Les Baux-de-Provence
au XIXe siècle

bauxAu début de la Révolution, le village des Baux-de-Provence se trouvait dans un réel état de décadence. L’éperon rocheux perdait constamment des habitants qui préféraient émigrer dans les villages de la plaine : Maussane, Paradou et Mouriès. La Révolution allait lui porter le coup fatal. Globalement, les habitants du haut étaient opposés à la Révolution, tandis que le reste de la population, dans la plaine surtout, y était farouchement favorable. Le curé Bertrand, qui y officia de 1783 à 1791 aux Baux, refusa de prêter le serment à la constitution civile. Cela lui causa des persécutions qui l’obligèrent à se cacher dans la campagne près d’Aureille, son village natal. Arrêté, il fut conduit aux pontons de Saint-Martin-de-Ré et délivré en juin 1800. Le curé de Maussane, Vincent, au contraire, n’hésita pas à prêter le serment et organisait des assemblées dans l’église. Le maire des Baux, Joseph Manson de Saint-Roman, fut assassiné en mars 1793. Les paysans de la plaine montèrent à l’assaut des Baux et détruisirent le château. Sept monuments du village furent vendus comme biens nationaux.

La population des Baux au XIXe siècle

Comme l’indiquent les chiffres ci-dessous, la population des Baux a connu une dramatique érosion tout au long du XIXe siècle :

182118511906
Population totale506431301
Population agglomérée222174111
Population éparse284257190

En 1911, la population éparse se répartissait comme suit : 90 habitants au Vallon de la Fontaine, 25 habitants au mas de Chevier (Saint-Martin), 68 habitants derrière le Château. Pour précision et comparaison, les Baux comptaient en 1765 pas moins de 3.491 habitants, même si l’essentiel vivait dans la plaine (le village lui-même n’abritait déjà plus que 611 personnes).
Le nombre des maisons a peu varié au cours du siècle : 118 en 1851, autant en 1911 (63 éparses en 1851, 66 en 1911).
Voici à présent la répartition des sexes en 1851 :

MasculinFéminin
207117 garçons224110 filles
74 mariés97 mariées
16 veufs17 veuves

Répartition des âges en 1911

0 à 1 an1 à 19 ans20 à 39 ans40 à 59 ans60 ans et plus
768638775

Hygiène et santé

Un borgne, un aveugle, deux sourds-muets, cinquante et une autres maladies. Les quatre conscrits de l’année étaient bons pour le service, deux sur trois en 1910. On a donc globalement une population en assez bonne santé.
Dans la mesure où aucun médecin n’habitait les Baux, la population était soignée par les deux médecins de Maussane. On peut attribuer la bonne santé globale des Baussencs à la qualité de l’alimentation en eau des individus. Les mas étaient alimentés par des sources ou des puits, tandis que le village était pourvu en eau depuis 1869 grâce à une grande citerne publique (800 mètres cubes) située au Plan-du-Château. Ce n’est qu’en 1929 que la commune a été alimentée en électricité.

Éducation

Il semblerait que la première école aux Baux a ouvert ses portes vers 1544. La population du village était plutôt lettrée : aucun conscrit de 1851 ou de 1911 était illettré.
En 1911, un institutrice dirigeait l’école mixte, composée d’une trentaine d’élèves. Une garderie accueillait douze enfants.

Emploi

En 1851, l’essentiel de la population masculine, cela ne nous étonnera pas, est constituée d’agriculteurs. 97% des hommes cultivent la terre (63% des femmes). Le reste se répartit entre commerçants (1,3% [0,7% des femmes]), professions libérales (2,2%) et mendiants (1,8%). 36% des femmes vivent du travail de leur mari. Enfin, 135 enfants sont à la charge de leurs parents, représentant tout de même près du tiers de la population.
La présence de nos quatre mendiants nous amène à évoquer la question de l’assistance publique.

