes dont celles de saint Roch, le saint antipesteux natif de Montpellier (1295-1327).
Orphée. Musée de Saint-Romain-en-Gal (Rhône).
Orphée. Musée de Saint-Romain-en-Gal (Rhône).
Les mythes antiques mettent en scène des héros et des dieux boiteux : Dionysos, Harpocrate ou Œdipe, dont le nom signifie « pied gonflé ». Il était le fils de Laïos « le gaucher » et le petit-fils de Labdacos le « boiteux ». Les maîtres du feu et de la forge étaient boiteux dans pratiquement toutes les mythologies. La perte de leur intégrité physique est le plus souvent considérée comme le prix à payer pour leur connaissance venue des dieux et le pouvoir qu’elle leur confère. Le claudiquant, le boiteux, est le symbole de l’initiable, du profane en marche vers l’initiation. Le genou découvert est une invitation à « se mettre en marche ». Il est bien le symbole de l’initié à un culte antique, le signe visible de celui qui montre le chemin.
Au XVIIe siècle, ses reliques furent transportées dans l’église paroissiale du Beaucet, et ce n’est que depuis 1972 qu’elles ont rejoint l’église de son ermitage. Il est à noter aussi, qu’en 1780, un violent orage déclencha une crue de la Nesque, à Monteux. Elle ravagea sa chapelle et qui fit disparaître dans les flots la statue du « grand saint Gens ». Elle a depuis été refaite à l’identique.
Pèlerinage de Saint-Gens. Les porteurs montiliens à leur départ du sanctuaire.
Pèlerinage de Saint-Gens. Les porteurs montiliens à leur départ du sanctuaire.
Chaque année, depuis 1671, le samedi et le dimanche suivant le 16 mai, la Confrérie de Saint-Gens organise un pèlerinage au Beaucet. De nos jours, il reste l’un des plus fréquentés de toute la région, même si la cérémonie a perdu son faste religieux pour ne conserver que son caractère traditionnel et folklorique. Le samedi, les jeunes de Monteux, en costumes d’époque, portent la statue du saint et sa bannière jusqu’à l’ermitage de Valsainte par le chemin de saint Gens où sont érigés, de place en place, des oratoires en son honneur. Une halte au pied de ceux-ci permet aux porteurs de reprendre souffle. Dans la soirée du samedi et la matinée du dimanche, se déroulent des cérémonies religieuses. Quand elles sont terminées, les pèlerins repartent vers Monteux avec la statue. À l’arrivée du saint, des bombes éclatent et les cloches sonnent. Après une bénédiction dans la chapelle où est entreposée la statue du saint, le pèlerinage se termine à Notre-Dame de Nazareth, l’église paroissiale de Monteux, par une allocution en provençal.
Ex-voto de Saint-Gens au Beaucet (Vaucluse).
Ex-voto de Saint-Gens au Beaucet (Vaucluse).
Le culte de saint Gens reste assez vivace et il a l’avantage de ne pas imposer d’être chrétien pour le célébrer. Même s’ils ne mettaient jamais les pieds à l’église et traitaient leur curé de radis noir, les plus fervents républicains du Comtat Venaissin et de Provence jusqu’à la fin de la IIIe République invoquaient sans vergogne le grand saint Gens pour faire pleuvoir sur leurs récoltes. Les anciens, comprenez ceux qui sont nés avant les années 1950, ne disent pas qu’ils habitent au Beaucet mais à Saint-Gens. Jusqu’à une date récente, des garçons portaient le prénom de Gens. De même, de nombreuses familles comtadines affirment descendre des Bournareau.
Il n’est pas jusqu’à un savant érudit, auteur de romans érotiques aussi sulfureux que ceux du marquis de Sade, Georges Bataille qui s’intéressa à lui. Lors de ses fonctions de conservateur de l’Inguimbertine à Carpentas, il réunit une importante collection d’ex-votos, et principalement ceux consacrés au grand saint Gens. Son fonds a servi de support à un court-métrage du CNRS intitulé : Saint Gens, patron des fiévreux et fidèle intercesseur de la pluie et du beau temps, réalisé et tourné par le Vauclusien Jean Arlaud, à Monteux et au Beaucet.
Michel Reyne

