Arles, 1786 : Enterrement d’un consul arlésien

Les consuls, membres élus du corps de ville, étaient parmi les personnages les plus éminents des communautés provençales de l’Ancien Régime. Le texte qui suit, issu des Archives communales de la ville (BB55 f°333 et sq.), nous relate l’événement que fut la mort d’un consul en exercice, le sieur Trophime Michel, le 19 mai 1786. Nous suivrons heure par heure tous les détails de la cérémonie qui lui fut réservée et verrons en quoi toute la communauté arlésienne s’est retrouvée soudée derrière ses hauts magistrats.
Sous le titre « Relation de ce qui s’est passé à l’enterrement de M. Michel, troisième consul, mort en exercice. », l’archiviste Constant a retranscrit en direct la totalité des événements entourant la cérémonie. Du coup, ce document est précieux dans le cadre de l’étude des autorités provençales sous l’Ancien Régime.

Relation de ce qui s’est passé à l’enterrement de M. Michel, troisième consul, mort en exercice

arles-mairie-hotel-villeMonsieur Trophime Nicolas Michel, troisième consul en exercice, mourut le 19e may 1786 à une heure et demie du matin. Messieurs les collègues furent avertis de la mort à cinq heures par Blondel, valet de ville, à son service. Ils s’assemblèrent tout de suite à l’hôtel de ville et députèrent le secrétaire de la communauté et M. le syndic du chapitre pour la leur annoncer. Ils firent sonner la cloche de l’horloge à huit heures et elle ne continua qu’après l’enterrement.
À neuf heures, MM. les Consuls reçurent une lettre de la part de Monseigneur l’Archevêque dont la teneur est insérée dans le conseil précédent par laquelle il offre de faire lui-même le service dans l’espoir que cette démarche empêchera des nouvelles discussions et amènera la paix entre la communauté et le chapitre. Ils firent tout de suite la réponse qui est dans le même conseil. Ils envoyèrent à l’instant un des jurés […] avertir M. le Sacristain de Saint-Trophime qui fit tout de suite sonner la troisième cloche à volée ainsi qu’à midy et le soir du même jour et le lendemain à l’angelus du matin et lors de l’enterrement.
À dix heures, ils convoquèrent le conseil municipal pour lui communiquer la lettre de M. l’Archevêque. Il délibéra d’accepter l’arbitrage proposé.
À onze heures, deux des proches parents du défunt vinent à l’Hôtel de Ville annoncer la mort de M. Michel à ses collègues. Ils furent reçus dans le cabinet et accompagnés jusqu’au palier de l’escalier. MM. les consuls furent un moment après en chaperon, accompagnés du secrétaire et trésorier, tous en habit noir, sans crêpe, faire leur visite aux parents.
Au retour, M. de Montfort fut rapporter à M. l’Archevêque le résultat du conseil et le pria de donner l’heure pour l’enterrement. Il répondit qu’il la leur ferait savoir l’après-dîner. A trois heures du même jour, MM. les consuls firent distribuer dans toute la ville des billets imprimés pour faire savoir la mort de M. Michel à tous les citoyens et les prier d’assister au convoi funèbre que M. l’Archevêque avait fixé au lendemain à dix heures précises du matin. Ils firent également inviter, par des billets manuscrits, messieurs les curés, le principal du collège et ecclésiastique de la pension ainsi que tous les corps religieux, d’assister à l’enterrement.
Le lendemain, 20 may, à dix heures du matin, le convoi funèbre se fit de la manière suivante :
Deux parents vinrent un peu avant dix heures avertir MM. les Consuls que tout le monde s’était rendu. Ils partirent tout de suite, ayant leurs deux parents un à droite et un à gauche, suivis d’un grand nombre de citoyens tous en habits noirs. Ils avaient prié M. de Lincel et M. Espanoit, l’un conseiller noble et l’autre bourgeois, d’aller avertir un moment après leur départ messieurs du chapitre que tout était prêt.
Le chapitre étant arrivé à la maison du défunt peu de temps après les consuls, le convoi commença ainsi qu’il est détaillé ci-après :
