Mouriès – des origines à la Révolution

mouries

Source: « Les paroisses du diocèse d’Aix, leurs souvenirs et leurs monuments. Paroisses de l’ancien diocèse d’Arles » par l’abbé M. Constantin, 1898.

Les commentaires qui suivent sont extraits du titre cité ci-dessus. L’abbé Constantin était vicaire à Saint-Rémy. Les sous-titres ne sont pas issus du texte original mais permettent une meilleure lecture.

 

Mouriès a remplacé la mutatio Tericiae (1), sur la voie aurélienne, dont le nom se conserve, à peine altéré, dans celui du vieux quartier de Teracia qui domine le village.
Comme Glanum, la cité voisine, Tericiae fut ruiné par les Wisigoths, vers l’an 480. Ses habitants se réfugièrent sur les hauteurs prochaines, celle des Baux surtout. Après le départ des Sarrasins, le nouveau village fut fondé plus près de la plaine.

Mouriès au XIe siècle

Détail de la table de Peutinger (Tabula Peutingeriana), v. 250. On voit, au centre de l’image, l’inscription « Tericias », indiquant l’emplacement de l’antique Mouriès. Notez Arles, Fos, Marseille, Aix, d’ouest en est.
Détail de la table de Peutinger (Tabula Peutingeriana), v. 250. On voit, au centre de l’image, l’inscription « Tericias », indiquant l’emplacement de l’antique Mouriès. Notez Arles, Fos, Marseille, Aix, d’ouest en est.

Le castrum, qui relevait des barons des Baux, est nommé dans les chartes dès le XIe siècle.
En 1073, le monastère Saint-Genès des Alyscamps, en la personne de Bernard, abbé de Saint-Victor, et de son prieur Guillaume, reçut en don des frères Rostaing et Guiran et de leurs épouses Mathilde et Foy, un vaste domaine « in territorio de Moreriis », s’étendant de la montagne à la Crau, avec droit d’y bâtir des moulins, et de pêcher dans l’étang. En échange, les moines donnèrent un cheval, un mulet, etc.
En 1106, l’archevêque Gibelin dota l’abbaye de Montmajour des églises Notre-Dame et Saint-Roman, dans la vallée de Mouriès, sous un cens annuel de sep sous.
Grégoire VII, dans la bulle de 1079, inscrit « cellam Sancti Jacobi in territorio de Moreriis », et Calixte II, dans celle de 1124, « ecclesias Sancte Marie et Sancti Jacobi cum pertinentiis suis ». La chapelle Saint-Jacques n’était pas située dans le vieux Mouriès, mais dans son territoire, ce qui, en tenant compte de nombreux cas similaires, permet de penser que le nouveau village d’est bâti proche d’elle, et que l’église paroissiale actuelle occupe son emplacement.
Quant à la paroisse ancienne, enfermée dans le castrum, et dédiée à Notre-Dame, on la retrouve marquée dans la liste de 1213, « eccl. S. Marie de Moreriis, pro synodo 12 den. », et dans celle de 1358, « prior eccl. de castro Moreriis, 40 sol. ».

XIIe et XIIIe siècles

L’an 1168, l’abbé de Saint-Victor céda à l’archevêque d’Arles tout ce que son abbaye possédait à Mouriès et l’église de Vaquières : l’archevêque en retour lui transmit Saint-Gabriel du Trébon et Saint-Honorat des Alyscamps(2). Ce traité fut approuvé par le pape Alexandre III en 1169 et par le comte Ildefons en 1172. Elzéar de Bedoin, en 1125, transmit à l’archevêque ses droits de seigneurie sur Mouriès, seigneurie d’ailleurs très fractionnée puisqu’il n’en possédait que le douzième dans un quartier, et le seizième dans un autre. Une bulle de Grégoire IX, en 1230, confirme les droits du prélat sur le tiers du château de Mouriès.
A l’extrémité du territoire, mais déjà dans la paroisse de Saint-Remy, on rencontre l’ancienne abbaye de Puyredon. Deux actes mentionnent les rapports des abbés de Puyredon avec les archevêques. En 1229, une transaction entre les deux prélats réglait que chacun entrerait en partage de ce que l’autre acquerrait au terroir de Mouriès.
Les seigneurs des Baux possédaient la suzeraineté sur toute la vallée. D’entre leurs possessions immédiates, Barral des Baux donna en 1244 la terre de Malbastit à l’abbaye ; mais, en 1257, par acte du 30 octobre, conclu dans le cloître de Puyredon, l’abbé Rostang lui vendit tous ses droits sur Mouriès.

