
L’été de l’année 1860 à Hyères fut marqué par un fait divers qui révéla la face cachée d’un homme. Le 13 août, dans le quartier paisible des Loubes, la vigilance des frères Gueit, Léon et Pompée, permit de mettre fin à la série de larcins.
Les deux hommes aperçurent un individu s’extirpant de la ferme du sieur Giraud. Voyant qu’il était repéré, l’inconnu se retira précipitamment à l’intérieur. Alors que Léon Gueit s’approchait, l’homme reparut sur le seuil, hésita un instant, puis, comprenant qu’il était en danger, s’enfuit à travers champs.
Léon Gueit donna l’alarme et se lança à sa poursuite, bientôt aidé de son frère et des voisins accourus à leurs cris. Le fugitif fut rapidement cerné et retrouvé caché dans les vignes.
L’examen de ses effets révéla le butin : trois pains, une pièce de un franc, et surtout deux boutons de chemise en or, reliés par une chaîne du même métal.
Les aveux en cascade du nommé Bonnaud
Le malfaiteur, nommé Bonnaud, passa rapidement aux aveux concernant son dernier forfait. Il reconnut avoir pénétré dans la maison en fracturant la porte grâce à un soc de charme, un outil qu’il avait lui-même volé à Monsieur Édouard Tassy, son ancien employeur chez qui il avait travaillé un mois. Il admit avoir pris les boutons en or au premier étage et le numéraire et le pain dans la cuisine, au rez-de-chaussée.
Mais l’enquête ne fit que commencer. Les investigations révélèrent que les délits de Bonnaud étaient bien plus graves que le simple vol domestique.
La passion dévoreuse du jeu
Marius Tassy, fils du premier employeur de l’accusé, vint confirmer la gravité de la situation. Il déclara que le 9 août, peu après le départ soudain de Bonnaud de la ferme, une somme de 12 francs avait disparu de la poche de son gilet. Bonnaud, qui n’avait même pas réclamé les quatre francs qu’il lui était dû pour ses gages, était le seul à pouvoir avoir commis ce vol. Acculé, il reconnut les faits.
Le dossier s’épaississait encore. Confronté à une montre en or retrouvée sur lui, Bonnaud tenta d’abord de faire croire à un gain de jeu à Cuers. Mais face aux preuves, il dut confesser un vol bien plus important commis au préjudice de M. Buttet. Profitant de son absence, il avait enfoncé la porte à l’aide d’un soc de charrue. Il avait dérobé une montre en or et sa giletière, un porte-monnaie contenant 150 francs en pièces d’or, ainsi que trois pièces de 5 francs d’un secrétaire. Pour cela, il avait utilisé deux clefs trouvées dans le tiroir d’une table pour ouvrir le secrétaire et la commode du premier étage.
Enfin, Bonnaud avoua un autre larcin : le vol de 275 francs chez le sieur Guiol, au préjudice d’un autre domestique, Hugues. Là encore, le procédé fut simple mais audacieux, la clef de la malle se trouvant sous celle-ci.
Ce fut la passion du jeu qui fut identifiée comme le moteur de cette spirale criminelle. Bonnaud reconnaissait perdre en une seule journée les salaires de plusieurs mois, ce qui le poussait à commettre des vols toujours plus audacieux pour subvenir à son funeste penchant.
Le verdict de la justice
Le jury reconnut Bonnaud coupable des quatre vols qui lui étaient reprochés, et ce, sans circonstances atténuantes. Fait notable, la cour écarta tout de même l’aggravation du chef d’accusation d’effraction extérieure pour deux des vols.
En conclusion de cet épisode, la cour condamna Bonnaud à cinq années de réclusion.
- Source : Le Progrès du Var, 12 novembre 1869, p. 2.