Faire sa généalogie signifie-t-il vivre dans le passé ?

N’avez-vous jamais entendu cette réflexion qui sonne comme une critique dans la bouche de vos proches quant à votre faculté de vous adapter au monde moderne ? Je suis certain que vous avez entendu cela. Et plusieurs fois plutôt qu’une seule. J’en ai fait l’expérience aussi.
Dès lors que l’on fait sa généalogie, que l’on cherche ses racines, que l’on veut raviver le souvenir de ses ancêtres morts et enterrés, c’est que l’on vit dans le passé.
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Comme si ce signe de compassion pour ses membres de la famille oubliés était une marque de faiblesse, le signe d’une incapacité à affronter l’avenir, à le redouter et à vouloir coûte que coûte se raccrocher désespérément à ce qui a été et de craindre ce qui sera. J’ai toujours réagi vivement à ces critiques. Est-ce parce que l’on chérit ses ancêtres que l’on craint l’avenir ?
Je suis persuadé du contraire. Si un arbre est privé de ses racines, il s’étiole et finit par mourir. Savoir d’où l’on vient permet de comprendre à quel point la vie humaine est courte, éphémère et fragile. Il m’arrive souvent de penser que si un seul de mes milliers d’ancêtres n’avait pas épousé qui il a fini par épouser, je ne serais pas là aujourd’hui. Ni vous avec vos aïeux. Nous devons donc notre existence à tous ces hommes et ces femmes (sans en excepter un seul !) et, ne serait-ce que pour cela, je veux leur dire : Merci !!
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Mais comment remercier ses ancêtres aujourd’hui sinon en perpétuant leur souvenir, en parlant d’eux à ses proches ? Personnellement, lorsque je vois la signature d’un de mes aïeux, lorsque je le vois apparaître sur un registre, lorsqu’il prend part à un événement local, j’ai l’impression de le voir, d’être à ses côtés, sans pouvoir lui parler. Et j’aime cette idée, celle de me dire que tant qu’on parle d’eux, c’est qu’ils ne sont pas morts totalement. Et si personne d’autre ne veut savoir, peu importe. Charles Baudelaire, le grand poète, disait à juste titre : « Volontiers, je n’écrirais que pour les morts » (Les Paradis artificiels, 1860).
J’ajouterai, pour répondre aux critiques qui nous taxent de gens peu en phase avec leur époque que bien des généalogistes aujourd’hui utilisent des moyens de communication qui échappent à une grande partie de la population : la grande famille des blogueurs généalogistes l’atteste, mais aussi les auteurs de relevés généalogiques informatiques qui gèrent des bases de données et jonglent allègrement entre Excel et Nimègue. Et je ne veux pas oublier les autres, ceux qui participent quotidiennement à la vie des réseaux sociaux (GénéProvence en fait partie). Alors non, de grâce : que l’on ne nous dise pas que nous sommes déconnectés de notre époque !
J’ai abordé il y a quelques mois le plaisir que l’on a d’organiser des cousinades. Est-ce vivre dans le passé que de vouloir nouer ou renouer le contact avec toute sa parentèle ? Leur dire qu’on les aime et qu’on veut passer du temps avec eux ?
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Il m’arrive souvent de penser à ces vers de Tristan Corbière, un poète breton mort à l’âge de trente ans en 1875 :

« Que les moutons suivent leur route,
De Carcassonne à Tombouctou,
Moi, ma route me suit, sans doute
Elle me suivra n’importe où. »

 Les Amours jaunes, 1873.

Eh bien, nous aussi, notre route nous suit et nous mène vers demain. Et c’est un avantage qu’ont peu de gens !


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