Adieu aux chaînes : le transport des forçats modernisé en 1839

En 1839, le gouvernement adopta une innovation majeure pour le transport des forçats : les voitures cellulaires. Cette décision fut accueillie avec soulagement par les défenseurs des droits humains. En effet, la disparition des chaînes signifiait la fin de traitements cruels et inutiles. De plus, elle mettait fin au spectacle choquant offert aux populations par le cynisme des prisonniers.
Ces nouvelles voitures étaient entièrement fermées. De plus, l’administration des postes assurait leur transport rapide. Ainsi, ces véhicules répondaient aux exigences de la morale publique et de l’humanité.
Le 19 juin 1839, un journaliste aixois assista au départ d’un convoi. Sept condamnés furent transférés des prisons d’Aix au bagne de Toulon. Voici quelques détails sur ce transport.

Un véhicule innovant

La voiture, de forme allongée, reposait sur quatre roues. Par ailleurs, sa conception s’inspirait des omnibus, avec une seule porte à l’arrière et des ouvertures sur le toit pour l’aération des cellules.
L’intérieur était divisé en trois parties. Premièrement, une partie centrale vide servait de couloir pour le conducteur ou le gardien. Deuxièmement, les deux autres parties étaient divisées en cellules individuelles. Chaque condamné était assis sur un siège rembourré, les jambes tendues. Enfin, chaque cellule possédait une petite fenêtre donnant sur le couloir, facilitant ainsi la surveillance et l’accès aux besoins des prisonniers.

L’équipement des condamnés

Avant le départ, l’agent responsable apporta l’équipement des condamnés. Il comprenait un pantalon, un gilet et une longue veste, faits d’étoffes grossières jaunes et grises. En outre, un bonnet bleu, une cravate bleue, des chaussettes et des sabots complétaient la tenue. Apparemment, les épaulettes en losange permettaient de repérer facilement les prisonniers en cas d’évasion, sans pour autant les ridiculiser.

L’attitude des condamnés et les mesures de sécurité

Les condamnés, indifférents, riaient et plaisantaient. L’un d’eux, même, demanda du vin et déclara qu’il recommencerait ses méfaits – « Croit-on que tout ceci m’empêchera de recommencer ? » dit-il. Une famille italienne, quant à elle, parlait de ce départ comme d’un simple voyage. Cette scène aurait pu inspirer Georges Sand, connue pour ses écrits sur les forçats.
Après une fouille minutieuse et la coupe des cheveux, les jambes des condamnés furent attachées avec une chaîne, limitant leurs mouvements. Le brigadier de gendarmerie lut ensuite le règlement du voyage.
Plusieurs règles strictes furent imposées. Premièrement, l’usage du tabac était interdit. Deuxièmement, le silence était obligatoire, sauf pour parler au conducteur en cas de nécessité. Troisièmement, en cas d’infraction, des sanctions étaient prévues : poucettes, suppression des coussins des sièges, liens aux bras et, en dernier recours, l’usage des armes. Le conducteur avertit d’ailleurs un condamné récalcitrant qu’il le surveillerait de près et qu’il n’hésiterait pas à faire usage de son arme en cas de mouvement suspect, en disant : « Mon garçon, je te mettrai près de moi et si tu bouges, je te brûle la cervelle. Sur ce, en avant ! » cria-t-il.
Finalement, après cet avertissement, les condamnés montèrent un à un dans la voiture. Puis, cinq chevaux les emmenèrent rapidement vers le bagne.
  • Sources : Le Mémorial d’Aix, 22 juin 1839, p. 3.

Laisser un commentaire