La dispute de deux couples (Ventabren, 11 juin 1873)

L’an mil huit cent, etc
Nous, Hivert Pierre-Antoine, commissaire de police, etc.
Procédant à une information en vertu des ordres de Monsieur le Procureur de la République d’Aix, en date du 11 juin courant, sur les faits de port d’arme prohibée et de menaces de mort, relevés par le procès-verbal ci-joint de la gendarmerie de Rognac, en date du trois juin courant, contre le sieur Séguiran Casimir, âgé de 51 ans, boulanger ambulant, demeurant rue Boulegon n°2, à Aix, avons recueilli les déclarations :
quartier-de-roquefavour1° du sieur Séguiran qui nous a répondu comme suit :
« Je parcours les foires et marchés avec ma femme pour y vendre du pain. Il y a environ vingt jours, nous trouvant à Cadolive, une dispute s’est élevée entre ma femme et la concubine du sieur Eysseris, marchand ambulant, à propos d’une subtilité, et cette dernière a eu son bonnet déchiré. Depuis ce jour, des menaces n’ont cessé de nous être faites [par] Eysseris et sa concubine.
« Le 2 juin, dans la matinée, nous nous rendions à la fête de Roquefavour pour y exercer notre profession lorsque, à l’entrée de ce village, une femme qui se trouvait en avant de moi, en compagnie de plusieurs personnes, parmi lesquelles les sieurs Vallier Louis et Ducrot Louis, marchands ambulants, a été brutalement provoquée et menacée par la concubine du sieur Eysseris. Ce dernier était présent. Les sieurs Vallier et Ducrot se sont interposés pour empêcher ma femme d’être battue. Je suis arrivé dans ce moment, j’ai été provoqué moi-même par Eysseris et c’est alors que, m’adressant à ce dernier et tirant mon épée de sa canne, je lui dis : “Si tu oses nous toucher, ma femme ou moi, je te crève le ventre.” L’affaire a été terminée ainsi, sans préjudice des injures et des menaces dont nous avons continué à être l’objet, jusqu’au moment où la gendarmerie est venue saisir ma canne à épée, dont je m’étais muni sur le conseil qui m’avait été donné par M. Aninard, avocat à Aix. »
2° de la nommée Pélagie Ramin, âgée de 22 ans, femme Seguiran, qui confirme la déclaration de son mari et qui ajoute qu’elle n’osait avouer quand elle a vu les démonstrations de la concubine d’Eysseris, qui venait de quitter son bonnet et son mouchoir de cou pour être plus à l’aise, et que ce n’est que grâce à l’intervention de Vallier et de Ducrot qu’elle n’a pas été frappée par cette femme qui était furieuse, quoiqu’elle ne lui ait rien répondu.
3° le sieur Eysseris Joseph, âgé de 35 ans, né à Metz, marchand ambulant, domicilié à Aix, rue Annonerie-Vieille, n°20, qui vit séparé de sa femme depuis longtemps et en concubinage avec la veuve du sieur Jacques Antoine, née Augustine Provins, âgée de 39 ans, cette dernière parcourant les foires avec lui pour faire jouer aux jeux de hasard, reconnaît, ainsi que sa concubine, qu’ils voulaient se venger de ce qui s’était passé à Cadolive, qu’ils avaient voulu profiter de la circonstance qui se présentait avant d’entrer dans Roquefavour et, lorsqu’ils ont vu que le sieur Séguiran les menaçait de son épée, Eysseris était allé se plaindre à la gendarmerie.
4° les sieurs Vallier Louis, âgé de 43 ans, portefaix, domicilié à Aix, rue Saint-Sébastien, n°9, et Ducrot Louis, portefaix à Aix, rue de l’École, qui se rendaient à Roquefavour en compagnie des susnommés, attestent que le sieur Eysseris et sa concubine, cette dernière surtout, qu’ils ont voulu dépouiller de son bonnet et de son mouchoir, ont provoqué et menacé les mariés Séguiran et que, sans eux, la femme Séguiran aurait été battue.
  • Sources : Archives communales d’Aix-en-Provence, I1-15.

Faits divers de Ventabren

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