Jacques Honoré Chastan, martyr et saint (1803-1839)

honore-chastanJacques Honoré Chastan[ref]Cet article a été rédigé grâce aux informations concernant Jacques Honoré Chastan présentées sur le site des Archives des missions étrangères de Paris.[/ref], voit le jour le 7 octobre 1803 dans la ferme familiale des Roubauds, commune de Marcoux, à 6 kilomètres de Digne.
Il est l’aîné des huit enfants d’André Sébastien Chastan et Marie- Anne Rougon, agriculteurs relativement aisés.
À l’âge de 10 ans, après avoir exprimé le désir d’être éduqué, il est envoyé à l’école. Quatre ans plus tard, il se forme au latin auprès d’un curé d’un village voisin, comme c’était l’usage à l’époque.

Études religieuses

À quinze ans, il est inscrit à l’école secondaire à Digne. En 1820, il quitte Digne pour aller continuer ses études au petit séminaire d’Embrun, où il fait sa seconde et sa rhétorique. Il termine ses études au grand séminaire de Digne où il entre en 1823. Sur un de ses bulletins, son professeur note[ref]H. P. Jourdan, Travaux et Martyre de Mgr. Imbert, de Cabriès, diocèse d’Aix, et de ses deux compagnons MM Maubant et Chastan, P. Chauffard Imp., Marseille, 1858.[/ref] :
Caractère : Très heureux ; il se fait aimer de tous ses condisciples. Aptitude : Il a de l’intelligence, il est très studieux, très appliqué, et fait bien.

Prêtrise

Campanile de l'église Saint-Étienne de Marcoux. Par Reinhardhauke (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons.
Campanile de l’église Saint-Étienne de Marcoux. Par Reinhardhauke (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons.
Ordonné prêtre le 23 décembre 1826, quelques jours plus tard, il célèbre sa première messe dans l’église de Marcoux, le jour de la Saint-Étienne, patron de la paroisse et premier martyr de l’Église. Après avoir, par sa douceur tenace, triomphé de l’opposition de sa famille, et particulièrement de sa mère, qui ne pouvait se résigner à la séparation définitive, il quitte Digne pour Paris et entre, le 13 janvier 1827, au Séminaire des missions étrangères. Très vite, le 22 avril, il s’embarque à Bordeaux pour Macao, où Jean Jacques Louis Baroudel, le procureur des Missions Étrangères dans cette ville, doit décider de sa destination.
Bien que Jacques Chastan ait demandé à être envoyé en Corée, il est nommé professeur au Collège général à Pinang et curé de la paroisse de Pulo-Tikus. Le professorat ne réalisant pas ses rêves d’apostolat, il s’offre lui-même à Mgr Bruguière qui part pour la Corée et il obtient son accord.
En mai 1833, il retourne à Macao, d’où il s’embarque en septembre pour le Fo-kien, et à travers la Chine et la Mandchourie gagne la frontière coréenne. Mais, ne rencontrant personne pour l’introduire, il se retire à Pékin. En attendant une occasion favorable, il accepte d’exercer son ministère dans le Chang-tong, et pendant deux ans il administre un district de cette province.

Missionnaire en Corée

Mais il n’avait pas renoncé à la mission qu’il appelait de tous ses vœux : à la fin de 1836, il retourne à la frontière de la Corée pour y attendre les chrétiens qui doivent l’aider à pénétrer dans le pays interdit sous peine de mort. Pour éviter la douane, et comme l’avait fait son ami le père Pierre-Philibert Maubant qui l’avait précédé, il passe par la bouche d’égout percée dans la muraille de la ville d’Euitjyou à la faveur d’une nuit obscure, et, quelques jours après, le 15 janvier 1837, il atteint Séoul.
Séoul à la fin du XIXe siècle. DR.
Séoul à la fin du XIXe siècle. DR.
Les deux courageux missionnaires, après quelques mois employés à l’étude de la langue coréenne, se livrent sans répit au ministère apostolique. En un an, ils donnent le baptême à 2 000 adultes.
Après Pâques, Jacques Chastan va visiter quelques chrétientés dans les provinces voisines, se distinguant par son ardente charité pour les pauvres, par sa patience admirable à écouter les néophytes qui recourent à lui, par son esprit de mortification, souffrant la faim, la soif, le froid, et beaucoup de fatigues.
Sacré évêque apostolique, Monseigneur Imbert arrive à Séoul en décembre 1837. Il répartit les tâches, se réservant la capitale, et confiant les provinces de l’est à Pierre Maubant et celles du sud à Jacques Chastan.

