Eyguières au XIXe siècle

eyguieres-cours-panoramaLe village d’Eyguières ne semble pas antérieur au XIe siècle. C’est en effet à compter de cette période que l’on constate l’existence d’une agglomération sur l’emplacement de l’actuel village. Auparavant, les traces d’habitat se retrouvaient plus au nord, dans le quartier de Sainte-Cécile, et surtout à Roquemartine, autour de l’ancien château. Le desséchement des marais aurait incité la population à émigrer plus on sud. La présence de ces marécages pourrait expliquer l’origine du nom « Eyguières » (Aquaria).
Au XIVe siècle, la seigneurie était partagée entre les Baudinard, ls Cadenet et les Lourmarin. Louis III en fit don à Jean de Sade, dont le fils, Girard, reçut en 1421 l’hommage solennel des habitants d’Eyguières.
En 1789, le château de Roquemartine fut ruiné. Les habitants de ce petit hameau se voulurent de tout temps autonomes, malgré leur sujétion à Eyguières. Au XIXe siècle, ils voulaient être séparés de cette commune, une chose que leur petit nombre (99 habitants en 1820) rendait bien peu probable.

La population d’Eyguières au XIXe siècle

Les chiffres de la population au XIXe siècle font état d’une remarquable stabilité démographique. En revanche, l’érosion s’amorça à la fin du siècle :
 182118511911
Population totale2 9252 999*2 091
Population agglomérée2 6882 6821 602
Population éparse237317489
* Signalons, sur ce chiffre, la présence de quinze étrangers, dont quatorze Italiens.

Le maximum de population au XIXe siècle a été atteint en 1866, avec 3 001 habitants. On note, a vu des chiffres ci-dessus, que, si l’érosion a frappé surtout à partir des premières décennies du XXe siècle, la population agglomérée d’Eyguières a décliné dès le milieu du XIXe. Cela peut surprendre, d’autant qu’Eyguières a toujours été réputée pour être un village d’eau, à l’irrigation facile. Cette érosion démographique peut, peut-être, s’expliquer par le déclin des cultures de l’olivier, et surtout de la garance, qui ont longtemps fait la prospérité du bourg.
En 1851, Eyguières comptait 786 maisons, qui abritaient 878 ménages.

Voici à présent la répartition des sexes en 1851 :

MasculinFéminin
1 559767 garçons1 440606 filles
690 mariés677 mariées
102 veufs157 veuves

Hygiène et santé

Globalement, le bourg d’Eyguières a joui d’un très bon état sanitaire et a été relativement épargné par les épidémies. En 1851, on y répertoriait deux aveugles, vingt borgnes, deux sourds-muets, deux aliénés à domicile, trois goitreux, dix-sept déviations de la colonne vertébrale, et cinquante-neuf autres affections. En 1820, quatre fontaines d’eau potable alimentaient la commune.
Eyguières bénéficie de l’éclairage électrique depuis 1925, grâce à la Compagnie du Sud-Électrique, basée à Avignon.

Éducation

groupe-scolaire-eyguieres

Les renseignements concernant l’éducation à Eyguières ne sont pas abondants. Dès 1838, et jusqu’à la laïcisation, les religieuses de la Présentation tenaient l’école. Il y avait trois classes de garçons et trois de filles. La fréquentation était jugée satisfaisante. La seule statistique d’alphabétisation qu’il nous ait été possible de retrouver indique qu’en 1930, deux conscrits sur trente étaient illettrés.

Emploi

En 1851, l’essentiel de la population masculine est constituée d’agriculteurs. 47% des hommes cultivent la terre (38% des femmes). Au vu de ces chiffres, on est loin des 97% de cultivateurs des Baux, par exemple. On travaille donc la terre, à Eyguières, mais d’autres activités occupent bon nombre de villageois. 504 personnes travaillent dans l’industrie et le commerce (26% des hommes et 7% des femmes).
Le reste se répartit entre propriétaires rentiers (4% des hommes et 8% des femmes), professions libérales (3% des hommes et 0,8% des femmes), domestiques (1,3% de la population, essentiellement des femmes) et mendiants (0,2%), ce qui est un tout petit chiffre, comparé à d’autres communes, montrant que la population d’Eyguières est particulièrement laborieuse.
Près de 11% des femmes vivent du travail de leur mari. Enfin, 784 enfants sont à la charge de leurs parents (47% sont des garçons, 53% des filles), représentant tout de même plus du quart de la population.
La présence de nos six mendiants nous amène à évoquer la question de l’assistance publique.

