Châteaurenard au XIXe siècle

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Châteaurenard, commune du nord des Bouches-du-Rhône, doit son nom à la famille Renard (Rainoardus), un nom fort répandu au début du XIe siècle. Le lieu était au Moyen Age bien différent de ce qu’il est de nos jours. Jusqu’au XIe siècle, la Durance avait une dérivation au nord du bourg. Ce cours d’eau passait au pied de la colline, de sorte que toute la plaine était un lieu caillouteux coupé d’îles et de canaux.

Le village souffrit beaucoup sous la Révolution et fut souvent victime du passage de bandes armées1. Le château fut détruit en 1792 et la commune reçut en 1793 le nom provisoire de Mont-Renard. Enfin, Châteaurenard devint chef-lieu de canton en 1797.
Au début du XIXe siècle, le bourg se composait de cinq rues principales : la rue Jantelin, la rue de la Juiverie, la rue de la Calade, la rue de Valentours et la rue de la Bourgade. De ces rues formant un noyau central, toujours présent dans la configuration moderne de la ville, partait un grand nombre de petites rues.

La population de Châteaurenard au XIXe siècle

Il n’y avait pas, au XIXe siècle, de hameaux dépendant de Châteaurenard, ni même de fermes d’une certaine étendue. La population éparse était très importante et les maisons situées en campagne étaient en très grand nombre :
182018511921
Population totale3 8165 3398 638
Population agglomérée1 3481 8604 842
Population éparse2 4683 4794 008
Dès la fin du XIXe siècle, une agglomération secondaire fait son apparition au quartier de la Crau (1.140 habitants en 1926). D’une population très implantée depuis des siècles, Châteaurenard a accueilli au fil des décennies de plus en plus d’étrangers. On y comptait 23 étrangers en 1851 et 800 en 1926. L’essentiel de cette immigration visait à soutenir les exploitations agricoles génératrices d’emplois.

Voici à présent la répartition des sexes en 1851 :

MasculinFéminin
2 7471 124 garçons2 5921 316 filles
1 104 mariés1 089 mariées
119 veufs187 veuves
Le comte de Villeneuve signalait en 1821 que « toute la population ne se compose que de familles liées entre elles par la parenté ou par les alliances. C’est, pour ainsi dire, une seule famille dans laquelle cependant il y a parfois des divisions assez marquées, et qui même ont donné lieu à des événements fâcheux ; mais elles sont calmées et tendant à disparaître par suite des voies de conciliation et par le bon esprit qui anime les chefs de famille et les personnes influentes. » Si la Révolution avait fait beaucoup de mal à la commune et à ses habitants, le XIXe siècle a permis de cicatriser lentement ces plaies. Heureusement, il s’agissait de gens au « caractère porté à la gaieté et au plaisir ».

Hygiène et santé

L’état sanitaire de la commune a été relativement sain durant cette période. On comptait en 1851 quatre aveugles, dix borgnes, quatre sourds-muets, six aliénés à domicile et deux hospitalisés, vingt et un goitreux, dix-huit personnes présentant une déviation de la colonne vertébrale, trois manchots, un unijambiste, quatre pieds-bots et cinquante et un autres infirmes, soit un peu plus de 2% de la population de Châteaurenard.

Éducation

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Dans le domaine de l’éducation, on ne peut parler, au XIXe siècle, que d’éducation masculine, puisque l’école pour filles n’a ouvert ses portes à Châteaurenard qu’en 1899. En revanche, dès 1856, les jeunes garçons de la commune ont reçu une instruction, même si celle-ci semble avoir été sommaire. En effet, en 1930, le nombre de vieillards illettrés était jugé élevé. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour voir la population urbaine s’instruire dans une grande mesure. Les enfants de la campagne restaient toutefois en dehors de ce système, en raison des travaux des champs auxquels ils étaient occupés. Pour inciter toute la jeunesse de Châteaurenard à s’investir dans ses études, la municipalité accordait des récompenses pour le certificat d’études.
En 1902 fut créée à Châteaurenard une association (Les Amis de l’école laïque) chargée de secourir les enfants indigents et de fournir du matériel d’enseignement.

Emploi

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En 1821, les habitants de Châteaurenard étaient qualifiés de gens « laborieux, excellents agriculteurs et industrieux pour tirer parti de leurs denrées ». Ces qualificatifs élogieux ne permettent toutefois d’avoir une idée fort précise des professions exercées par la population du village. On a heureusement des chiffres pour l’année 1851 qui donnent une idée plus nette :
  • Agriculteurs : 2.873 (53,8% de la population) dont 1.342 femmes (47% des cultivateurs).
  • Industrie et commerce : 390 (7,3% de la population) dont 105 femmes (27% des personnes exerçant dans ce secteur).
  • Professions libérales : 250 (4,7% de la population) dont 130 femmes (52%).
  • Domestiques : 23 (0,4%).
  • Mendiants : 5 (0,09%).
  • Sans moyens d’existence : 3 (0,06%).
  • Femmes vivant du travail de leur mari : 167 (3,13%).
  • Enfants à la charge de leurs parents : 1.624 (30,4%).

Assistance publique

Outre l’association des Amis de l’école laïque, évoquée plus haut, et créée en 1902, Châteaurenard a compté une société de secours mutuel avant 1870 : la Sainte Cécile. Citons aussi la Vauclusienne qui exerça le même genre d’activités entre 1905 et 1910. Si la commune n’a apparemment jamais possédé de bureau de bienfaisance, un hospice y a toutefois vu le jour en 1820. Il put être fondé grâce à des dons et avait la capacité d’accueillir trente hospitalisés, vieillards ou infirmes. Sa gestion était confiée à six religieuses de Saint-Joseph-des-Vans. Le département entretenait huit lits et la commune cinq.

