Quand l’abbé démasque un drôle de pilleur de troncs ! (Hyères, 19 mai 1895)

Ce matin-là, l’ambiance était calme à l’église Saint-Louis, à Hyères (Var). L’Abbé Paul, vicaire des lieux, confessait ses fidèles. Pourtant, son attention fut vite captée par un individu au comportement étrange.
En effet, cet homme rôdait autour des troncs de l’église. Il s’arrêtait brièvement devant l’un, puis passait rapidement au suivant. Intrigué par son manège, l’Abbé Paul sortit du confessionnal. Il alerta aussitôt le sacristain.
Ensemble, ils se dirigèrent discrètement vers l’homme. Le sacristain l’invita ensuite à le suivre dans la sacristie. L’individu refusa d’abord, mais il finit par céder. On décida alors d’appeler le commissaire de police.
À son arrivée, les forces de l’ordre fouillèrent le suspect. Quelle ne fut pas leur surprise ! Dans les poches de sa grande redingote, ils découvrirent un assortiment inattendu. Il y avait des baleines de corsets et surtout, un paquet de poix. L’homme utilisait cette poix pour enduire les baleines, puis les plongeait dans les troncs. Ainsi, il pouvait récupérer la monnaie et les pièces. Il s’agissait donc d’un voleur à la tire, pris la main dans le sac !

Le profil mystérieux du coupable

La fouille des vêtements révéla d’autres trouvailles étonnantes. Le voleur possédait une collection de passeports. Ces documents étaient de nationalités diverses. D’ailleurs, la plupart portaient un visa, ou du moins semblaient visés, par le consul de Russie à Gênes. De plus, les enquêteurs mirent la main sur des cartes de visite. Celles-ci appartenaient à de hauts dignitaires russes. Des timbres humides retrouvés sur lui étaient la preuve d’un stratagème ingénieux. Grâce à eux, il parvenait à donner un cachet d’authenticité à des pièces qu’il fabriquait lui-même. Cela lui avait sans doute permis de berner de nombreuses victimes.
Interrogé sur l’origine de ces objets, le voleur raconta une histoire singulière. Selon lui, un voyageur les lui avait remis. Il décrivit même vaguement cet inconnu. Ce dernier les lui aurait confiés sur la route entre Saint-Raphaël et Hyères. Bien entendu, ce voyageur ne fut jamais retrouvé.
Puis, on lui demanda de rédiger sa déposition. L’homme affirma ne pas savoir écrire le français, uniquement l’allemand. Il déclara s’appeler Muller Selz. Il était né, selon ses dires, à Châteaulin, en Meurthe-et-Moselle. Après cet interrogatoire, on le conduisit à la prison d’Hyères avant d’être transféré à Toulon pour la suite de l’affaire.
  • Source : La République du Var, 20 mai 1895, p. 2.

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