
Il faisait nuit ce 15 mai 1895 au vallon du Gargalon, situé tout au nord de la commune de Fréjus (Var). Le berger Blanchard dormait au pied d’un chêne-liège à la campagne Ottou, à environ 4 kilomètres au nord de la ville. Son sommeil était profond quand, vers 2 heures et demie, il fut éveillé par les aboiements répétés de son chien.
Sortant de son sommeil, il aperçut dans le noir un individu à la mine suspecte qui cherchait à partir en courant de la maison d’habitation à proximité de laquelle il se trouvait.
Le berger s’approcha donc de lui et lui posa quelques questions pour s’informer de son identité. Mais l’homme lui répondit que cela ne le regardait pas. Blanchard voulut donc alors le conduire à la gendarmerie de Fréjus mais l’inconnu se mit à courir en s’écriant : « Personne ne m’arrêtera ! »
Exaspéré, le berger s’élança sur ses traces. Arrivé devant la campagne Savine, il y pénétra et se fit prêter un fusil car il avait remarqué que l’inconnu envoyait souvent la main à sa poche comme pour y prendre une arme.
Une véritable chasse à l’homme s’engagea et des paysans virent même y prêter main-forte.
À un moment donné, Blanchard somma l’individu de s’arrêter sans quoi il ferait feu. Mais l’autre sembla au contraire redoubler de vitesse en criant : « Personne ne me prendra. »
C’est alors que Blanchard mit son fusil en joue et fit feu. L’homme, qui n’était qu’à quelques mètres de lui, fut touché aux reins. La balle traversa le corps de part en part.
Aussitôt avertis, le juge de paix Sentar, son greffier Baudot et le commissaire de police Antoine Foata, en compagnie du garde-champêtre Jean Mestrallet, se rendirent immédiatement sur les lieux pour ouvrir une enquête.
L’inconnu était mort et Blanchard était convaincu d’avoir tué un malfaiteur. Pourtant il fut arrêté et conduit à la prison de Fréjus.
La victime ne portait aucun papier sur elle. Dans sa poche, on retrouva un revolver tout neuf chargé de cinq balles. Il avait en outre avec lui un tournevis, deux portemonnaies (dont l’un contenait quatre sous et deux cadenas avec deux clés) et il portait un gilet aux initiales de J. U. On voyait qu’il avait cherché à en enlever la marque, ce qui laissait supposer qu’il l’avait volé.
L’enquête révéla en fait que l’homme était d’origine corse. Il s’appelait André Césari, était marié à une nommée Lucie Castellani, était âgé de 38 ans, et était né à Asco. Bien que Corse, il vivait à Saint-Raphaël, à côté de Fréjus.
Le 18 mai, on apprit d’un certain Paul Maurin que, huit à dix jours plus tôt, Césari avait envoyé un mandat-poste à son beau-frère qui habiterait Calenzana, en Corse. Il disait habiter Toulon où il avait son domicile ordinaire. Monsieur Laurenzetti, de Saint-Raphaël, chez qui il avait loué une chambre garnie, prétendit que, du 6 au 10 avril, bien que Césari fût son locataire, le lit n’avait pas été défait. Il y aurait lieu de voir si cette période ne correspondait pas à divers exploits de malfaiteurs qui avaient eu lieu dans les parages.
- Source : La République du Var, 16 mai 1895, p. 2.
- État civil de la ville de Fréjus, Archives départementales du Var, 7 E 65_55, acte no 32.