Jugement constatant la naissance d’Hippolyte Brémond

  • Sources: Registre des actes de naissance du Monêtier-les-Bains, année 1882, n° 19.

République française – Au nom du peuple français.

Le tribunal de première instance de l’arrondissement de Briançon, séant en cette ville, à son audience publique du vingt-trois mai mil huit cent quatre-vingt-deux, à laquelle étaient présents Messieurs Ayasse, président, Ferrand, Béraud, juges, et Charignon, substitut du procureur de la République, a rendu le jugement sur acte de notoriété dont la teneur suit:
monetierL’an mil huit cent quatre-vingt-deux et le dix-sept mai, à quatre heures de l’après-midi, en notre domicile, pardevant nous Claude Adolphe Poyet, juge de paix du canton du Monêtier (1), arrondissement de Briançon, département des Hautes Alpes, assisté de M[onsieu]r Jérôme Ferrus, commis greffier de cette justice, se sont présentés Messieurs 1° François Bonnard, âgé de cinquante ans, 2° Jean Honoré Prat, âgé de cinquante-un ans, 3° Jacques Antoine Bellet, âgé de cinquante-quatre ans, 4° Joseph Pierre Josserand, âgé de cinquante-cinq ans, 5° Jean André Albert, âgé de cinquante-quatre ans, 6° Joseph Bellet, âgé de trente-deux ans, 7° Cyrille Philip, âgé de quarante-sept ans, tous propriétaires cultivateurs domiciliés au Freyssinet, commune du Monêtier, lesquels témoins, tous majeurs, nous ont déclaré et attesté qu’ils connaissent parfaitement le sieur Hippolyte Brémond, cultivateur, domicilié au dit lieu du Freyssinet et savoir qu’il est né à la fin de l’année mil huit cent soixante à Marseille (Bouches du Rhône) de père et mère inconnus; qu’au commencement du mois de décembre de cette année mil huit cent soixante, il a été placé en nourrice comme ayant été amené de Marseille chez Élisabeth Faure, épouse de Cyprien Bellet, autrefois tous deux propriétaires cultivateurs, domiciliés au dit lieu du Freyssinet où ils sont décédés; que depuis cette époque le sieur Hippolyte Brémond a constamment habité ledit hameau avec ses père et mère nourriciers, ses parents ne l’ayant pas réclamé; qu’ils ne se sont pas fait connaître et n’on pas payé ses mois de nourrice.
Le sieur Hippolyte Brémond ne peut présenter son acte de naissance (2), pour participer au sort de la classe de mil huit cent quatre-vingt un, car il est certain qu’il n’a pas été inscrit sur les registres de l’état civil de la commune du Monêtier.
Desquels faits les témoins nous ont certifié sincères et véritables, nous avons délivré le présent acte de notoriété pour suppléer l’acte de naissance dont il s’agit. De tout quoi nous avons fait et dressé le présent procès-verbal sur la réquisition du sieur Hippolyte Brémond et ce, sur papier visé pour timbre gratis, conformément à l’article quatre de la loi du dix décembre mil huit cent cinquante.
Attendu l’indigence du sieur Hippolyte Brémond qui est constatée par un certificat de monsieur le Maire du Monêtier (3), lequel certificat nous avons visé et approuvé le même jour, le sieur Hippolyte Brémond, justifiant en outre qu’il n’est pas imposé ainsi qu’il résulte d’un certificat négatif à lui délivré le trente décembre mil huit cent quatre-vingt-un par monsieur le Receveur des Contributions directes du Monêtier.
Et, après lecture à eux faite, les témoins susnommés ont signé avec nous et le commis greffier. Signé Bellet Jacques, Bonnard François, P. J. Josserand, Prat Jean-Honoré, J. Bellet, Albert Jean André, Cyrille Philip, Brémond Hippolyte, Poyet, juge de paix, et J. Ferrus (4), commis greffier, visé pour timbre et enregistré gratis conformément à l’article soixante-quinze de la loi du vingt-cinq mai mil huit cent dix-sept pour tenir lieu d’acte de naissance d’indigents, signé Dangin.
A Messieurs le Président et Juges composant le tribunal civil de Briançon – Le Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Briançon, a l’honneur de vous exposer que vers la fin de l’année mil huit cent soixante, le n[omm]é Hippolyte Brémond a été amené de Marseille au Freyssinet, commune du Monêtier, et mis en nourrice chez les époux Bellet. Pendant deux ou trois mois, les mois de nourrice ont été payés par une nommé Élisa Brémond, sa mère; depuis cette époque, Brémond est sans nouvelles de ses parents; il n’est porteur d’aucun document qui puisse le renseigner sur le lieu de sa naissance.
En vertu de l’article onze de la loi du vingt-sept juillet mil huit cent soixante-douze, il a été inscrit sur les tableaux de recensement de la commune du Monêtier se rapportant à l’année mil huit cent quatre-vingt un.
Attendu que Brémond, ignorant le lieu de sa naissance, ne peut saisir le tribunal qui serait seul compétent pour établir son état civil;
Mais attendu qu’à défaut de pouvoir faire constater sa naissance, Brémond a un grand intérêt à faire établir par acte authentique les circonstances dans lesquelles il a été amené au Freyssinet.
Attendu que l’indigence de Brémond est régulièrement établie et qu’il appartient dès lors au Ministère Public d’agir en son lieu et place
Le Procureur de la république requiert à ce qu’il plaise au Tribunal vu l’article soixante-quinze de la loi du vingt-cinq mars mil huit cent dix-sept, prescrire toutes mesures utiles et, sur le rapport de l’un de Messieurs les Juges à cet effet commis, dresser ou faire dresser un procès-verbal de circonstance dans lesquelles le nommé Brémond Hippolyte a été amené au Freyssinet, commune du Monêtier, ordonnons que le jugement à intervenir sera transcrit sur le registre de la commune du Monêtier, tant sur le double de la mairie que sur le double déposé au greffe du tribunal; que ce jugement sera écrit et expédié sur papier libre et enregistré gratis. Au parquet le dix mars mil huit cent quatre-vingt deux Pour le Procureur de la république signé: Charignon, substitut. Nous, président du tribunal, commettons M. Ferrand, juge, pour faire ce rapport. Briançon le quinze mai mil huit cent quatre-vingt deux signé Ayasse, président.

