
C’est devant la Cour d’assises de Draguignan (Var) que fut jugé Joseph Malfatto, un jeune homme de vingt ans, ouvrier cordonnier, natif de Dessecci, en Italie, mais résidant en dernier lieu à Toulon. Il était traduit pour abus de confiance au préjudice de son employeur.
La confiance brisée
Malfatto était au service du sieur Marquet, fabricant de chaussures établi place Sainte-Pierre, à Toulon. Il y occupait une position de confiance en tant que commis, chargé de la vente des marchandises dans la boutique proche de la place Royale, pour un salaire de vingt francs par semaine.
L’arrangement dura longtemps, mais Marquet commença à s’apercevoir que les comptes de son employé étaient en déficit considérable, tarissant les bénéfices attendus. Les habitudes de dépense de Malfatto, jugées excessive, n’aidaient pas à dissiper les soupçons.
Le stratagème des dix francs
Pour vérifier la fidélité de son commis, M. Marquet mit au point un ingénieux stratagème.
Le 30 mai 1869, il pria deux de ses amis d’aller acheter des chaussures au magasin de la rue Royale. À chacun, il remit la somme de dix francs. Les amis procédèrent à l’achat et rapportèrent à Marquet le montant exact payé. Le soir, lors du relevé des comptes de la journée, Malfatto ne fit état que de la vente, et avait retenu pour lui la somme de 15 francs 50 centimes.
Il s’agissait là d’un mode opératoire habituel. Une autre fois, au mois de mars, une somme de 37 francs avait été détournée de la même façon. L’employeur estimait que les détournements commis par Malfatto s’élevaient à une somme approximative de 2 000 francs, bien qu’il ne pût préciser tous les faits.
Le procès et l’incroyable verdict
Une perquisition au domicile de Malfatto confirma les soupçons : elle y amena la découverte d’un morceau de veau et d’une empeigne (une partie de chaussure) que le sieur Marquet reconnut formellement comme étant sa propriété.
Tous ces faits furent reprochés à Malfatto devant la cour. Cependant, le jury en délibérant donna un verdict négatif. Contre toute attente, Malfatto, accusé d’abus de confiance, fut acquitté.
- Source : Le Progrès du Var, 15 novembre 1869, p. 3.