
Samedi 17 avril 1841, à Lourmarin (Vaucluse), l’église célébrait le baptême de sa nouvelle cloche. Fille unique du clocher, comme le précisèrent les fidèles avec humour, elle reçut une bénédiction solennelle sous les regards attentifs d’une assemblée nombreuse.
Le parrain, M. Gavaudan, s’avançait le premier. À ses côtés, Mme Ripert, marraine désignée, tenait une expression grave. Tous les deux paraissaient mesurer l’importance du moment. Le nouveau curé, M. Malachane, prononça une improvisation pleine de ferveur et de justesse. Le silence s’imposa aussitôt dans la nef.
Mais alors que l’on hissait la cloche vers son destin de pierre et de vent, un incident bouleversa l’harmonie. La corde céda brutalement, emportant dans sa chute l’espoir d’une montée sans heurt. Un frisson parcourut les fidèles. Tous levèrent les yeux vers le clocher inachevé, construit à la hâte quelques jours plus tôt. Le métal, libre, menaça l’assemblée d’une lourde sentence.
Heureusement, l’homme chargé de superviser la manœuvre réagit avec un sang-froid remarquable. Grâce à sa vivacité, l’accident fut évité. Une simple fraction de seconde sépara le désastre de l’apaisement. Les soupirs de soulagement remplacèrent les cris étouffés.
La cérémonie reprit alors. L’émotion, d’abord vive, laissa place à une joie tranquille. Le curé, soulagé, salua la présence du corps de musique venu accompagner la cérémonie. Il nota, non sans un sourire entendu, que la plupart des musiciens étaient de confession protestante.
À Lourmarin, cette journée resta gravée dans les mémoires. Non pas pour le fracas qu’on redouta, mais pour la manière dont le danger fut conjuré. La cloche, désormais suspendue à son clocher, put enfin faire entendre sa voix.
- Source : Le Mercure aptésien, 18 avril 1841, p. 4.