Pourquoi GénéProvence publie-t-il toujours des histoires dramatiques ?

Chers lecteurs de GénéProvence, fidèles explorateurs des méandres du passé régional, vous êtes nombreux à me suivre dans mes pérégrinations à travers les affaires criminelles, les faits divers et les anecdotes de notre belle région. Et parfois, l’un de vous, avec la plus grande gentillesse, me glisse à l’oreille : « Mais enfin, vous ne publiez que des histoires tragiques ! Il n’y a pas un peu de gaieté dans tout ça ? »
C’est une remarque que j’entends, et je comprends tout à fait qu’à force de croiser bandits, victimes, juges austères et destins brisés, on puisse avoir envie d’un peu plus de légèreté. Alors, j’ai décidé aujourd’hui de vous emmener dans les coulisses de ma « cuisine » historique pour vous expliquer pourquoi les archives, ces cavernes d’Ali Baba du temps passé, ont souvent une légère préférence pour le drame.

Le passé n’est pas un film d’été (et c’est tant mieux !)

Imaginez un instant que vous soyez notaire au XVIIe siècle à Marseille. Votre mission : consigner la vie de vos contemporains. Allez-vous passer des heures à écrire que Monsieur Jean a pris son café du matin sans incident, que Madame Dupont a réussi sa confiture de cerises ou que les enfants du boulanger ont joué à la marelle sans se disputer ? Probablement pas. Ce genre de quotidien, aussi charmant soit-il, ne laissait que peu de traces écrites.
En revanche, si Monsieur Jean s’est battu avec son voisin pour une histoire de borne de champ, si Madame Dupont a été accusée de sorcellerie parce que sa confiture a aigri (oui, ça arrivait !), ou si les enfants du boulanger ont été témoins d’un vol de pain, là, tout change ! Ces événements, parce qu’ils sortent de l’ordinaire, qu’ils nécessitent une intervention (de la justice, du curé, du corps médical), sont consignés avec soin. On verbalise, on témoigne, on juge, on condamne… et on écrit !
Les archives sont, par nature, des témoins des moments clés. Et malheureusement, ou plutôt, par la force des choses, les moments clés qui méritent d’être gravés dans la pierre ou sur le parchemin sont souvent ceux qui bouleversent l’ordre établi : un crime, un accident, une catastrophe naturelle, une dispute qui dégénère, une injustice criante. C’est l’essence même du fait divers, qui par définition, « fait divers » par rapport à la normalité.

Le drame, un marqueur de l’histoire humaine

Nos ancêtres, et les administrations d’antan, n’avaient pas vocation à rédiger des carnets de voyage joyeux ou des recueils de blagues provençales pour la postérité. Leur travail était de documenter ce qui était important, ce qui faisait jurisprudence, ce qui mettait en péril la société ou l’individu. C’est un peu comme si, aujourd’hui, on ne gardait des journaux télévisés que les reportages sur les événements qui ont nécessité l’intervention de la police, des pompiers ou des tribunaux.
Ces histoires, même sombres, sont pourtant d’une richesse inestimable. Elles nous offrent une plongée fascinante dans la vie de nos aïeux en Provence :

  • Elles révèlent les mœurs de l’époque : Comment la justice était rendue ? Quels étaient les motifs de discorde ? Quelles étaient les peurs et les superstitions ?
  • Elles nous parlent des conditions de vie : Un vol de pain ? Cela nous dit quelque chose sur la misère de certains. Une émeute de la faim ? Sur les difficultés d’approvisionnement.
  • Elles mettent en lumière le système judiciaire : Les procès, les peines, les techniques d’enquête (souvent rudimentaires !), tout cela nous éclaire sur l’évolution de notre droit.
  • Et parfois, elles nous racontent des destins hors du commun : Des criminels rocambolesques, des victimes aux histoires poignantes, des personnages hauts en couleur qui, même dans l’adversité, ne manquaient pas de caractère.

Et la gaieté dans tout ça ?

La gaieté, la joie simple du quotidien, les rires qui résonnaient dans les ruelles d’Aix-en-Provence ou les champs de lavande du Luberon, étaient bien présents, j’en suis persuadé ! Mais ils se sont dissipés comme les effluves d’un bon vin de pays, sans laisser de traces écrites aux greffes, dans les registres paroissiaux ou les comptes-rendus de gendarmerie.
Mon rôle, en tant que passeur de mémoire sur GénéProvence, est de vous offrir ces fragments du passé tels qu’ils nous sont parvenus. Il ne s’agit pas de verser dans le sensationnalisme, mais de comprendre notre histoire à travers ces récits souvent étonnants, parfois effrayants, mais toujours instructifs.
Alors oui, la prochaine fois que vous lirez une histoire de brigands du Verdon ou de sorcières des Alpilles, rappelez-vous que ces pages ne sont pas là pour vous attrister, mais pour vous faire voyager dans le temps, pour vous montrer comment la vie se déroulait, avec ses ombres, mais aussi ses propres lumières. Car même au cœur du drame, on y découvre parfois l’ingéniosité humaine, la résilience, ou simplement l’incroyable complexité de nos ancêtres.
Et qui sait, en cherchant bien, peut-être qu’un jour je tomberai sur l’affaire du concours de pétanque qui a mal tourné mais qui s’est terminée par un fou rire général ! D’ici là, continuons à explorer ces archives, qu’elles soient sombres ou lumineuses, car elles sont le reflet de notre héritage en Provence.
Jean Marie Desbois

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