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Monsieur Seguin a-t-il vraiment existé ? https://www.geneprovence.com/monsieur-seguin-a-t-il-vraiment-existe/ https://www.geneprovence.com/monsieur-seguin-a-t-il-vraiment-existe/#respond Sun, 24 Feb 2013 22:10:48 +0000 http://s430202914.onlinehome.fr/geneprovence/?p=2644 Lequel d'entre nous, petit, n'a jamais frémi aux terribles aventures de Blanquette, la chèvre de monsieur Seguin, racontée en 1869 par Alphonse Daudet ? Qui n'a jamais tremblé à la simple évocation du loup ?

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Lequel d’entre nous, petit, n’a jamais frémi aux terribles aventures de Blanquette, la chèvre de monsieur Seguin, racontée en 1869 par Alphonse Daudet ? Qui n’a jamais tremblé à la simple évocation du loup ? « Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là regardant la petite chèvre blanche et la dégustant par avance… »
Triste destin que celui de cette petite chèvre qui avait décidé de s’affranchir des contraintes de la vie de la ferme.
© Kadmy - Fotolia.com
© Kadmy – Fotolia.com

Mais à la lecture de ce conte, quand la plupart se contenteront de faire la morale à leur enfant à l’issue d’une lecture effrayante, on pourra toutefois se demander si ce conte n’a pas une part de réalité. La question pourrait sembler saugrenue de prime abord et pourtant, réfléchissons un instant :

Lorsqu’il écrit cette histoire, Alphonse Daudet est un habitué de son moulin de Fontvieille dans lequel il séjourne régulièrement. Il connaît un grand nombre de ces paysans qui habitent le village et il est plus que probable que certains de ces personnages qu’il dépeint avec tant de charme dans ses contes aient eu leur pendant dans la réalité.
Quand il évoque maître Cornille, sait-on que le patronyme Cornille abonde dans les Alpilles ? Et Seguin, alors ?
Un examen rapide des tables décennales de Fontvieille laisse apparaître que le nom Seguin, sans être fréquent dans cette région, y apparaît. Et davantage à Fontvieille que dans les communes limitrophes. La tentation est trop belle pour ne pas tenter une recherche…
À vrai dire, je ne me suis pas posé la question sans raison. C’est que d’autres se la sont posée avant. L’un d’eux, un célèbre érudit local, Honoré Coudière, décédé à la fin du siècle dernier, a recherché l’identité de ce fameux monsieur Seguin. Et pourrait bien l’avoir trouvée…

Un loup à Fontvieille ?

L’argument selon lequel le conte de Daudet serait totalement imaginé, car les loups avaient quitté Fontvieille depuis belle lurette à cette époque, se trouve écorné par le fait avéré qu’au milieu du XIXe siècle, en plein cœur du village, rue… Alphonse-Daudet (tiens, tiens !), eut lieu un événement particulier : Il y a dans cette rue un puits encore visible aujourd’hui dans lequel était allé se réfugier le dernier loup aperçu dans la contrée et que les habitants avaient voulu poursuivre. L’endroit n’avait pas assuré protection à la pauvre bête puisqu’elle y fut mise à mort par un berger, Jean Peyre, et sa peau fut exposée dans une maison près de la Tour des Abbés, maison encore dénommée de nos jours La Pèu seco (« La Peau sèche »). C’est la dernière fois qu’on vit un loup à Fontvieille.
Or, le jour précisément de la mort de ce loup, Alphonse Daudet était à Fontvieille et il est certain, ou quasi certain, qu’il a vu la bête morte. Ou tout du moins qu’il en a entendu parler car il était un grand ami du maire Timoléon Ambroy.
L’idée d’un loup à Fontvieille et, partant, dans le conte, n’avait donc rien d’anachronique sous la plume de l’homme de lettres.

Et monsieur Seguin ?