L’impétueux Barral des Baux

Avec leur humeur turbulente, il était inévitable que des difficultés surgissent entre ces seigneurs et les archevêques, leurs vassaux.
Un jour, de son nid d’aigle, Barral fond sur les domaines de l’Église d’Arles, s’empare du castrum de Mouriès, et pousse jusqu’aux pâturages de Saint-Martin-de-Crau, où il pourchasse les bergers, sujets de l’archevêque, et les force à déguerpir de leurs coussous. Jean Baussan n’était pas homme à s’intimider. Il prévint Barral qu’il introduisit une instance contre lui devant le Comte de Provence, et qu’il réclamait, outre la restitution des bourgs et terres indûment séquestrés, une indemnité de 20.000 sous raymondins. Barral accepta un arbitrage. La commission pacificatrice tint ses assises au château des Baux et rendit, le 16 octobre 1255, une sentence qui reconnaissait les droits de l’archevêque et obligeait Barral à restituer tout ce qu’il avait pris. Au sujet de Mouriès, il fut spécifié que l’archevêque y jouirait de tous ses anciens privilèges, mais après avoir rendu hommage au seigneur des Baux pour ce castrum, ainsi que pour celui de Vaquières.
Dans un des ces hommages, dont l’acte original subsiste, Rostang, nouvel archevêque, le 11 octobre 1287, « au monastère Saint-Paul du mausolée », promet fidélité à Bertrand des Baux, comte d’Avellin, et reconnaît tenir sous sa suzeraineté « le tiers du château de Mouriès, la villa de Vaquières et leurs territoires ».

Mouriès et le calvinisme

La proximité des Baux fut cause que le calvinisme pénétra de bonne heure à Mouriès : il y avait un temple dès 1560. À la fin du XVIIe siècle, le nombre des protestants, y compris un groupe de réfugiés des Cévennes, dépassait 350. La plupart revinrent à la religion de leurs pères.
Mgr François de Mailly, par son zèle et sa charité, contribua beaucoup à la conversion de ces frères égarés. Il entreprit en 1698 la visite de son diocèse. On l’engageait à éviter les paroisses de Mouriès et des Baux qui étaient désolées par la variole noire. Le bon pasteur jugea au contraire que ce danger était une raison de hâter sa visite : « Un père, répondit-il, ne sent jamais mieux sa paternité qu’au milieu de ses enfants affligés. » Ayant pénétré dans toutes les maisons où des malades souffraient, il fut lui-même atteint de la contagion. Ramené précipitamment à Arles, son état s’aggrava. Quand on sut dans la ville le danger qu’il courait, les églises furent envahies par le peuple qui demandait à Dieu la guérison de son pasteur.
Ces prières furent exaucées. Le charitable prélat était appelé par la Providence à recevoir sur le siège de Reims la pourpre cardinalice et à honorer ses nouvelles charges par son attitude énergique contre les jansénistes. En 1720, à la première nouvelle du fléau qui désolait la Provence, le cardinal de Mailly montra qu’il n’avait point oublié son ancien troupeau. Il envoya à Mgr de Forbin-Janson, son successeur, une somme de 10.000 livres pour les pestiférés du diocèse d’Arles.

Organisation religieuse

Mouriès n’est séparé des Baux sous le rapport communal que depuis 1796. Sous le rapport religieux, il fut jusqu’en 1639 une succursale amovible de cette paroisse. Cette année, le 6 février, Me Guillaume de Piquet, chanoine d’Arles, fonda la cure perpétuelle, en assurant l’entretien du curé. Il restaura l’ancienne église Notre-Dame, située au pied de l’ancien castrum ; la nomination du curé demeura réservée à l’abbaye de Montmajour : un chapeau d’abbé sculpté à une voûte indique encore cette juridiction. Mais la paroisse ne fut pleinement constituée et reconnue qu’après de longs débats entre la communauté des Baux et les marguiliers de Mouriès.
1790, un curé, que, depuis 1786, à la suppression de l’abbaye, l’archevêque avait le droit de nommer, un secondaire, 1.400 habitants.
1897, un curé desservant, un vicaire ; 1.680 habitants, dont environ 130 protestants ; doyenné de Saint-Remy, archidiaconé de Tarascon. Les Frères de Saint-Viateur, de Vourles, y tiennent école de garçons depuis 1880, et les Soeurs de la Présentation, du Bourg, école de filles et asile depuis 1838.

Notes

1. Marquée sur la table de Peutinger, IVe siècle.
2. Situés dans la ville d’Arles.

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