Vu l’acte de notoriété dressé par monsieur le Juge du canton du Monêtier le dix-sept mai mil huit cent quatre-vingt deux, 2° la requête du Ministère Public en son rapport; ouï M[onsieu]r Ferrand en son rapport;
Attendu qu’il résulte du dit acte de notoriété que Brémond Hippolyte, cultivateur, domicilié au Freyssinet, commune du Monêtier, est né à Marseille à la fin de l’année mil huit cent soixante de père et mère inconnus et que, depuis lors, dès le mois de décembre de la même année, il a été placé en nourrice au Freyssinet chez dame Élisabeth Faure, épouse de Cyprien Bellet, propriétaires cultivateurs au dit lieu.
Le Tribunal dit que Brémond Hippolyte est né à Marseille en mil huit cent soixante de père et mère inconnus et que depuis lors, dès le mois de décembre, il a été nourri au Freyssinet; ordonne que le présent jugement sera transcrit sur les deux doubles des actes de naissance de la commune du Monêtier. Signé: Ayasse, président, et Albert, commis greffier.

Enregistré gratis à Briançon le vingt-cinq mai mil hui cent quatre-vingt deux folio dix-sept, case huit.
En conséquence, le président de la République française mande et ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre ledit jugement à exécution, aux Procureurs généraux et aux procureurs de la République, près les tribunaux de première instance, d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président & le commis greffier du tribunal.
Pour expédition collationnée et scellée délivrée au requis de Brémond Hippolyte. Le commis greffier du Tribunal.
Signé Albert, c. g. (5)
(la mention suivante est en marge (6)): visé pour timbre et enregistré gratis à Briançon le vingt-cinq mai mil huit cent quatre-vingt deux, folio dix-huit, case cinq, signé Dangin.

Pour copie conforme: le maire du Monêtier.
[Joseph Barthélemy Barrelle]


(1) Le Monêtier-de-Briançon, actuellement Le Monêtier-les-Bains.
(2) Une recherche dans les archives de l’état-civil de Marseille n’a rien donné. Hippolyte Brémond est même absent du fichier des enfants nés de parents inconnus.
(3) Joseph Barthélemy Barrelle.
(4) Le document n’est pas signé à proprement parler. S’agissant d’une transcription, les noms sont simplement cités. L’observation vaut pour tous les autres noms précédés de « signé ».
(5) Abréviation de « commis greffier ».
(6) Sic.