Monsieur Seguin a bien existé. Honoré Coudière l’affirmait et de nombreux habitants du village aussi.
Quand Daudet écrit Les Lettres de mon moulin, il y a à Fontvieille un berger nommé Jean Seguin qui correspond en tout point au monsieur Seguin de l’histoire.
Ce Jean Seguin est né à Tarascon le 9 avril 1835, fils de François Seguin (né en 1809) et de Magdeleine Chauvet (morte en 1853). Tarascon se situe à quelques kilomètres de Fontvieille et le jeune Jean faisait souvent le trajet jusqu’à Fontvieille où il rencontra une jeune fille du village, Élisabeth Bertrand (née en 1834).
Signature de Jean Seguin (1857).
Signature de Jean Seguin (1857).
Les deux jeunes gens se marièrent à Fontvieille le 20 avril 1857 et, dès lors, le couple s’installa là, Jean abandonna sa profession de cultivateur et devint berger, menant ses chèvres dans les collines autour du moulin et rencontrant Daudet à de multiples reprises. C’est de cette rencontre qu’a germé dans l’esprit du conteur l’histoire de cette chèvre téméraire.
Restait à localiser le récit.
Il se trouve qu’il y avait au pied du moulin un petit vallon au milieu duquel se dressait un petit mas. Ce mas était entouré d’un clos et dans le champ poussaient des aubépines. Il a appartenu au père d’Honoré Coudière, forcément bien placé pour en parler.

Ainsi donc, monsieur Seguin a bien existé. Ce brave berger est mort en 1912 à Fontvieille sans s’imaginer qu’on parlerait de lui dans le monde entier pour les décennies et peut-être les siècles à venir…

Connaissez-vous le livre Derraba, retour à Fontvieille, de N. Gilles-Richard, publié par GénéProvence en novembre 2012 ?

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La légende de la princesse Barbe des Baux https://www.geneprovence.com/la-legende-de-la-princesse-barbe-des-baux/ https://www.geneprovence.com/la-legende-de-la-princesse-barbe-des-baux/#respond Thu, 11 Jan 2007 18:42:00 +0000 http://s430202914.onlinehome.fr/geneprovence/?p=1235 Le texte qui suit a été écrit par l'historien Paulet en 1902. L'action se situe au XIIIe siècle.

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bauxLe texte qui suit a été écrit par l’historien Paulet en 1902. L’action se situe au XIIIe siècle.