Assistance publique

Le 20 décembre 1900 se constitue aux Baux une société de secours mutuels, La Solidarité baussenque. Elle dispose en 1910 de 1.657 francs de capitaux, génère des recettes conséquentes (797 francs) et peu de dépenses (342 francs). Trente-sept personnes en sont alors membres.
C’est que la population baussenque, même si elle n’est pas misérable dans son ensemble, compte toutefois de nombreuses personnes à qui venir en aide : les 890 francs dépensés à des fins d’assistance en 1911 par le conseil municipal se décompose ainsi :

Enfants Aliénés Indigents Assistance médicale Vieillards Familles
90150150100300100

Religion et politique

bauxfours À la suite des persécutions religieuses, le nombre des protestants en vallée des Baux a peu à peu décru. Il restait cinq protestants aux Baux en 1851, huit en 1911, dont le responsable religieux était le pasteur de Mouriès. Le desservant catholique, lui, vivait aux Baux en 1911, quartier du Vallon de la Fontaine.
Lors des élections législatives de 1877, sur 124 inscrits, on dénombra 107 votants (86% de participation). Voici le résultat de l’élection :

CandidatPartiVoix%
CadillanMonarchiste5955,1%
TardieuRépublicain4844,9%

Aux législatives de 1910, le taux de participation s’était réduit : 79 votants sur 128 inscrits (62%). Le résultat fut le suivant :

Candidat PartiVoix%
Henri MichelRadical-socialiste2936,7 %
Sixte QueninCollectiviste4759,5%

Économie

La morphologie du territoire a évolué au fil du XIXe siècle. En quelques décennies, un défrichement systématique a eu raison d’un territoire très boisé où les seigneurs des Baux pratiquaient au Moyen Age la chasse au cerf. Si, en 1842, les bois occupaient 58% de la surface de la commune, ce chiffre était tombé à 30% en 1911. Et inversement, la proportion de garrigues et terres rocheuses (1) passaient dans le même temps de 11 à 46%. On comprend à la lecture de ces chiffres que les habitants des Baux n’en voyaient pas alors ce qu’ils en voient aujourd’hui. Mais pour relativiser tout cela, précisons que, déjà en 1820, les habitants des Baux déploraient le recul de la forêt.
Les terres cultivées, en revanche, sont restées les mêmes, même si les dernières années du siècle ont vu l’apparition de la vigne, dont on voit aujourd’hui encore des champs entièrement dédiés à cette culture. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, on ne cultivait pas la vigne aux Baux, ou quasiment pas (un hectare à peine en 1832, contre 80 en 1911). Elle était pourtant cultivée au XVIIIe siècle, mais une épidémie de phylloxéra avait poussé les propriétaires cultivateurs à s’en abstenir des décennies durant. L’olivier était en revanche la culture dominante, comme aujourd’hui d’ailleurs. Les champs d’oliviers ont peu à peu colonisé l’essentiel de la plaine (223 hectares en 1832, 308 hectares en 1911). Il y avait deux moulins à huile en 1820.
Comment ne pas évoquer aussi la présence de trois carrières de pierre dont deux étaient communales : Grands Fonts et Saragan (2). En 1911, trente-sept hommes et deux enfants y travaillaient. L’industrie en était florissante (8.000 mètres cubes de pierres d’une valeur de 100.000 francs).

Les animaux

Nous avons vu à quoi ressemblaient les paysages baussencs au XIXe siècle. Reste à savoir quels animaux les habitaient. Les chiffres ci-dessous montrent à quel point l’élevage ovin est prédominant. La proximité de la Crau n’y est pas étrangère :

Chevaux Ânes Mulets Bovins Moutons Porcs Chèvres
9520-1 440-12
37215-1 179310

À l’approche de l’été, les troupeaux de mouton partaient en transhumance en Isère ou dans les Hautes-Alpes.
On trouvait aussi en 1882 : 100 poules, 20 canards, 2 dindes et 100 lapins.

Bibliographie

Les Baux & Castillon, L. Paulet, 1902.
Encyclopédie des Bouches-du-Rhône, t. XV, dir. Paul Masson, 1933.
Les Baux de Provence, M. Bonnet, coll. « Le Temps retrouvé », éd. Équinoxe, 1990.


1. Garrigues constituées de chênes kermès, de genêts, de buis.
2. Certains ignorent-ils encore que le nom « Baux » a donné « bauxite » ?
Photographies
  • Le château des Baux-de-Provence. Jean Marie Desbois, 2005.
  • La rue des Fours. DR.

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