La consaguinité et les degrés de parenté

Quel généalogiste ne s’est jamais retrouvé en présence d’une acte de mariage qui indiquait : « Après trois annonces ou proclamations, (…) sans avoir découvert d’autre empêchement que celuy d’un quatrième degré de consanguinité duquel les parties ont obtenu dispense, nous avons donné consentement au mariage de… » ? La notion de consanguinité est soumise à des règles strictes qui, par principe, sont souvent faites pour ne pas être suivies, en particulier dans les petits villages d’antan où les mariages s’effectuaient parfois entre cousins.
Comment, dès lors, résoudre le casse-tête que peuvent représenter les questions de consanguinité ?
homme-casse-teteLa question de la consanguinité lors d’un mariage n’a plus vraiment lieu d’être aujourd’hui, pour nous qui vivons dans une société d’échanges où les rencontres sont multiples. La question, en revanche, était connue sur le bout des doigts par tous nos ancêtres qui vivaient dans des villages reculés où, faible population oblige, il était parfois bien difficile de trouver un conjoint qui ne vous soit pas apparenté à un degré divers.
Avant toute chose, il convient de préciser qu’il fallut attendre la fin du XIIe siècle pour que l’Église impose « son modèle de mariage » (1). Alors que, jusque-là, on ne s’embarrassait pas de liens familiaux préexistants pour se marier, en raison notamment de la nécessité de conserver un patrimoine dans une lignée ou de ne pas faire intervenir des étrangers dans ses alliances, on se mit vers 1180 à reconsidérer le mariage en fonction du droit romain. Désormais, c’étaient les femmes, par le moyen de la dot, qui apportaient des biens dans le foyer.La réforme grégorienne instaure un code et attribuent aux tribunaux ecclésiastiques la charge de juger les affaires matrimoniales. Les nouveautés de cette réforme prévoient notamment :

  • que le mariage est désormais interdit entre consanguins jusqu’au septième degré de la computation germanique. En 1215, le concile de Latran ramène cette interdiction au quatrième degré (en droit canon), constatant que trop de répudiations étaient prononcées au motif de consanguinité,
  • que le consentement est nécessaire de la part des deux contractants, et non plus seulement de l’époux,
  • l’instauration des bans (proclamation solennelle faites quelques jours avant la cérémonie) afin d’empêcher des mariages clandestins,
  • l’excommunication des polygames et des divorcés.

Bref, le mariage devient une institution sacrée que l’on ne peut plus prendre à la légère. Plusieurs rois de France ont d’ailleurs éprouvé la rigueur de cette réforme, tel Philippe Ier (roi de 1060 à 1108) qui fut excommunié pour avoir répudié sa femme Berthe.

Le droit canon

En droit canon, le degré de parenté s’exprime en une seule donnée si les personnes intéressées appartiennent à la même génération (ex. « lié au quatrième degré »), en deux s’ils appartiennent à des générations différentes (« du trois au quatre »). Ces données expriment le nombre de générations qui séparent chaque personne de l’ancêtre commun. Ainsi,

  • frères et sœurs sont liés au 1er degré,
  • cousins et cousines germains sont liés au 2e degré
  • et cousins et cousines issus de germain au 3e degré.

Pour reprendre l’exemple cité au début de cet article, la constatation d’une consanguinité au quatrième degré signifie que les époux ont un arrière-grand-père ou une arrière-grand-mère commun.

Le droit civil

En droit civil, le degré de parenté constate le nombre d’intermédiaires séparant deux personnes en remontant à l’ancêtre commun puis en redescendant jusqu’à l’autre. L’exemple ci-dessous nous éclairera.
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Comme on peut le voir ci-dessus, en droit civil, Maurice Pierre Fortuné Arduin et Victorine Bellet étaient cousins germains et, donc, liés au quatrième degré. En continuant l’exemple, nous pouvons aller plus loin :
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Marcel Fortuné Arduin était cousin issu de germain d’Augustin Meynier (lien au 6e degré).
Les degrés de parenté, on le voit bien, ne devraient pas présenter de difficulté pour le généalogiste. Comme précisé au début de cet article, l’isolement de certains villages contraignait bien souvent leurs habitants à se marier avec un conjoint de la même famille, parfois même portant le même nom. Il arrive qu’en découvrant un acte de naissance, on y lise que les deux parents avaient le même nom. Il ne faudrait pas en conclure en premier lieu que l’officier d’état civil ne connaissait pas le nom de jeune fille de l’épouse. Au contraire, il faut d’abord envisager une union « consanguine », piste qui se révèle la plupart du temps la bonne .
Les dispenses étaient délivrées par la cour de Rome ou, plus souvent, par l’évêché, représenté par le curé de la commune. On a vu le cas de mariages annulés car les époux étaient en fait liés au quatrième degré et n’avaient pas demandé de dispense, ignorant leur consanguinité. Il fallait alors demander une dispense et se marier à nouveau. Ce genre de situation s’est présenté plusieurs fois, au XVIIIe siècle surtout (2).

 


  1. Martin Aurell, «Le triomphe du mariage chrétien», L’Histoire, n° 144, mai 1991, p. 18-23.
  2. Des exemples sont évoqués sur le site de Bréjon-Peyroux

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