La princesse Barbe, la perle de la maison des Baux, venait d’atteindre sa vingtième année ; vertueuse et belle, les plus nobles seigneurs avaient déjà demandé sa main : c’est à son cousin que ses parents l’accordèrent, au seigneur Guilhem d’Estoc, de la cité d’Aix. Cette condition lui fut pourtant imposée qu’il l’attendrait trois ans. Et Guilhem, doué du génie poétique autant qu’un maître troubadour, trompait les longueurs de l’attente, en chantant les vertus et les charmes de sa fiancée.
Cependant la troisième année touchant à sa fin, Guilhem partit d’Aix, avec ses parents et deux varlets, et s’en vint au castel des Baux. Le pont levis franchi, il s’étonne de ne point être accueilli comme l’enfant du manoir; il n’aperçoit que la mère de Barbe, pâle et triste, cherchant à retenir ses sanglots. On lui explique la cause de cette douleur, mais il n’y veut point croire. Il faut le conduire à la chambre de sa fiancée pour le convaincre de la réalité cruelle. Atteinte d’une fièvre maligne, Barbe se débat dans le délire. Ses yeux hagards reviennent sans cesse à la fenêtre, comme pour découvrir dans les profondeurs de l’horizon un être impatiemment attendu ; elle retombe ensuite sur sa couche, et de ses lèvres rigides on l’entend murmurer les noms bénis de Notre-Dame, de Monsieur Saint André, de Monsieur Saint Blaize unis au nom aimé de Guilhem.
Subitement elle se tait, elle ne s’agite plus, une pâleur livide s’étend sur son visage… la jeune fille est morte… Des cris désolés emplissent alors la chambre, et la mère de Barbe se jette lamentable sur le corps de son enfant… Guilhem ne dit mot, il se lève, écarte doucement la mère, porte à ses lèvres la main qu’il avait dotée de l’annel des fiançailles, jette un long regard sur le cadavre… On entendit alors un éclat de voix tel qu’un rugissement, puis Guilhem s’affaissa. La douleur l’avait tué. Un exemple d’attachement si singulier fit résoudre les parents de les ensevelir tous deux dans le même tombeau, assurés qu’ils étaient que l’esprit et le coeur seuls avaient eu part en leur amour.
Sur le soir, les jeunes filles du village portèrent à la chapelle de Madame Sainte Marie le corps de la princesse Barbe ; celui de Guilhem d’Estoc était soutenu par six pages du château. Les prêtres de Saint-Vincent assistaient le chapelain, et tous chantèrent moult pieusement l’office des trépassés. À la lueur des torches on descendit ensuite les degrés du caveau seigneurial. Les psaumes avaient cessé, et l’on n’entendait plus que le pas cadencé des porteurs. Au moment où le cercueil de Barbe allait s’aligner à côté du celui de Guilhem, quelques jeunes filles, ses compagnes préférées, obtinrent de la revoir une dernière fois. Mais voici qu’au moment où le couvercle se referme, le cadavre semble remuer, il ouvre les yeux, incline la tête. Barbe vit encore, bientôt on n’en peut plus douter et des larmes de joie se mêlent aux derniers sanglots. On tire la moribonde de son cercueil, et on la rapporte sur son lit encore couvert de roses et de lis.
Quelques jours pourtant, on n’osa se bercer de trop d’espérance ; mais une semaine après, on se décida à sceller la porte du caveau. Barbe était guérie.
Les premières questions furent pour Guilhem d’Estoc, et l’on dut avec ménagement l’instruire de la mort émouvante de son fiancé.
À cette nouvelle, Barbe forte et calme, déclara qu’elle n’appartiendrait jamais à autre qu’à Dieu. Un mois après, dans la ville natale de Guilhem, les religieuses de Notre-Dame de Nazareth l’admettaient au nombre de leurs sœurs. Du cloître elle ne sortit que morte. On porta son corps dans la crypte funéraire du château des Baux, et, d’après le désir qu’elle avait souvent exprimé, on la déposa à la même place qu’elle avait occupée une fois déjà, à côté du cercueil de son fiancé.

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La légende provençale (formation du legendarium provençal) https://www.geneprovence.com/la-legende-provencale-formation-du-legendarium-provencal/ https://www.geneprovence.com/la-legende-provencale-formation-du-legendarium-provencal/#respond Tue, 02 Jan 2007 10:40:00 +0000 http://s430202914.onlinehome.fr/geneprovence/?p=1277 La légende est un élément incontournable de la tradition provençale. On la porte aujourd'hui comme un étendard de la culture occitane. Les contes de Daudet sont toujours étudiés dans les écoles et les saints régionaux toujours honorés dans les villages. Il faut bien reconnaître que le fonds légendaire provençal est d'une richesse impressionnante.

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La légende est un élément incontournable de la tradition provençale. On la porte aujourd’hui comme un étendard de la culture provençale. Les contes de Daudet sont toujours étudiés dans les écoles et les saints régionaux toujours honorés dans les villages. Il faut bien reconnaître que le fonds légendaire provençal est d’une richesse impressionnante.
Ce n’est qu’au bas Moyen Âge que la légende a acquis ses lettres de noblesse. Jusqu’au XIIe siècle, la légende (latin legenda,« ce qui doit être lu ») était le récit de la vie d’un saint lu à l’office de mâtines. Ces hommes du passé – au nombre desquels figuraient les saints de Haute-Provence, Mari et Donat – avaient mené une vie si exemplaire que le récit de leur existence apportait à l’auditeur ou au lecteur une référence dans l’exercice du bien. Cette idée d’instruction résultant de la lecture est très présente dans la pensée religieuse médiévale.gens

