Jeanne Perraud (1631-1676), une mystique aixoise

Jeanne Perraud est issue d’une famille de la bourgeoisie aixoise. Son père, Jean Perraud, est dit « écuyer », tandis que sa mère, Anne Blanc, provient elle aussi d’une famille bourgeoise.

Les Cascavéous

En 1630 éclate à Aix une insurrection populaire dénommée la « révolte des Cascavéous ». Le nom cascavèu (« grelot ») désigne la bille que portaient sur eux les adversaires de Richelieu. Le cardinal voulait centraliser la récolte et la répartition des impôts, ce que n’acceptaient pas les Cascavéous. Les émeutes, particulièrement violentes, durent plusieurs mois. Au mois de novembre, le château de la Barben est incendié par une troupe de révoltés aixois. Dans la ville d’Aix, de nombreux meurtres sont perpétrés. Au mois de mai 1631, deux hommes sont assassinés sous les yeux d’Anne Blanc, l’épouse de Jean Perraud. Terrorisée, elle demande à son mari de la protéger. Le couple fuit pour Martigues. C’est là que deux mois plus tard, accidentellement donc, naîtra la petite Jeanne (15 juillet 1631). Dès sa naissance, elle est affligée d’une santé défaillante qui la laisse trois fois à l’agonie.

L’enfance de Jeanne Perraud

La famille retourne à Aix alors que les événements se sont apaisés. En 1632, l’année suivante, son père meurt. La petite Jeanne souffre de nombreuses infirmités. C’est peut-être une première explication au mysticisme religieux qu’elle va développer progressivement. Car, dans le même temps, sa mère, remariée, chrétienne pieuse, fait montre d’une religiosité ardente, affirmant même avoir reçu une apparition de l’Enfant Jésus. Jeanne bénéficie d’une instruction sommaire. Elle sait lire le latin et le français à l’âge de sept ans, mais ne sait pas écrire. En 1644, sa mère meurt. Jeanne demeure dans la maison de son beau-père qui continue de l’élever, avec l’aide de sa nouvelle femme, qui la maltraite.

Entrée en religion

Après avoir entendu le sermon d’un Capucin, Jeanne se convertit à la religion. Elle reçoit une première apparition miraculeuse en 1650, « une étoile miraculeuse (…) d’une lueur admirable ». Elle adopte des attitudes extrêmes : couche par-terre et s’habille de noir à la suite d’un vœu. En 1653, elle s’échappe de chez son beau-père et entre au couvent, d’abord chez les Ursulines de Lambesc (juillet 1653), puis chez les Ursulines de Barjols (août 1654) et enfin chez les Dominicaines de Saint-Maximin (octobre 1654), où elle adopte le nom de soeur Séraphique.
Au début de l’année 1654, son beau-père meurt. En avril 1655, elle quitte Saint-Maximin et retourne à Aix où va commencer une vie mystique.

Jeanne la mystique

Poupée représentant la vision de Jeanne Perraud (XVIIe s.). © Jean Marie Desbois, 2010.

Poupée représentant la vision de
Jeanne Perraud (XVIIe s.).
© Jean Marie Desbois, 2010.

Le 15 juin 1658, alors qu’elle se trouve dans la chapelle Notre-Dame des Sept-Douleurs, chez les Augustins déchaussés, l’Enfant Jésus lui apparaît. Elle avait déjà pu le comtempler quelques temps plus tôt dans la chapelle Notre-Dame-de-Beauvezet, chez les Picpus de la rue Bédarride.
Le 30 novembre 1660, l’apparition lui demande son coeur. Jeanne décrira ainsi l’homme apparu : « [Il] paraissait de l’age de 33 ans […], de taille fort grande mais bien proportionnée ; le maintien plutôt doux que sévère […], la barbe fort longue […], le poil châtain, non frisé […], les cheveux tombant sur les épaules […], le vêtement rouge […]. »
Le 15 juin 1673, elle reçoit une vision qu’elle identifie au Christ avec ses plaies ouvertes : « La plaie du côté s’ouvrit tellement qu’elle s’étendait presque par toute la poitrine, elle était rouge, le sang en bouillonnait d’amour pour les les pécheurs, quoiqu’il ne coulât point. »
Dans le même temps, Jeanne éprouve une crainte phobique des hommes qu’elle refuse de côtoyer. C’est sans doute la raison pour laquelle elle préfère se consacrer à l’Enfant Jésus avec qui elle communique régulièrement.
Enfin, le 22 janvier 1676, après avoir communié une dernière fois, elle meurt à la suite d’une fièvre violente.
Le père Raphaël, qui la côtoyait chez les Augustins déchaussés, deviendra son biographe et tentera d’obtenir sa canonisation, arguant de plusieurs miracles survenus de son vivant mais aussi après sa mort.

Bibliographie

Marcel Bernos, « Encore la Provence mystique : Jeanne Perraud, d’Aix » in Aspects de la Provence, Société de statistique, d’histoire et d’archéologie de Marseille et de Provence », p. 97-124, Marseille, 1983.
C. Garcin, La vie et les vertus de la soeur Jeanne Perraud, dite de l’Enfant-Jésus, religieuse du Tiers-Ordre de saint Augustin, Marseille, 1680.
C. Marchy, Les oeuvres spirituelles de la soeur Jeanne Perraud, Marseille, 1682.
Anonyme, Recueil des choses les plus considérables observées en la vie de la soeur Jeanne Perraud depuis 1660 jusqu’à sa mort en 1675, bibl. munic. de Marseille, ms 1250.