Une histoire de Saint-Martin-de-Crau

etang-des-aulnesSaint-Martin-de-Crau, dans l’Antiquité, semble bien difficile à appréhender. Il est même peu probable qu’un village y ait existé avant le XIe siècle. Dans les années 1990, l’archéologue Otello Badan s’est livré à une prospection systématique de la plaine de la Crau et y a découvert un nombre impressionnant de vestiges indiquant une présence humaine remontant au moins au Ier siècle avant J.-C. Certes pas sur le site même de l’actuelle Saint-Martin, mais dans son voisinage, à Entressen, notamment, qui semble avoir joué le rôle de mutatio aux temps des Romains.
Il faut faire remonter à plus loin encore les premières traces d’une apparition humaine dans la région. L’étang des Aulnes, sur le territoire de la commune de Saint-Martin, a attiré des habitats des la Préhistoire (Néolithique et Chalcolithique). Dans son état naturel, la Crau était alors couverte d’une steppe herbagère, où poussaient péniblement du thym et du chiendent, sauf dans les zones humides, comme l’étang, où poussaient des bosquets de chênes kermés, de chênes verts et d’oléastres.
Il faut attendre ensuite le 1er siècle avant J.-C. pour retrouver des traces humaines, encore sur l’étang des Aulnes. On y a trouvé un abondant numéraire de Marseille, de Nîmes, et de tout l’Empire, jusqu’au Ve siècle1.

Naissance et première mort de Saint-Martin

On est là, en tout cas, tout à fait à l’écart du village même de Saint-Martin-de-Crau. Celui-ci n’apparaît vraiment dans l’Histoire qu’au XIIe siècle2. Cette époque coïncide avec un prodigieux essor démographique en Provence qui se caractérise sur le terroir d’Arles par la multiplication d’églises ou plus généralement d’édifices religieux et d’habitats groupés. Un texte rédigé à Arles au début du XIIIe siècle, intitulé De castris et villis communis, cite nommément quatre habitats groupés dans la Crau : Vaquières, Aureille, Saint-Hippolyte et… Saint-Martin.
On suppose que le bourg est entouré d’une enceinte, qu’il compte plusieurs rues et une maison seigneuriale importante (incluant plusieurs pièces, un cellier, plusieurs greniers et même une prison). Difficile en revanche d’avancer un nombre d’habitants. Une enquête menée en 1293 laisserait entendre qu’une vague de peuplement y avait eu lieu dans les années précédentes. Les nouveaux habitants venaient alors des terres au nord de la Crau, notamment Orgon, Eyguières, Lambesc, Lançon et Pelissanne. En revanche, en 1302, plusieurs habitants de Saint-Martin quittèrent leur village pour s’établir à Arles. En 1316, il y avait un barbier dans la localité, alors qu’auparavant, celui-ci venait des Baux pour raser les Martinois. Tout ceci pour dire qu’une hypothèse raisonnable envisagerait environ 40 à 50 feux aux alentours de 1300.
Les événements auront raison de Saint-Martin. Deux en particulier : en 1348, la terrible peste noire dévasta le village et, en 1355, l’invasion de la Camargue par le comte de Toulouse, Raimond VII, acheva de pousser tous les habitants à l’exil. Tant et si bien que pendant près d’un siècle, il n’y eut plus âme qui vive à Saint-Martin, hormis des animaux sauvages. Précisons au demeurant que toute la Crau fut dans la même situation, Vaquières, Saint-Hippolyte et Aureille compris.

La résurrection de Saint-Martin

Il faut attendre les années 1430-1440 pour assister à un retour de la population. Selon L. Stouff, de l’Université de Provence, la renaissance de Saint-Martin daterait de 1438. Cette année, les chanoines donnent à mettre en culture par des fachiers cent à cent-vingt sétérées de terre. Les fachiers pourront loger dans la tour que le chapitre possède en ce lieu, ou s’installer dans les tours des moulins abandonnés au siècle précédent qu’ils devront tenir closes et couvertes. Le repeuplement, pourtant, est lent. En 1469, Saint-Martin compte seulement cinq maisons, un four pour la fabrication de tuiles et une enceinte (« infra clausum Sancti-Martini »). On estime alors globalement la population à un huitième, peut-être même à un dixième, de celle de 1340.

L’époque moderne

Au 8 mars 1999, Saint-Martin de Crau comptait 11.023 habitants. Cette année-là, la commune a enregistré 101 naissances, 83 décès et 73 mariages.
Age moyen au mariage: 31 ans pour les femmes, 34 pour les hommes.
Espérance de vie moyenne: 63,1 ans en 1984, 73,1 ans en 1999. (Source INSEE).

Saint-Martin-de-Crau ne devient commune qu’en 1925 par distraction d’Arles. Le célèbre Pierre Quiqueran de Beaujeu, écrivain, y possédait un fief au XVIe siècle, Vaquières, qui devint marquisat au XVIIIe siècle. Le site de la Crau est très étonnant et des auteurs depuis l’Antiquité citent ce paysage apparemment désolé et éperdument plat à perte de vue vers le Sud, le Nord étant barré par la chaîne des Alpilles. On notera la remarquable borne milliaire au nord-ouest du mas d’Archimbaud.

Le Saint-Martin que l’on voit aujourd’hui est un bourg récent à l’architecture rectiligne et aérée. L’église Saint-Martin date de 1876 et fut construite en style néo-roman. Le village comptait alors 4.000 habitants. La commune vit de la culture du melon et de la tomate. On y élève aussi des taureaux de Camargue. Le site officiel du village se trouve à l’adresse http://www.ville-saint-martin-de-crau.fr/.

Notes

1. Pour plus de renseignements sur ces découvertes, vous pouvez vous reporter à « Une auberge en Crau au Ier siècle avant J.-C. ? » par O. Badan, J.-P. Brun et C. Congès, in « Crau, Alpilles, Camargue – Histoire et Archéologie », tome II, éd. par le Groupe Archéologique Arlésien, Arles, 1997.
2. Il faut absolument se référer au texte de Louis Stouff de l’Université de Provence, « La Crau dans la vie et l’économie d’Arles au bas Moyen Age », réf. ci-dessus, qui donne une analyse remarquable de l’évolution démographique dans la Crau.

Photographie

Étang des Aulnes, Saint-Martin-de-Crau. © 2001 Jean Marie Desbois.

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