Les classes sociales sous l’Ancien régime en Provence

La société d’Ancien Régime est divisée en classes sociales. Loin de toutes connotations politiques ou juridiques, ce terme signifie simplement « catégorie » ou « division » de la population. Celui d’« ordre » lui est synonyme.
Nous connaissons la division en trois grands ordres :

Le Tiers-États écrasé par les charges que font peser sur lui le clergé et la noblesse.
Le Tiers-États écrasé par les charges que font peser sur lui le clergé et la noblesse. BnF.
  • le premier ordre, le Clergé – ceux qui prient – regroupe tous les ecclésiastiques, du riche et puissant archevêque au simple et pauvre curé de campagne.
  • le second ordre, la Noblesse – ceux qui se battent – comprend les nobles, depuis les princes du sang jusqu’aux petits nobliaux désargentés de province.
  • le troisième ordre, le Tiers État – ceux qui travaillent – comprend tous ceux qui ne sont ni ecclésiastiques ni nobles, c’est-à-dire l’immense majorité des roturiers, riches ou pauvres. Mais si officiellement il n’y a pas de différence entre les membres des deux premiers ordres, il existe une immense disparité sociale, culturelle, intellectuelle et économique à l’intérieur des trois grands ordres. Celui du Tiers État fait l’objet d’une division interne dressée et recommandée par l’intendant de la province (et repris plus tard par les préfets du début du XIXe siècle) pour dresser les cadastres, les actes paroissiaux, les actes notariés, bref, tout document à but administratif. Cette division interne du Tiers État est avant tout sociale et ne correspond à aucune réalité professionnelle ni juridique, mais implique uniquement un niveau social global pouvant fluctuer au cours du temps pour une même personne.

La personne est définie selon son nom suivi de sa « qualité » (c’est-à-dire sa classe sociale) et enfin d’une indication professionnelle permettant de mieux la situer :

  • W, noble, seigneur de telle terre
  • X, bourgeois, avocat à la Cour
  • Y, négociant, propriétaire de deux moulins
  • Z, ménager, rentier de telle bastide

Telle qu’elles ont été définie par les intendants, ces catégories sociales sont :

  1. les bourgeois, y compris les officiers municipaux et de justice non-nobles et les membres des professions libérales (avocats, médecins, etc.). Ce sont des personnes aisées et libérées du travail manuel et de toute activité économique. Le bourgeois parfait est cultivé et connaît au moins un peu de latin, et est un rentier oisif de la terre. Les professions libérales doivent pouvoir vivre honorablement sans que leurs honoraires soient un appoint décisif.
  2. les négociants, terme désignant de gros fabricants, des manufacturiers, ce que nous appellerions aujourd’hui des industriels. Ils représentent le grand patronat et le grand commerce. Quoique normalement inférieur à la bourgeoisie, la catégorie des négociants a pu la surpasser de très loin en fortune, pouvoir, culture et alliance nobiliaire la plupart des bourgeois (ex. les négociants marseillais ou grassois qui, au XVIIIe siècle, constituent l’élite du grand commerce).
  3. les artisans, catégorie incluant toutes les personnes exerçant un métier manuel non agricole. C’est l’artisanat proprement dit, depuis le compagnon débutant jusqu’au vieux maître exerçant son métier depuis des décennies. Nous placerions aujourd’hui dans cette catégorie le petit patronat et les petits commerçants.
  4. les ménagers, terme désignant les riches paysans propriétaires de leur exploitation et qui en vivent. Ils résident sur leurs terres dans les bastides (ou les mas, aussi appelés « tènement »). Y sont assimilés les rentiers au sens de fermier payant un fermage fixe ou une rente.
  5. les travailleurs, ce sont les pauvres paysans non propriétaires obligés de mêler activité de culture agricole parcellaire, travail artisanal à domicile et salariat (« métayage »). Ils vivent majoritairement dans les villes et les villages dont ils forment le prolétariat, la masse populaire.

Spécifiquement à la Provence, on peut rajouter :

  • les gens de mer, marins et pêcheurs vivants dans les ports côtiers (Marseille) ou fluviaux (Arles).
  • les gens de la montagne, « ce qu’il est convenu d’appeler le peuple » (Statistique du Var, préfet Fauchet, an IX). Cette catégorie s’applique aux populations de la Haute-Provence, devenue Basses-Alpes à la création des départements en 1790. Cette population particulière des montagnards bas-alpins.

En Basse-Provence (Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse), la structure de l’habitat méditerranéen fait d’agglomération concentrée réduit la différence entre villes et villages. Partout, on pouvait retrouver chacune de ces catégories sociales, de la petite couche de bourgeois en haut de l’échelle aux masses populaires des travailleurs du bas de l’échelle, et partout entre les deux se retrouvaient les éléments moyens reflétant une foule de situation intermédiaires tant au niveau économique, politique qu’intellectuel.

À lire : « Mise au point sur les classes sociales en Provence », Maurice Agulhon, Provence Historique, fasc. 80, tome XX, avril/juin 1970, p. 101-108.

par Sébastien Avy
www.sagenealogie.fr

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