Les Antiques de Saint-Remy au temps de nos ancêtres

antiques-saint-remySaint-Remy-de-Provence, située au nord de la chaîne des Alpilles, abrite de nombreux monuments plus élégants les uns que les autres. Ces monuments, hérités de la glorieuse époque de la Provence romaine, donnent au village une âme à nulle autre pareille. C’est là que se dressait jadis la ville de Glanum dont le visiteur peut aujourd’hui voir les ruines remarquablement conservées.
Idéalement située entre la voie Domitienne, au Nord, et la voie Aurélienne, au Sud, Glanum se présentait comme un réel carrefour et brassait une foule de gens de passage. Pendant cinq siècles, la ville est restée vivante et c’est au IIIe siècle de notre ère que les invasions germaniques mirent un terme définitif à sa prospérité. Pour une bonne part, la ville de Saint-Remy a été construite avec les pierres des ruines de Glanum.

Histoire des Antiques

En bordure de la ville antique se dressaient deux monuments que l’on connaît aujourd’hui sous l’appellation « Les Antiques ». Les Antiques sont composés d’un arc et d’un mausolée.antiques2

  • L’arc est très similaire à ceux que l’on trouve aujourd’hui dans les villes d’Orange et de Carpentras (Vaucluse). Sa construction ne semble pas liée à un événement militaire particulier, alors que cela était de coutume dans l’Antiquité. Les parties hautes ne nous sont malheureusement pas parvenues. Elles ont été détruites et l’on peut imaginer que l’arc avait alors une majesté qui l’a quelque peu abandonné. Selon certains spécialistes, ses parties hautes «doivent être restituées avec une forme tabulaire, pour équilibrer les parties basses ; on pourrait y inclure le motif d’un fronton en triangle.» (1)
  • Le mausolée était un monument privé. Une inscription à mi-hauteur de l’édifice en indique les auteurs : «Sextius, Lucius, Marcus, fils de Caius, de la famille des Julii, à leurs parents» (2). Ces trois frères, habitants de Glanum et membres d’une grande famille de la ville, utilisèrent ce moyen pour honorer leurs ancêtres. Peut-être a-t-on en leur personne les ancêtres de nombreux Provençaux d’aujourd’hui.

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Les Antiques vus par nos ancêtres de Provence

Les Antiques sont longtemps restés partiellement enfouis sous les décombres de Glanum, mais il est probable que l’on put toujours en voir une partie. En 1080 on trouve l’évocation d’une chapelle portant le nom de Saint-Pierre de Mausole. Ce nom vient de façon certaine du mausolée. Il était donc déjà connu à cet époque. En 1117, un texte évoque le monastère de Saint-Pierre de Mausole.
La première évocation littéraire du monument remonte à 1555. C’est Nostradamus qui en est l’auteur, dans ses Centuries. De toute évidence, les Antiques intriguent et l’on se déplace pour les admirer. Pierre Rivarel en fait en 1609 la première description, en alexandrins.antiques4
Des documents d’archives évoquent leur entretien et leur réparation dans les années 1710 et 1720. Dès lors, peintres et graveurs s’intéressent au site et le reproduisent. Les plus illustres sont Jean Honoré Fragonard (1760) ou Hubert Robert (1787). C’est principalement sur la gravure de l’abbé Lamy (1777) que l’on aperçoit le chapeau de gendarme qui orne l’arc, et qui n’est pas d’époque romaine.

Nos ancêtres aux Antiques

C’est la visite du comte de Provence (le futur Louis XVIII) en 1777 qui permit l’aménagement du site. On installa une série de bancs de pierres tout autour des Antiques (bancs qui existent toujours) et l’on planta un cercle d’ormes afin de faciliter la promenade.
Quelques années plus tard, en 1786, l’angle nord-ouest n’avait toujours pas été restauré.
La forme étrange du sommet de l’arc date certainement de cette tranche d’années entre 1786 et la Révolution. Au lieu d’un sommet majestueux, on fit à l’arc un chapeau de gendarme en dalles qui serait souvent critiqué mais qui ferait désormais partie intégrante du site. Cela apporta à l’ensemble une célébrité qui ne se démentit plus.
Le mausolée, quant à lui, prouve sa célébrité par le nombre de copies qu’il a engendrées. Le clocher XIIe siècle de l’église de Mollégès (détruit en 1858) a été réalisé sur son modèle ; de même le beffroi d’Arles (1547-1559) et le pavillon de la reine Jeanne (1581) aux Baux-de-Provence. On lui trouve aussi une similitude avec le monument révolutionnaire de Joseph Sec (1792) à Aix-en-Provence.
Les habitants de Saint-Remy vivaient avec ces monuments sans toutefois en connaître tous les détails. On savait bien que le mausolée était dédié à Marius Caïus et cela était suffisant pour en faire l’objet d’un calembour. On disait à propos de ce Marius Caïus et de sa femme, qui s’appelait forcément Maria Caïa :

« Marius Caïus,antiques5
que lou quiéu iè prus ;
Maria Caïa,
que ié vaï grata
Emé une fourcheto pleno de cachat. »

« Marius Caïus,
Dont le cul lui démange ;
Maria Caïa,
Qui le lui gratte
Avec une fourchette pleine de piment (3). »

Ce juron était moins grave qu’un blasphème, même s’il s’en prenait à quelque personnage présumé important, mais il faisait sans doute bien rire nos ancêtres.

Notes

  1. « Glanum », éd. Guides archéologiques de la France, impr. Nationale, 1990, p.65.
  2. SEX.L.M.IVLIEI.C.F.PARENTIBVS.SVIS (« Sextius Lucius Marcus Juliei Caii – Filii parentibus suis »).
  3. Le terme provençal cachat désigne à proprement parler une pâte fermentée et piquante que l’on fabrique en additionnant les restes fermentés de fromages, additionnés de piment.

Images

  1. Les Antiques de Saint-Remy de nos jours. © Jean Marie Desbois, 2006.
  2. Les Antiques, par A. Meunier (1792). DR
  3. Le mausolée, 1811. Auteur inconnu. DR.
  4. Antoine-Louis Goblain, vers 1810. DR
  5. Détail du mausolée. © Jean Marie Desbois, 2006.