L’an 1800, etc.
Par devant nous, Hivert, Pierre-Antoine, commissaire de police de la ville d’Aix, etc.
S’est présenté le sieur Mourgues Antoine, âgé de 37 ans, de la maison Angelin et Mourgues, fabricants d’allumettes, au cours des Minimes, à Aix, lequel nous a déclaré ce qui suit :
« Ce matin, vers 8h00, en descendant à mon bureau qui prend jour sur un jardin clos de murs du côté du midi et faisant face au chemin de fer et à la rue de l’Aigle-d’Or, dont il est séparé par un champ de blé d’une largeur d’environ 100 mètres, j’en ai trouvé la porte ouverte qui était toujours ouverte fermée intérieurement. Je suis sorti dans le jardin et j’ai constaté que l’unique fenêtre de mon bureau était ouverte, et que les volets et la croisée avaient été fracturés. Après être pénétré dans le bureau, j’ai constaté que mon coffre-fort était ouvert ainsi que les tiroirs d’un secrétaire-bureau placé au milieu de la pièce et qu’il m’avait été soustrait les sommes ci-après qui s’y trouvaient renfermées, ni le coffre-fort, ni la table-bureau n’ayant été fracturés, savoir :
1. 70 francs en monnaie de billon en rouleaux de 5 francs faits avec du papier gris, du poids de 70 kilos ;
2. 2000 francs en deux billets de 1000 francs ;
3. 1000 francs en billets de 20 francs ;
4. 80 francs en pièces de 5 francs et un billet de 5 francs ;
5. 180 francs en monnaie d’argent ;
6. 90 francs en quatre pièces de 20 francs en or et en deux billets de 5 francs, dans un compartiment séparé (appartenant à M. Angelin seul).
Soit en total une somme de 4060 francs, plus quelques cigares ordinaires qui se trouvaient dans l’un des tiroirs de la table-bureau.
Un paquet renfermant des timbres pour les boîtes d’allumettes et portant l’estampille du Ministère des Finances a été aussi déchiré, mais il n’a rien été soustrait.
Je suis rentré hier soir à mon domicile à onze heures et demie, sortant du café Laugier ; il faisait beaucoup de vent et je n’ai rien vu ni rien entendu quoique ma chambre à coucher soit au-dessus du bureau, mais ma femme qui berçait notre enfant a entendu du bruit vers deux ou trois heures du matin.
Je ne sais sur qui porter mes soupçons tout en étant convaincu que les auteurs du vol ne peuvent être que des individus connaissant bien ma maison et mon bureau. J’occupe cinq hommes et environ 90 femmes. Je n’ai à me plaindre d’aucune de ces personnes. J’ai employé il y a quelque temps un sieur Lacoste, ex-employé d’octroi qui n’est pas heureux mais je ne puis pas le soupçonner.
Sur les 710 francs de monnaie de billon qui m’ont été volés, 510 francs m’avaient été apportés hier sur un charreton par une ouvrière de M. Régnier, vermicellier, rue des Cordeliers ; elle est entrée dans mon bureau mais elle n’a pas vu ouvrir mon coffre fort.
Les voleurs ont laissé sur la table une petite corbeille qu’ils avaient préparée contenant environ 30 francs en monnaie de billon, un ciseau à froid tout en fer, une hachette de maçon à double tranchant, un bout de bougie ; au pied du coffre-fort, deux paquets contenant chacun pour 100 francs de monnaie de billon, et au pied du mur du jardin du côté du champ de blé, une échelle de maçon à 12 échelons.
Il m’a été aussi volé dans un tiroir non fermé dans le bas du coffre-fort un sac en toile grise uni, qui a dû servir à emporter la monnaie de billon. Ce sac avait environ 50 centimètres de hauteur et l’un des coins qui était troué était attaché avec une faveur rouge. »
Après avoir reçu cette déclaration, nous nous sommes de suite transportés sur les lieux et avons constaté ce qui suit :
Le volet gauche de la fenêtre du bureau est percé à environ 2 mètres 60 centimètres du sol et à hauteur de l’espagnolette de huit trous de vilebrequin de deux dimensions, ce qui a permis de passer une main moyenne et de faire jouer l’espagnolette.
L’un des angles du carreau de dessous de la croisée est brisé sur une longueur d’environ 15 centimètres à proximité de l’espagnolette.
Les tiroirs du coffre-fort et de la table secrétaire sont ouverts et sur la table nous trouvons le ciseau à froid et la hachette de maçon, et une petite corbeille contenant environ 30 francs en monnaie de billon. Des traces de bougie existant sur le parquet.
Dans l’angle gauche du jardin se trouve une fontaine dans l’un des bassins, à sec, de laquelle nous constatons quatre empreintes de pieds d’une longueur de 26 centimètres sur 8 de largeur avec un talon très petit et mesurant de 4 centimètres à 4 centimètres ½ de largeur.
Le mur porte une marque d’escalade et au pied dudit mur nous trouvons une échelle de 12 échelons du côté du champ de blé. La même empreinte que ci-dessus et une trace de pas sont constatés depuis le mur à travers le champ de blé jusqu’à la rue de l’Aigle-d’Or où la clôture dudit champ de blé a été renversée non loin d’une auberge tenue par le sieur … (sic)
Mme Séguirand Baptistine, épouse Mourgues Antoine, âgée de 34 ans, qui était couchée au-dessus du bureau, nous déclare qu’entre deux ou trois heures du matin, alors que le vent était le plus violent, elle a entendu le bruit des volets agités par le vent, puis que peu après elle a entendu une seule fois, pendant qu’elle berçait son enfant, parler à voix basse. Elle a alors pensé qu’il y avait quelque chose d’insolite dans la maison, mais elle n’a pas osé réveiller son mari dont elle connaît le caractère nerveux, pour éviter un accident.
Il résulte en outre de nos constatations et des déclarations du sieur Mourgues que le coffre-fort n’a pas été forcé et que, quoique étant à double secret, la serrure a été ouverte avec les deux clefs qui ont été trouvées par les voleurs dans l’un des tiroirs de la table dont la clef était à la serrure. Le coffre-fort porte néanmoins trois légères traces de tentative d’effraction.
Les recherches faites jusqu’à ce moment font connaître que l’échelle et la hachette de maçon ont été volées dans la nuit du 20 au 21 courant après effraction d’une porte, au préjudice du sieur Léouffre Barthélemy, âgé de 41 ans, maître maçon demeurant rue Matheron, n° 9, à Aix, dans la maison en construction du sieur Gontard, rue de l’Aigle-d’Or, à environ 500 mètres de la fabrique des sieurs Angelin et Mourgues.
Fait à Aix, etc.
- Archives communales d’Aix-en-Provence