Les Chasseurs Alpins dans la Grande Guerre

Parcourue de tout temps, la montagne a pourtant été longtemps jugée impraticable aux armées. Néanmoins, c’est bien Hannibal qui, conduisant l’armée carthaginoise, traversa les Alpes avec ses éléphants en 218 avant J.-C.
En 1792, l’armée révolutionnaire envahit la Savoie et Nice et, plus tard, sous Napoléon, poussèrent jusqu’en Italie.

La naissance des troupes alpines

compagnie-chasseurs-alpinsLes troupes de montagne furent institutionnalisées le 24 décembre 1888. Il s’agissait à l’époque de douze bataillons de chasseurs à pied qui constituèrent le socle de l’armée des Alpes.
Sept bataillons (les 11e, 12e, 13e, 14e, 22e, 28e et 30e BCA) relevaient du XIVe corps d’armée de Lyon, composé du Dauphiné, de la Savoie, du Briançonnais et de l’Ubaye). On ajouta par la suite un 13e groupe alpin en Haute-Maurienne. En 1893, sept bataillons alpins territoriaux complétèrent le tout.
Le plus vieux signe distinctif des troupes de montagne demeure le célèbre béret béarnais des chasseurs pyrénéens, la « tarte », adoptée en 1889. Il permet de se protéger du soleil, de la pluie et, comme le stipule même le cahier des charges : « Il faut pouvoir y glisser les deux pieds quand il fait froid au cantonnement. » En outre, la tenue du Chasseur Alpin se caractérise en 1891 par la tunique à épaulette, qui remplace la vareuse-dolman de couleur bleu sombre. Une ceinture de laine de couleur bleue, la taillole, enserre la taille. Le pantalon gris de fer porte un liseré jonquille. De solides brodequins napolitains viennent chausser les pieds. Sur la semelle est gravée la lettre d’identification de la compagnie. Enfin, une ample pèlerine à capuchon complète le tout. Elle permet de s’envelopper dans le bivouac. Question armement, les chasseurs furent parmi les premiers à être dotés du nouveau fusil à répétition Lebel.
En temps de paix, l’armée est chargée d’ouvrir des routes en altitude. En 1891, c’est la route du col d’Allos qui est créée, suivie en 1898 de la route du col de Vars, jusqu’alors impraticable. En 1891 aussi, on ouvre le tunnel du Galibier, non loin du Monêtier-les-Bains, permettant la liaison entre Romanche et Maurienne.

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La Grande Guerre commence

Le 23 mai 1915, l’Italie, se rangeant aux côtés de la France, permet l’utilisation des Chasseurs Alpins contre les Allemands sur le front nord-est. Mais dès le début de la Guerre, en fait, l’attitude bienveillante des autorités italiennes autorisait cela.
Dans les combats, les Alpins furent utilisés principalement comme troupes de choc pour rompre les lignes adverses. Des souvenirs de batailles terribles restent dans les mémoires, ainsi la Somme où, entre le 1er juillet et le 18 novembre 1916, tombèrent des milliers d’hommes. Avril 1917 se souviendra du dramatique Chemin des Dames où toute la 66e Division d’infanterie alpine et le 159e RIA de Briançon furent massacrés en pure perte.
D’autres Alpins perdirent la vie dans des combats restés moins célèbres. Mon arrière-grand-père, Fortuné Maurice Pierre Arduin, caporal au 140e BCA, classe 1905, était parti à la Guerre persuadé qu’il mourait dès la première bataille. Moments dramatiques d’une vie que l’on sait sur le point de s’achever. Le 20 novembre 1914, une balle mit fin à son existence près du village de Seicheprey, en Meurthe-et Moselle. Il avait 29 ans.

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Les Vosges (1915-1916)

L’heure de gloire des Alpins remonte à l’année 1915, avec les combats pour la possession de l’arête sommitale des Vosges, des combats d’une violence extrême. Les Alpins y furent engagés sous la forme de deux divisions bleues, les 47e et 66e DI, qui constituèrent ce que l’on nomma l’armée des Vosges.
Impressionnés par leur valeur, les Allemands les nommèrent les Schwarze Teufel, les « Diables bleus ». Les troupes s’efforçaient chacune de prendre le contrôle de pitons dont le seul but était de maîtriser l’observation. De terribles combats eurent lieu pour la conquête de ces sommets anodins, comme la Tête des Faux, l’Hilsenfirst, le Braunkopf où le Hartmannswillerkopf (également connu sous le nom du « Vieil Armand ») où, du 7 au 9 janvier 1916, les 7e et 47e BCA perdirent 1.500 hommes. Au total cette bataille vit la mort de 20.000 hommes. On citera aussi le Lingekopf qui reçut le nom de « tombeau des chasseurs ».
De tels drames ne peuvent que faire penser à ces paroles de Guillaume Apollinaire (1880-1918) :

Si je mourrais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour, ô Lou, ma bien-aimée,
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée,
Un bel obus semblable aux mimosas en fleurs.

C’est un Chasseur Alpin, Albert Severin Roche, qui fut nommé premier soldat de France à la fin de la Guerre. Le 27 novembre 1918, Foch apparut au balcon de la l’hôtel de ville de Strasbourg avec à ses côtés un humble soldat, le chasseur Roche, du 27e BCA qu’il présenta à la foule avec ces mots: « Alsaciens, je vous présente votre libérateur, le premier soldat de France ! » L’homme reçut alors la croix de la Légion d’honneur des mains du commandant de l’armée des Vosges, le général de Maud’huy. Blessé neuf fois, le chasseur Roche fit à lui seul 1.180 prisonniers et détruisit tout seul un nid de mitrailleuses. Victime de sa modestie, personne ne songea en temps de guerre à lui donner du galon.

Vidéo


Chasseurs alpins à l’entraînement en 1898. Film de Louis Lumière. DR.

Photographies

  1. Marche d’une compagnie de Chasseurs Alpins. DR.
  2. Fortuné Maurice Pierre Arduin, en uniforme de chasseur alpin, tombé au front le 20 novembre 1914. Coll. pers. Jean Marie Desbois.
  3. La bataille de l’Hartmannswillerkopf du 7 au 9 janvier 1916. DR.

2 commentaires sur « Les Chasseurs Alpins dans la Grande Guerre »

  1. Décolé, mais « Schwarze Teufel » signifie Diable Noir. Ce qui n’enlève rien à la valeur de ces soldats. Mon grand oncle Jacques PEYRACCHIA est mort le 26 août 1914à l’âge de 25 ans, à La Grande Coinche dans les Vosges. Il n’était pas Chasseur Alpin mais il était du 31ème Bataillon de Chasseurs à Pied. Cordialement
    Gérard Quesne

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