Saints et culte des eaux

On associait souvent les saints aux phénomènes atmosphériques qui, globalement, restaient alors peu expliqués : c’est Dieu qui fait pleuvoir et ses saints intercèdent auprès de lui. C’est pour cette raison que les sources et les fontaines – et cette notion se retrouve dès l’Antiquité – sont l’objet d’une dévotion particulière. Gens Bournareau (ou Bournarel), né à Monteux (Vaucluse) en 1104, incarne l’homme qui, rejeté de son temps, deviendrait le saint provençal intercédant pour la pluie. Alors qu’il n’était qu’un enfant, il s’indigna un jour du culte rendu à saint Raphaël par le moyen d’une statue de plâtre. S’emparant de l’objet, il le brisa sous les yeux médusés des habitants du village. Il se retira dès lors dans les collines du Beaucet et mena une vie d’ermite, faite de travail et de pénitence. Il mourut dans son vallon le 16 mai 1127, à l’âge de vingt-trois ans et son corps fut déposé dans un rocher, près duquel fut édifiée une chapelle romane. Son tombeau s’y trouve toujours : les reliques de Gens, transportées au XVIIe siècle dans l’église du Beaucet, retrouvèrent la quiétude de l’église de son ermitage en 1972. Même si sa vie est romancée, elle n’en demeure pas moins révélatrice de la volonté de se fixer des références, des exemples à imiter, voire des héros à diviniser. C’est le principe de la légende qui ajoute le fantastique et le surnaturel à la vie exemplaire des hommes. Aujourd’hui, l’existence d’une source,connue sous le nom de fontaine de Saint-Gens, semble confirmer un culte des eaux associé à un dieu, païen à l’origine – car, comme nous l’avons vu, le thème n’est pas nouveau – incarné ensuite par un homme, d’abord saint Raphaël, puis saint Gens. Si l’on en croit la légende, c’est lorsque sa mère vint un jour le rejoindre dans les collines du Beaucet, épuisée et assoiffée,qu’il perça la roche de son doigt et l’eau en jaillit. L’homme, béatifié par la seule foi populaire, est devenu l’objet d’un culte approuvé par l’Église et que l’on prie aujourd’hui encore pour faire venir la pluie en période de sécheresse.
Saint Donat vécut plus d’un demi-millénaire avant saint Gens. Pourtant, des éléments communs caractérisent les deux hommes. Donat vécut dans une grotte (comme Gens), en un endroit où le terrain s’était effondré, et c’est sur ce lieu qu’un prieuré fut bâti. Comme pour saint Gens, la chapelle se situe près d’une source, où saint Donat aimait à se recueillir. Le 15 août et le 8 septembre (le 16 mai pour saint Gens), un pèlerinage a traditionnellement lieu à l’ermitage pour demander la venue de la pluie. Preuve évidemment que saint Gens est l’équivalent vauclusien de saint Donat, le Bas-Alpin.

Peurs en Provence

tarasque-statueLe surnaturel abonde dans les légendes provençales. Il faut reconnaître que la région a connu bien des malheurs : invasions, pillages, razzias… Quand ce n’est pas l’homme qui causait le mal, la nature se mêlait de la partie : combien de fois les archives ne mentionnent-elles pas les disettes provoquées par la sécheresse et les mauvaises récoltes, les crues d’un Rhône alors totalement libre de ses mouvements, le mistral, vent du nord soufflant parfois « avec la fureur d’un animal ». Toutes ces raisons expliquent peut-être pourquoi tant de monstres peuplent l’imaginaire provençal : à Arles, saint Trophime chassant les démons de Malcrozet, à proximité des Alyscamps ; à Tarascon, la fameuse tarasque dévorant tout ce qu’elle rencontre, hommes et bêtes ; à Aix, à Beaucaire, à Draguignan, le dragon se nomme le Drac.
L’influence de l’Église se fait sentir dans ces légendes, puisque c’est souvent un saint qui parvient à maîtriser le monstre, ainsi sainte Marthe qui, en exhibant une croix, met la tarasque en déroute. « L’élan monstrueux de la bête se brisa […]. La tarasque s’arrêta en tressaillant, clouée au sol. Sainte Marthe leva encore la main et lui jeta de l’eau bénite. » Au haut Moyen Âge, sainte Marguerite d’Antioche, poursuivie des assiduités d’un certain Olybrius, fut jetée en prison où un dragon l’avala. Le contexte ne semble guère faire de doute: c’ est le diable qui est sous-jacent. C’est lui qui influe sur les terreurs humaines, attisées par la croyance en l’enfer que toutes les Églises enseignent alors. Au point de le représenter fréquemment au fronton des édifices religieux. Sur le portail occidental de la cathédrale Saint-Trophime d’Arles, on remarque diverses sculptures animalières, un aigle, un lion, un taureau et un éon, au symbolisme chrétien. Plus curieuse est la présence d’un bouc, symbole du péché et, partant, du diable (Lévitique XVI, 10). Au Moyen Âge, le bouc est une réminiscence du culte du dieu gaulois Cernunnos, au corps d’homme et à tête de bouc.