Persécution religieuse

En 1839, une violente persécution s’étant déchaînée contre les chrétiens, l’évêque est arrêté et incarcéré ; il subit la bastonnade et le supplice de la courbure des os. Pensant que l’arrestation de ses missionnaires épargnerait aux chrétiens les rigueurs de la persécution, il presse les Pères Maubant et Chastan de se livrer eux-mêmes aux mandarins afin d’éviter des tortures aux fidèles et leur écrit :
« Dans les cas extrêmes, le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Si donc vous n’êtes pas encore partis, venez avec l’officier Son-kie-tsong, mais qu’aucun chrétien ne vous suive. »
Après avoir rédigé une très belle lettre d’adieu à sa famille puis à tous les membres de la Société des Missions Étrangères dans laquelle il se réjouit de son prochain martyre :
« Nous avons le doux plaisir de partir après avoir célébré le dernier sacrifice. Qu’il est consolant de dire avec saint Grégoire : « unum ad palman iter pro Christo mortem appetere ». Si nous avons le bonheur d’obtenir cette belle palme, « quae dicitur suavis ad gustum, umbrosa ad requiem, honorabilis ad triumphum », rendez-en pour nous mille actions de grâces à la divine bonté. »
Le père Chastan, en compagnie du père Maubant, se constitue prisonnier le 6 septembre. Aussitôt ils sont jetés en prison, où ils retrouvent leur évêque. Dès le lendemain ils comparaissent devant le tribunal et sont interrogés :
« Qui vous a envoyés ? Chez qui avez-vous logé ? D’où vient l’argent que vous avez ?
— Nous sommes envoyés par le Souverain Pontife, chef de l’Église ; l’argent à notre usage, nous l’avons apporté avec nous ; les Coréens nous ayant appelés pour secourir leurs âmes nous sommes venus ici. »
Ces réponses leur attirent une rude bastonnade qui est renouvelée plusieurs jours de suite. Tous les trois, sous les noms de Pem-syei-hyeng (Mgr Imbert), Ra Petrus (le P. Maubant) et Tjyeng Jacobus (le P. Chastan), sont condamnés à mort.

Exécution

La sentence est exécutée le 21 septembre, à Sai-nam-hte, près de Séoul. L’évêque et ses deux prêtres sont mis à mort avec le cérémonial réservé aux grands criminels. Les condamnés, les mains liées derrière le dos, montent dans d’étroites chaises à porteurs et, entourés d’une centaine de soldats en armes, ils sont conduits au lieu du supplice.
Là ils sont dépouillés de leurs vêtements, sauf le pantalon ; ensuite les soldats leur attachent les mains devant la poitrine, leur passent sous les bras de longs bâtons, leur enfoncent deux flèches de haut en bas à travers les oreilles, leur jettent de l’eau au visage qu’ils saupoudrent d’une poignée de chaux. Six d’entre eux saisissent les bâtons et font faire aux condamnés trois fois le tour de la place pour les livrer aux grossières moqueries de la foule. De retour au point de départ, le chef ordonne aux condamnés de se mettre à genoux : immédiatement une dizaine de soldats se mettent à courir autour des victimes et chacun, en passant, les frappe de son sabre.
Le Père Chastan reçoit un premier coup qui atteint légèrement l’épaule : instinctivement, il se relève et aussitôt retombe à genoux ; Monseigneur Imbert et le Père Maubant restent immobiles jusqu’au coup mortel. Un des soldats prend les têtes qui ont roulé sur le sol, les pose sur un plateau et les présente au général qui a présidé l’exécution.
Soixante dix neuf chrétiens coréens subiront eux aussi le supplice.
Pendant plusieurs semaines les corps des trois martyrs demeurent sur le sable du champ d’exécution, gardés jour et nuit par des soldats, pour que personne ne vienne les enlever. Vers le milieu d’octobre, les corps de l’évêque et des deux missionnaires sont emportés par des chrétiens et enterrés sur la montagne de No-kou où l’on plaçait indistinctement ceux qui ne possédaient pas de propriété.
En 1843, ils sont transférés à la montagne dite Sam-syeng-san (montagne des trois saints, une coïncidence curieuse car ce nom existait bien avant la translation), à quelques kilomètres au sud de Séoul. C’est là que les séminaristes de Ryong-san viendront se reposer et se fortifier au début du XXe siècle.

Béatification

Douze ans plus tard, Monseigneur Imbert, les Pères Maubant et Chastan, sont déclarés Vénérables. Le décret d’introduction de leur cause de béatification est signé le 24 septembre 1857.
Le 21 octobre 1901, leur tombeau est ouvert et leurs ossements apportés au séminaire de Ryong-san ; le 2 novembre, ils sont transférés à la cathédrale de Séoul. Le 1er mai 1903, ils sont examinés et reconnus par deux médecins européens, et quelques jours plus tard déposés dans le caveau de la cathédrale où ils reposent désormais.
Le 5 juillet 1925, le Pape Pie XI béatifie Monseigneur Imbert, les Pères Maubant et Chastan, et les 79 chrétiens coréens[ref]La Société des Missions Etrangères, à laquelle ils appartenaient, célèbre leur fête le 26 septembre de chaque année.[/ref]. La cérémonie a lieu dans la basilique Saint-Pierre splendidement ornée et illuminée pour la circonstance. Dans le portique et au-dessus de la porte centrale, un tableau réalisé par le professeur Guistiniani rappelle la décapitation de l’évêque Imbert et de ses deux missionnaires. Quelques milliers de personnes assistent à cette cérémonie.
Jacques Chastan et ses deux compagnons sont canonisés par Jean-Paul II à Séoul le 6 mai 1984 avec 93 Coréens et sept Pères des Missions Étrangères de Paris. Ces 103 saints martyrs ne sont que les représentants des 10 000 coréens qui furent exécutés en cent ans de persécution.
par MARCEL SARRAZIN, auteur de Montmaur et ses hameaux

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