Horreur dans la rade (Toulon, 31 décembre 1849)

Entrée du port et rade de Toulon. Cliché Marius Bar, phot. Toulon.
Entrée du port et rade de Toulon. Cliché Marius Bar, phot. Toulon.
L’année 1849, sous la précaire Seconde République, voit Toulon affirmer son rôle de port international. Cette anecdote sanglante se déroule sur un navire toscan, le théâtre d’une microsociété où l’ennui et l’exiguïté exacerbent les tensions. La violence qui éclate entre les marins, en l’occurrence autour d’une simple affaire de cuisine, témoigne de la brutalité quotidienne et de la hiérarchie informelle des équipages. Le meurtre effroyable, impliquant décapitation et immersion du corps, illustre une fureur criminelle débridée, peut-être liée à des troubles psychologiques ou à la difficulté de la vie maritime, où la loi du bord prend souvent le pas sur les lois civiles, complexifiant l’intervention consulaire.

« Hier, sur les quatre heures du soir, à bord du navire toscan Les Deux Frères, en rade de Toulon, le nommé Jean Rossi, matelot, a tué à coups de hache et jeté dans la mer le nommé Antoine Cotonio, matelot à bord du même navire.
Rossi, âgé de 28 ans, natif de Rome, se prit de querelle avec un vieux matelot appelé Cotonio, à l’occasion des apprêts de la cuisine. Il n’y avait à bord en ce moment que Rossi, Cotonio, une jeune femme et un petit mousse ; le reste de l’équipage était venu en ville.
Rossi se précipita sur Cotonio, l’étourdit à coups de massue et puis au moment où le vieillard couvert de contusions lui demandait grâce, ce forcené saisissant un couperet lui trancha la tête et le précipita dans la mer ; puis il essaya de faire disparaître les traces du sang qui ruisselait sur le pont et il descendit dans la chambre pour demander le secret du crime à la passagère et au mousse qui lui promirent de ne rien dire, dans la crainte d’essuyer le même sort que Cotonio.
Ce matin, la police s’est emparée du meurtrier qui nie le crime en disant que Cotonio est tombé accidentellement dans la mer, après une lutte corps à corps entre eux deux. Rossi porte sur son visage l’expression de la douceur et on ne se douterait pas en le voyant et en l’entendant parler qu’il a pu accomplir un pareil acte de férocité quand on songe surtout au motif de la querelle qui a éclaté à bord du navire.
Le meurtrier est arrêté et l’affaire s’instruit de concert avec le consul de la nation à laquelle il appartient. »
  • Source : Le Toulonnais. Journal du Var et de l’Afrique, mardi 1er janvier 1850, XVIe année, no 2321, p. 2.

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