Antoine Faure, un ouvrier raffineur, vivait à Marseille depuis de longues années avec ses deux sœurs. De plus, il nourrissait chez lui Modeste Salle, ouvrier dans la même raffinerie que lui.
Un jour, Salle alla porter plainte chez le commissaire de police contre Faure, l’accusant d’avoir volé dans sa malle la somme de 105 francs qu’il y avait déposée. C’est Clotilde Faure, une jeune fille de 19 ans, qui avait dénoncé son frère à Salle.
À son procès, Faure opposa à l’accusation portée contre lui les dénégations les plus formelles et une vie entière de probité. Il prétendit que Salle n’avait pu amasser une somme de 105 francs et, pour justifier l’accusation de sa sœur, indiqua qu’elle avait sans doute été poussée par le dépit ressenti de ce que, après la mort de la mère, il avait refusé son consentement à son mariage avec Modeste Salle.
Il était difficile pour les juges de croire qu’une sœur pût accuser son frère pour un motif aussi frivole et l’affaire fut donc portée devant la cour d’assises, à Aix-en-Provence.
Au procès, Faure, défendu par Me Bédarrides, persista dans ses dénégations et Clotilde dans ses accusations. Le président lui fit remarquer combien sa conduite envers son frère serait odieuse si elle l’accusait à tort, mais celle-ci se contenta de répondre avec froideur qu’elle disait la vérité.
On en vint donc à interroger Modeste Salle afin qu’il explique l’origine de cette somme qu’il était supposé cacher dans sa malle. Il expliqua qu’il avait acheté des bijoux pour Clotilde ainsi que des meubles pour garnir un appartement et que, pour ce faire, il avait payé 250 francs. Comment s’était-il procuré une telle somme, lui, simple ouvrier raffineur ? Il expliqua que sa mère, une pauvre paysanne du Piémont, la lui avait envoyée, ou peut-être son père, il ne se souvenait plus, par une personne qu’il ne connaissait pas. De plus, il ne pouvait justifier d’aucune preuve d’envoi.
L’autre sœur d’Antoine Faure, elle, était bien mieux disposée à l’endroit de son frère et, alors que la déposition des témoins allait s’achever, elle dit une chose qui allait complètement changer la face de l’affaire.
On apprit que, la veille de sa mort, la mère de Faure qui n’avait pu léguer à Clotilde le quart de son petit avoir, avait remis à Salle une somme de 300 francs en pièces de 5 francs en lui demandant de les échanger contre des pièces d’or et de les remettre à Clotilde, à l’insu de son frère et de sa sœur. Elle ajouta que Salle n’avait pas rendu cet argent à la mère Faure et que Clotilde le réclamait.
On rappela donc Salle et celui-ci soutint qu’il avait rendu le jour-même à la mère Faure les 300 francs échangés en or, mais il fut démenti par Clotilde qui déclara que les meubles achetés par Salle l’avaient été de cet argent et de son consentement et que les 105 francs que Salle prétendait lui avoir volés formaient le restant de cette somme.
Il y avait donc forcément l’un des deux, de Clotilde et de Salle, qui mentait au juge. Après ces explications, il était difficile d’ajouter foi à la parole de Salle selon laquelle on lui avait volé 105 francs. Quand bien même ce fut le cas, Faure n’aurait fait que reprendre ce qui lui appartenait.
Aussi le ministère public sollicita-t-il du jury un verdict d’acquittement pour Faure. Antoine fut donc immédiatement remis en liberté.
Le président Olivier fit alors approcher Salle et Clotilde Faure et leur reprocha avec sévérité toute l’infamie de leur conduite.
L’ainée des sœurs de Faure se jeta en larmes dans les bras de son frère, tandis que Clotilde quittait la salle d’audience sans même daigner les regarder.
- Sources : Le Mémorial d’Aix, 15 décembre 1838, p. 2.