
Dépouiller un acte de décès, une déclaration de maladie ou un testament dans vos recherches jusqu’au XVIIIe siècle (et même après) nous confronte souvent à un vocabulaire médical obscur. Ces termes ne désignent pas seulement des maux, ils sont les témoins de la médecine de l’époque, mêlant souvent superstition, observation clinique et théorie des humeurs.
Comprendre cette terminologie est essentiel pour décoder les vies de nos ancêtres provençaux. Voici un aperçu des principaux termes médicaux que vous croiserez, avec leur signification moderne.
Les affections courantes et générales
Terme ancien |
Signification et contexte au XVIIIe siècle |
Équivalent(s) moderne(s) |
Catarrhe |
Inflammation des muqueuses (respiratoires ou digestives) provoquant une forte sécrétion (écoulement, mucosités). Souvent synonyme de rhume persistant ou de forte toux. |
Rhume sévère, bronchite, sinusite ou inflammation des voies aériennes supérieures. |
Maladie de la Moisson |
Fièvres et dermatoses contractées pendant les travaux des champs en été, souvent dues à des morsures de petits acariens (rougets). |
Fièvres estivales, dermatite causée par des piqûres d’insectes ou d’acariens (comme la thrombidiose). |
Phtisie |
Maladie d’épuisement caractérisée par la faiblesse et l’amaigrissement progressif. Le terme évoque le dépérissement du corps. |
Tuberculose pulmonaire (principalement). |
Fièvre puerpérale |
Fièvre grave survenant après l’accouchement, souvent due à une infection. |
Infection post-partum (septicémie). |
Hydropisie |
Gonflement généralisé du corps par accumulation de liquide, souvent abdominal ou dans les jambes. |
Œdème important, souvent causé par une insuffisance cardiaque ou rénale. |
Cachexie |
État de maigreur extrême et de déchéance physique, synonyme de dépérissement. |
Dénutrition sévère, associée souvent à des cancers ou des maladies chroniques. |
Apoplexie |
Perte soudaine et complète de conscience et de mouvement, souvent avec paralysie, considérée comme une rupture de l’équilibre des humeurs. |
Accident vasculaire cérébral (AVC). |
Fièvre tierce / quarte |
Fièvres récurrentes se manifestant avec des cycles réguliers (tous les deux ou trois jours). |
Diverses formes de paludisme (malaria). |
Les maux de cœur et l’angoisse
Terme ancien |
Signification et contexte |
Équivalent(s) moderne(s) |
Oppression de poitrine |
Sensation de serrement ou de gêne respiratoire et thoracique. Le terme a été formalisé en 1768 par William Heberden. |
Angine de poitrine (Angor), ou douleur thoracique d’origine diverse. |
Palpitation |
Tressaillement cardiaque ressenti par le patient. |
Arythmie ou simple sensation de tachycardie. |
Mal caduc |
Terme utilisé pour désigner une maladie soudaine et souvent associée à la perte de connaissance et aux convulsions. |
Épilepsie (le terme vient de l’idée que le malade tombe). |
Les affections digestives et accidents
Terme ancien |
Signification et contexte |
Équivalent(s) moderne(s) |
Miserere (ou Passion iliaque) |
Terme souvent fatal désignant un arrêt des matières (vomissements de matières fécales) et des douleurs abdominales extrêmes. |
Occlusion intestinale ou iléus. |
Descente de boyaux |
Protrusion (sortie) d’une partie de l’intestin à travers la paroi abdominale ou inguinale. |
Hernie (inguinale, ombilicale, etc.). |
Flux de ventre |
Diarrhée sévère et persistante, très dangereuse pour les nourrissons. |
Gastro-entérite ou dysenterie (cause principale de la mortalité infantile). |
L’enfance et les malades « jeunes »
Terme ancien |
Signification et contexte |
Équivalent(s) moderne(s) |
Claveau / Picote |
Maladie infantile aiguë très contagieuse provoquant des éruptions cutanées (pustules), souvent mortelle. |
Variole (ou petite vérole). |
Dentition |
Désignait non seulement la poussée des dents, mais aussi les fièvres et convulsions qu’on lui attribuait à tort. |
Crises infantiles ou infections diverses associées à la poussée dentaire. |
Blessures et séquelles
Terme ancien |
Signification et contexte |
Équivalent(s) moderne(s) |
Paralysie |
Terme conservé, mais désignant toute perte de mouvement. Souvent considérée comme la séquelle d’une apoplexie. |
Paralysie (hémiplégie, paraplégie, etc.). |
Chute |
Décès ou infirmité survenant à la suite d’un accident, souvent sans plus de détails. |
Traumatisme physique accidentel. |
Un témoignage historique
Il est crucial de se souvenir que l’état-civil, les registres paroissiaux et les archives médicales de l’époque consignaient ce que l’on observait (les symptômes), et non ce que la médecine moderne comprend (les causes pathologiques). Un ancêtre mort de la phtisie est très probablement décédé de la tuberculose. Une hydropisie témoigne d’une grave défaillance d’organe.
Loin d’être de simples mots, ces termes sont de précieuses clés pour interpréter l’état de santé, la mortalité et les conditions de vie en Provence à travers les siècles. Ils nous rappellent l’extraordinaire fragilité de l’existence de nos aïeux face à des maux que la science a, depuis, majoritairement vaincus.