Jules Gérard, l’explorateur provençal mort en Afrique (septembre 1864)

Dans le courant du mois de septembre 1864 commença à courir dans toute la France, et principalement en Provence dont il était originaire, le bruit de la mort d’un célèbre chasseur de lions en Afrique, Jules Gérard, de Pignans (Var).
Surnommé « le tueur de lions », Jules Gérard, était avant toute chose un militaire. Né le 14 juin 1817, il s’était engagé dans les spahis en Algérie où il s’était fait une réputation en abattant de nombreux lions, ce qui lui valut la Légion d’honneur et l’estime de personnalités influentes en France. Ses exploits furent relatés dans la presse et dans des romans de l’époque. On dit notamment qu’Alphonse Daudet s’inspira de sa vie pour l’écriture du roman Tartarin de Tarascon (1872), qui décrivait les aventures d’un chasseur de lions provençal en Algérie.
Devenu capitaine, Jules Gérard se consacra à l’exploration de l’Afrique subsaharienne, fondant même une société pour ses expéditions. Ne trouvant pas de financement en France, il se tourna vers les Britanniques.

L’expédition du héros

Gérard en 1865, dessin paru dans L’Illustration, journal universel, 7 janvier 1865.
Rapidement après sa mort, la presse française et les rumeurs suggérèrent que le héros avait perdu la vie lors d’une expédition au royaume de Dahomey, mais ces rumeurs furent promptement démenties.
Aussi ne savait-on pas réellement ce qu’il était advenu de Gérard.
Ce fut finalement le consul de France au Sierra-Leone, J. Braouézec, qui confirma la triste nouvelle.
L’ancien tueur de lions s’était rendu sur la côte occidentale d’Afrique, muni des instructions de la Société royale géographique de Londres et avec l’appui de plusieurs personnages de la noblesse anglaise. Son intention était d’accomplir une exploration dans l’intérieur des terres. Il s’était d’abord proposé de visiter la chaîne de Kong, en Guinée septentrionale, qui jusqu’alors n’avait été parcourue par aucun Européen.
Parti d’Angleterre dans les derniers mois de 1863, il se rendit à Wyddals, et de là pénétra dans le royaume de Dahomey, d’où il datait une de ses dernières lettres adressées au duc de Wellington.
Après avoir inutilement essayé de pénétrer par le Dahomey, dans l’intérieur de l’Afrique, Jules Gérard vint au Sierra Leone avec une lettre de recommandation de M. Brossard de Corbiny, chef de la station du golfe de Guinée, pour M. Braouézec. Les Anglais de Sierra Leone lui fournirent immédiatement de nouveaux moyens de voyager. Un navire de guerre commandé par M. Cochrane, fils du célèbre lord du même nom, le transporta aux environs de la rivière Gallinas.
Quelques jours après sa mise à terre, il perdit tous ses bagages et se réfugia dans le Sherboro, où les Français résidents se firent un devoir de l’aider de tous leurs moyens.
Il partait donc ravitaillé de nouveau du village de Begboum, au mois de mai ou au mois de juin 1864, lorsque, à deux heures de marche, il fut encore complètement pillé et obligé de revenir dans le même village, où il attendit, pour se remettre en route, la fin de la saison des pluies.

La mort de Jules Gérard

Cependant, ses ressources s’étant totalement épuisées, il voulut retourner quand même au Sierra-Leone mais se noya en traversant le Jong, grossi par les pluies. Cette rivière charriait une énorme quantité de limon et de débris de mangliers et de palétuviers qui venaient former des îles flottantes dans le canal du Sherboro.
La mort était donc de toute évidence accidentelle. Il fallut attendre plusieurs années pour qu’une autre réalité se dessine. Victor de Compiègne (1846-1877), un autre explorateur de l’Afrique, lui aussi mort tragiquement, mais lors d’un duel, déclara dans un ouvrage que Jules Gérard était tombé dans une embuscade, probablement tendue par ses porteurs africains. Il prétendit que ceux-ci avaient cherché à se venger de leur maître qui usait fréquemment de mauvais traitements envers ceux-ci. Ils profitèrent d’ailleurs de sa mort pour emporter son arsenal de chasse.
L’héritage de Gérard demeure donc complexe, partagé entre le mythe du héros explorateur et une fin brutale, reflet des tensions et des dangers inhérents aux expéditions de l’époque en Afrique.
  • Sources : L’Annonciateur, édition du 10 décembre 1864, p. 3.

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