Assistance publique

On n’a pas connaissance d’une quelconque organisation de la mutualité à Eyguières, ni de l’assistance publique, même s’il existait un Bureau de bienfaisance. Bien peu, a priori, pour une commune d’une telle importance, mais rappelons qu’Eyguières compte très peu de miséreux et beaucoup de travailleurs.

Religion et politique

Comme dans beaucoup de communes des Bouches-du-Rhône, Eyguières a connu des scrutins souvent mouvementés au XIXe siècle.
Lors des élections législatives de 1877, sur 912 inscrits, on dénombra 738 votants (81% de participation). Voici le résultat de l’élection :
CandidatPartiVoix%
CadillanMonarchiste33845,8%
TardieuRépublicain39653,7%
Aux législatives de 1910, le taux de participation s’était réduit : 609 votants sur 885 inscrits (69%). Le résultat fut le suivant :
CandidatPartiVoix%
Henri MichelRadical-socialiste30449,9%
Sixte QueninCollectiviste27745,5%

Économie

eyguieres-vue-generale-panorama

En 1851, la commune d’Eyguières comptait 951 propriétaires-cultivateurs, 13 fermiers, un fermier-propriétaire et 48 métayers. À ces chiffres s’ajoutaient 176 journaliers, 87 domestiques et 3 bûcherons. Cela nous donne une population active très importante et témoigne du dynamisme économique d’Eyguières.
Le paysage a quelque peu évolué au cours du XIXe siècle :
En 1861, on ne comptait que 2.406 ha de terres cultivées contre 4.833 en 1912. Cela fait d’Eyguières la commune au plus grand gain de terres cultivées de tout le département (hormis Marseille). La culture s’est donc intensifiée au fur et à mesure du siècle. Mais qu’y cultivait-on ? Il semble que de 1850 à 1910 environ, la culture de l’olivier soit restée relativement stable sur la commune, après la formidable explosion vers le milieu du siècle. Auparavant, on signalait (vers 1820) une « immense quantité » de terres consacrées à la culture des céréales et des légumes. C’est sur ces terres qu’ont été entamées les cultures d’oliviers et, dans une moindre mesure, d’amandiers. En revanche, la vigne a connu une expansion assez nette, surtout jusqu’à la fin du XIXe siècle. Après cette date, les surfaces consacrées au raisin ont quelque peu décru.
Au XIXe siècle, Eyguières était particulièrement réputé pour ses élevages de vers à soie. En 1881, deux dévidages de soie employaient 26 ouvriers. En 1892, 280 éleveurs produisaient 7.000 quintaux de mûriers et 9 tonnes de coton. Au moment de la première Guerre mondiale, cette culture avait quasiment cessé.
En outre, en 1870, on comptait à Eyguières trois moulins à recense, trois huileries, deux carrières de pierre et deux savonneries (26 ouvriers). En 1890, huit moulins à huile employaient 66 ouvriers.
Concernant les paysages d’Eyguières, nous signalerons qu’au XIXe siècle, les collines étaient couvertes de forêts et le comte de Villeneuve, dans sa Statistique (1820), signale la présence d’animaux sauvages. Avant la Révolution, on y rencontrait encore des ours.

Les animaux

Nous avons vu à quoi ressemblaient les paysages d’Eyguières au XIXe siècle. Reste à savoir quels animaux y étaient élevés. Les chiffres ci-dessous montrent à quel point l’élevage ovin est prédominant. La proximité de la Crau n’y est pas étrangère, même si la production ovine a fortement décru après la Première Guerre :
 ChevauxÂnesMuletsBovinsMoutonsPorcsChèvres
1892144801725010 35045123
1930257122604 800NégligeableNégligeable
On trouvait aussi en 1892 : 800 poules, 200 canards, 100 dindes, 80 pintades, 280 pigeons et 500 lapins.

Bibliographie

« Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse », Abbé L. Paulet, Marseille, 1901.

Photographies

  1. Le cours au début du XXe siècle. DR.
  2. Le groupe scolaire d’Eyguières. DR.
  3. Vue générale du village. DR.