
Au milieu du XVIIIe siècle, dans le Haut-Dauphiné alpin – une région liée par ses échanges et sa géographie au grand ensemble provençal – l’existence était largement dictée par l’isolement et la précarité. Cet extrait du registre paroissial de La Roche-de-Rame saisit l’horreur d’un acte familial extrême, mais révèle surtout les défaillances de l’Ancien Régime. L’impossibilité pour « messieurs de la Justice » de se déplacer en raison du « débordement des eaux » illustre la lenteur et la centralisation de l’autorité royale. Dans ce contexte, les figures du châtelain et du curé deviennent les seuls dépositaires d’un ordre local, confrontés à une violence domestique où l’aliénation ou la misère extrême de la meurtrière, Magdeleine Morel, était sans doute le ferment.
« Crime énorme.
La nuit du dix sept au dix huit mai mil sept cent quarante six, Magdeleine Morel, veuve de Jean Chapin de Prareboul, a coupé la tête avec une hache à Antoine Ardouin, son beau-fils, pendant qu’il dormait, fils d’Antoine, mari de Catherine Chapen, sa fille.
L’enterrement de ce cadavre a été différé jusqu’au vingt deux dudit mois attendu que messieurs de la Justice n’ont pas pu venir à cause du débordement des eaux.
Le sieur François Queyras se trouvant casuellement à Embrun a assuré à Me Joseph Queyras, châtelain que M. Sylvestre de la Catone, juge d’Embrun, et M. Isoard, procureur fiscal, lui avaient dit de lui dire de dresser son verbal et qu’ils permettaient la sépulture de ce cadavre, que nous lui avons donné dans le cimetière en présence de François Queyras et de Jean Baptiste Celse soussignés avec le dit sieur Queyras châtelain et sieur Jean François Queyras et nous, curé et vicaire. »
- Registre paroissial de la Roche-de-Rame.
- Texte transmis par Brigitte de Pierrelatte.