Une présentation rocambolesque du daguerréotype (Aix-en-Provence, 29 décembre 1839)

La merveilleuse invention de la photographie, attribuée à Louis Daguerre (1787-1851) fut jugée immédiatement comme merveilleuse par chaque Français.
Ce fut bien entendu Paris qui profita en premier lieu de l’invention puisqu’il fut organisé sur place quantité de séances de prises de vue pour le bonheur des personnes. Et, de fait, la Province, fut quelque peu oubliée dans un premier temps.
La cathédrale Saint-Sauveur, vers 1870. Claude Gondran. Bibl. Méjanes, Aix.
Mais certains énergumènes sentaient qu’il y avait de l’argent à prendre dans l’affaire et parcouraient les villes pour présenter leur propre invention, clamant être élève de M. Daguerre.
C’est ainsi que l’un d’eux se pointa à Aix en décembre 1839 afin d’y faire une démonstration publique du tout nouveau procédé révolutionnaire, que l’on appelait désormais le daguerréotype. On annonça la séance avec faste, on fixa le prix d’entrée à 2 francs (une belle somme à l’époque), et l’événement devait se dérouler dans une salle de l’école de droit.
Mais voilà : le 22 décembre, jour prévu de l’événement, le ciel était couvert. Pas de soleil, donc pas d’image. L’orateur dut s’excuser devant une assemblée nombreuse et reporter la démonstration au dimanche suivant. Après tout, ce n’était pas sa faute.
Le 29 décembre, rebelote. Cette fois-ci, la météo était splendide : grand ciel bleu, soleil radieux, tout semblait réuni pour que la magie opère. L’appareil fut braqué sur la belle façade de la cathédrale Saint-Sauveur, et l’assistance, émue, retint son souffle. Après un quart d’heure, le moment solennel arriva : on retira la plaque.
Déception totale !
L’image n’était qu’un fouillis de lignes sombres et brouillées. Avec beaucoup d’imagination (et de bonne volonté…), certains crurent deviner un morceau de la façade. Mais rien de net, rien de spectaculaire.
Pourtant, le procédé fonctionnait bel et bien : la veille encore, une superbe épreuve de daguerréotype avait été exposée chez M. Boyer, confiseur de la ville. La faute venait donc moins de l’invention que de son maladroit démonstrateur.
Et pour couronner le tout, lorsque le public, un brin frustré, demanda des explications techniques, l’orateur se lança dans un discours tellement embrouillé qu’il en devint aussi illisible que son image !
Bref, Aix n’eut pas droit ce jour-là à la grande révélation photographique promise… mais plutôt à une séance de prestidigitation ratée.
  • Sources : Le Mémorial d’Aix, 4 janvier 1840, p. 2, 3.

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