arles-mairie-interieur
La croix de saint Trophime arborée,
toute la maison de la Charité,
la confrérie des Pénitents blancs,
tous les corps religieux selon leur rang,
le principal du collège et les ecclésiastiques de la maison,
MM. les curés de la ville,
Le chapitre de la Major,
La musique de Saint-Trophime,
MM. les bénéficiers,
MM. les chanoines,
MM. Leschênes, Autheman et d’Icard, les deux plus anciens faisant choristes,
Mgr. l’Archevêque officiant, ayant pour prêtre assistant M. l’abbé de Bertrand, archidiacre [M. le prévôt étant absent], pour diacre
M. l’abbé Depazery, sacristain, et pour sous-diacre M. l’abbé de Brie, archiprêtre ; la livrée de M. l’Achevêque suivait immédiatement après, les trompettes de la ville en crêpe,
les valets de ville et le concierge avec des flambeaux écussons aux armes de la ville, en crêpe,
les drapeaux de la ville,
les tambours drapés de noir,
les gardes de police, les armes basses, en crêpe,
le valet de ville du défunt, seul, en habit noir et en crêpe,
le poêle porté par quatre conseillers choisis par MM. les consuls qui étaient MM. de Barras, Loys, Sabatier et Reybaud,
deux pénitents blancs avant la bière, avec des flambeaux,
le mort dans la bière, cloué dans une caisse, ayant par dessus un drap mortuaire sur lequel il y avait le chaperon et une épée de deuil en santoir liée avec un crêpe et autour, des écussons aux armes de la ville et aux siennes,
trois pénitents blancs après la bière, avec des flambeaux,
M. de Montfort et M. Pautier, consuls, chapeau abattu en crêpe long en manteau et épée, M. Ayme n’ayant pas pu y assister parce qu’il avait perdu sa femme depuis peu,
M. le secrétaire et trésorier, chapeau abattu, crêpe long, sans manteau,
M. d’Icard à la droite menant M. Michel frère du défunt, M. Laugier menant M. Fabre son beau-frère et ensuite tout le cortège.
arles-chapelle-penitentsLe convoi dans cet ordre fit le tour de la procession de Saint-Roch en le prenant dans le sens contraire. Arrivé à la métropole, M. l’Archevêque fit l’absoute. On déposa le corps dans la nef, parce qu’on avait convenu verbalement que tout ce qui pourrait se faire dans cette occasion de contraire aux prétentions des parties ne pourrait tirer à conséquence. De là, il passa avant la porte de l’Hôtel de Ville et fut à l’église des Trinitaires où était la sépulture. M. l’Archevêque y fit également l’absoute et se retira ensuite avec le chapitre. MM. les consuls assistèrent à leur banc, tendu de noir, ainsi que le choeur à la grand-messe chantée par les Trinitaires qui firent l’absoute après.
Ensuite MM. les consuls se rendirent à la maison du défunt où ils se rangèrent avec les parents suivant le même ordre, après quoi ils entrèrent dans le salon où, après avoir salué les parents, ils se rendirent à l’Hôtel de Ville et se rangèrent à la porte pour laisser défiler le cortège. Un instant après, MM. les Consuls furent avec le cortège, sans chaperon, remercier Mgr. l’Archevêque de la bonté qu’il avait eu de faire l’office.
Tout le monde garda les crêpes ainsi que les gants qu’on avait fournis.
Il fut mis une lettre sur la porte de l’Hôtel de Ville du côté du marché, une autre sur la porte de la maison du défunt et une autre sur la porte de l’église des Trinitaires. Ils avaient ensemble convenu d’en mettre une sur la porte de l’église de Saint-Trophime.
Le lendemain, deux des parents vinrent à l’hôtel de ville remercier MM. les consuls de l’honneur qu’ils leur avaient fait. Ils furent reçus comme ci-devant et accompagnés de même.
Je soussigné archiviste secrétaire greffier de la communauté
d’Arles atteste la vérité du contenu cy dessus.
Arles le 20 may 1786
Constant archiviste
  • Image un : Hôtel de Ville d’Arles. © Jean Marie Desbois, 2005.
  • Image deux : Escalier de l’hôtel de Ville d’Arles. © Jean Marie Desbois, 2005.
  • Image trois : Église des Trinitaires. © Jean Marie Desbois, 2005.

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