Les statistiques concernant le nombre d’étrangers dans les Bouches-du-Rhône étaient suffisamment rares au XIXe siècle pour que leur publication dans les années 1860 attire l’attention du chercheur.
À la suite du travail de Joseph Mathieu, on apprit, quoique sans réelle surprise, que le département le plus peuplé de Provence comptait un des plus forts taux d’étrangers pour l’époque.
En voici le détail :
Alors qu’en 1868, les Bouches-du-Rhône comptaient 541957 habitants, on comptait dans leur nombre 43603 étrangers. Chiffre en forte augmentation par rapport à 1861 où les étrangers étaient 36399.
Il y avait donc eu entre ces deux dates une hausse de 7206 étrangers qui, pour la plupart, étaient venus s’établir à Marseille.
Les Italiens comptaient, sur ces 43603 étrangers, pour 35080, soit plus de 80% du nombre : 20600 personnes du sexe masculin, 14480 du sexe féminin.
Après eux venaient les Espagnols au nombre de 4552 (10,4 %), puis, dans une proportion bien plus faible, les Suisses (1912, soit 4,3%) et les Allemands (649, soit 1,5%).
Pour autant, le nombre des Italiens dans tout l’Empire avait considérablement diminué entre 1861 et 1868, passant de 76539 à 49389, alors que dans le même temps il s’était accru dans les Bouches-du-Rhône (de 23238 à 35080).
De même pour le nombre des Espagnols, passé dans les Bouches-du-Rhône de 8235 à 4552.
Quelles peuvent être les raisons de cette diminution ? Après réflexion, deux nous viennent à l’esprit :
L’impact de l’unification italienne
La cause la plus probable et la plus puissante réside dans le processus d’unification de l’Italie (Risorgimento) et ses répercussions sur la naturalisation et la nationalité. En 1860, par le Traité de Turin, la Savoie et le Comté de Nice sont rattachés à la France. En contrepartie, la France reconnaît l’unité italienne. De plus, afin de gérer les populations des territoires annexés (Savoie et Nice) et les nombreux Italiens déjà installés en Provence, la législation française a été assouplie. Une loi a permis une naturalisation rapide et simplifiée des résidents de longue date.
De nombreux Italiens et autres résidents étrangers qui vivaient en Provence depuis des années (et qui constituaient statistiquement une part importante des étrangers) ont pu obtenir la nationalité française en 1861, 1862 et 1863. Leur statut est passé d’« étranger » à « Français », provoquant une chute artificielle du décompte des étrangers.
Le facteur économique
Bien que moins spectaculaire que l’effet de la naturalisation, les conditions économiques peuvent également jouer un rôle dans l’émigration et l’immigration.
La période 1866-1868 est marquée par des difficultés économiques et une certaine stagnation du commerce maritime qui affecte la prospérité du port de Marseille. Un ralentissement de l’activité du port (qui était le principal moteur de l’immigration de main-d’œuvre non qualifiée, souvent étrangère) a pu réduire le flux de nouveaux arrivants et inciter certains travailleurs saisonniers ou temporaires à chercher du travail ailleurs.
Voir aussi l’article : L’immigration italienne en Provence au XIXe siècle.
- Source : Le Petit Marseillais, 15 juin 1868, p. 4.