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Religion et politique

Comme la plupart des communes provençales, Châteaurenard était à large majorité catholique. Néanmoins, une importante minorité de quatre cents protestants y était établie vers 1930. La proximité des Alpilles, réservoir protestant depuis le XVIe siècle, n’y était sans doute pas étrangère.
L’église paroissiale de Saint-Denis-l’Aréopagite était desservie par un curé-doyen et deux vicaires.
Au XIXe siècle, on célébrait trois fêtes patronales à Châteaurenard : la Toussaint, durant laquelle on organisait une foire aux quincailleries, aux toiles, aux draps communs, aux bêtes de somme, aux cochons et aux bestiaux ; la Saint-Éloi, fête des agriculteurs, célébrée le premier dimanche de juillet ; et la Sainte-Madeleine, en l’honneur des jardiniers, célébrée le premier dimanche d’août. Ces fêtes ont pour la plupart survécu au XXe siècle.
Lors des élections législatives de 1877, sur 1.806 inscrits, on dénombra 1.408 votants (78% de participation). Voici le résultat de l’élection :
CandidatPartiVoix%
CadillanMonarchiste97068,9%
TardieuRépublicain42430,1%
Aux législatives de 1910, le taux de participation s’était nettement réduit : 1.102 votants sur 2.508 inscrits (44%). Le résultat fut le suivant :
CandidatPartiVoix%
Henri MichelRadical-socialiste53748,7%
Sixte QueninCollectiviste53748,7%
Progressivement, les habitants de Châteaurenard ont commencé à voter en majorité pour les listes socialistes (Sixte Quenin y a rassemblé plus de 51% des voix lors des législatives de 1928).

Économie

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L’éclairage électrique des rues de Châteaurenard date de 1926. Auparavant, depuis 1882, la commune était éclairée au gaz.
En 1821, le comte de Villeneuve écrivait que le territoire de Châteaurenard était de 3155 ha dont 245 en montagnes, îles et terres vagues – il désignait par le terme « montagnes » des collines à l’altitude moyenne, « ramifications des derniers embranchements du Léberon [Luberon]« . On ne sait malheureusement pas l’étendue des zones boisées à cette époque. Elles étaient très certainement plus importante qu’aujourd’hui. Ainsi, en 1855, la pente nord des collines était déboisée2.
On se contentera de savoir qu’en 1911, les terres cultivées représentaient près des trois-quarts de la superficie de la commune. Il semble évident que les zones marécageuses étaient plus nombreuses au début du XIXe siècle qu’à la fin. Les terrains marécageux des Lônes, par exemple, ont été progressivement mis en culture. Ajouté à cela le percement du canal des Alpilles3, l’endiguement de la Durance, le remplacement des bois de chênes du quartier du Vigneret par des vignes et des champs d’oliviers, tout cela a contribué à la forte expansion des cultures à Châteaurenard, une terre particulièrement fertile. Et pourtant, cette belle terre a longtemps subi les assauts dévastateurs de la Durance qui emportait à intervalles réguliers champs et cultures. Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle pour parvenir à dompter les humeurs de la rivière.
Au début du XIXe, l’essentiel des cultures était constitué de maïs, de légumes, d’herbages et de fruits de toutes sortes. Les cultures de la commune étaient fort renommées et s’exportaient jusqu’à Lyon. En 1820, la vigne, le mûrier et l’olivier occupaient déjà une grande place. On se mit par la suite à cultiver aussi la garance. Avec le XXe siècle, les cultures se diversifièrent et l’on se mit à produire des pêches, des abricots, des cerises, des tomates, des haricots verts, etc.
Pour être complet, signalons que le village comptait deux moulins à huile et trois moulins à farine vers 1900.
Le reste des terres se répartissait ainsi en 1911 : Prés et pâturages (5%), bois (1%), garrigues (12%), terrains bâtis (9%).

Les animaux

Les données concernant les animaux sont malheureusement récentes et ne permettent pas de comparaisons avec le XIXe siècle :
DateChevauxMuletsVachesMoutonsPorcsChèvres
19111 0008080015060
1930840110?300??

Bibliographie

Statistiques du département des Bouches-du-Rhône, M. le comte de Villeneuve, 1821.
Encyclopédie des Bouches-du-Rhône, t. XV, dir. Paul Masson, 1933.
Châteaurenard de Provence, J. Jouffron, J. Clamen, Société des Amis des Tours et de l’Office municipal de la culture, 1984.

Notes

1. Voir à cet égard le texte : Terreur dans les rues du village (Châteaurenard, 1797).
2. Les déboisements de 1855 furent excessifs, ce qui amena la municipalité à ordonner le reboisement d’une partie de la zone détruite.
3. Au lieu d’« Alpilles », on parlait alors des « Alpines ».

Illustrations et photographies

  1. Le cours du village au début du XXe siècle. DR.
  2. Détail du registre des délibérations de 1518 représentant l’emblème de Châteaurenard.
  3. Le cours Carnot au début du XXe siècle. DR.
  4. L’esplanade des Tours en 1840. DR.
  5. Le boulevard du Quatre-Septembre au début du XXe siècle. DR.

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