La chèvre provençale

baux2Animal provençal par excellence, la chèvre est héroïne de nombreux contes et légendes provençaux. En provençal, faire veni cabro, que l’on traduit littéralement par rendre chèvre, signifie faire sortir quelqu’un de ses gonds. La chèvre, animal emblématique de l’élevage méditerranéen et que l’on s’attendrait à voir couvert de louanges, est associée à des expressions fort peu sympathiques. On déconseille par exemple aux parents d’élever leurs enfants au lait de chèvre, car ils risquent de devenir stupides et de sauter sans cesse. On craint aussi de croiser une chèvre noire sur le côté gauche de la route. Quant aux yeux de merlan frit, ils ont en Provence leur équivalent : on parle des yeux de chèvre morte. En somme, l’animal est peu estimé car jugé trop capricieux (souvenez-vous de la chèvre de M. Seguin).
C’est au pays de Fontvieille (Bouches-du-Rhône) que s’est répandue la légende de la fameuse chèvre d’or. On dit qu’au temps où les Maures se battaient contre les Provençaux, l’un d’eux, Abd al-Rahman, dut fuir au plus vite, emportant un fabuleux trésor en or et en pierres précieuses. Il trouva refuge dans une grotte de la vallée des Baux où il pensa cacher ses biens. Son serviteur l’attendit à l’extérieur. Dans les ténèbres, al-Rahman trouva une chèvre qui vivait là. Tentant de la suivre, il se perdit dans le labyrinthe et tomba nez à nez avec une énorme bête aux canines effrayantes. Le combat dura toute la nuit, le sol trembla des coups que s’échangèrent les adversaires. Au petit matin, la chèvre retourna à l’air libre, couverte de poudre d’or. Abd al-Rahman ne réapparut jamais plus. Son serviteur s’enfuit sans demander son reste. On dit aujourd’hui que le trésor est toujours dans la grotte. Certains bergers ont vu cette chèvre qui errait çà et là autour du trou des Fées, léchant les murs de salpêtre près de Baumanière. Mais malheur à ceux qui tentèrent de la suivre dans la grotte, jamais personne n’en revint. Aussi, si vous la rencontrez un jour au détour d’un sentier dans le val d’Enfer, passez votre route. Ou tentez votre chance si vous êtes courageux car la chèvre vous conduira jusqu’à son trésor.
Riche d’une tradition populaire qui tire son origine dans le creuset de croyances antiques, la légende provençale trouve toute sa vigueur dans le talent de ses conteurs. C’est en effet une culture plus racontée qu’écrite qui caractérise le legendarium occitan, un peu à la manière des mythes religieux gaulois dont la rédaction pervertissait le message. Il y a pourtant nécessité à maintenir vivante cette culture et à la diffuser avec les nouveaux moyens de communication. C’est à ce devoir de conservation que sont confrontés les baladins provençaux en ce début de siècle.

Jean Marie Desbois,
in Jadis – Contes et légendes de Provence,
Artis, 2001.

Bibliographie

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Photographies

1. C’est dans ces collines que vécut saint Gens et que sa légende vit le jour. © Artis, 2001.
2. Statue de la Tarasque à Tarascon.
3. Le quartier de Beaumanière, aux Baux-de-Provence, dans le val d’Enfer. DR.

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